LES AMANTS TRAQUÉS
Kiss the Blood off my Hands – Etas-Unis – 1948
Support : Bluray & DVD
Genre : Film noir
Réalisateur : Norman Foster
Acteurs : Joan Fontaine, Burt Lancaster, Robert Newton, Lewis L. Russel, Aminta Dyne…
Musique : Miklos Rosza
Durée : 79 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 5 octobre 2021
LE PITCH
Marqué par la guerre, Bill Saunders traîne dans Londres, qui porte encore les traces des bombardements aériens. Un soir, au cours d’une bagarre, il tue malencontreusement un patron de bar. Il s’enfuit et trouve refuge chez une jeune femme, Jane Wharton. Celle-ci va l’aider à se cacher…
Le sang sur les mains
Seulement deux ans après son premier film et premier succès, Les tueurs de Robert Siodmak, Burt Lancaster se lance dans la production avec Les amants traqués. Bien qu’encore méconnu en France, ce film noir vaut le coup d’œil notamment pour l’interprétation de son duo de stars et son sujet fataliste teinté de mélo.
Adapté du roman du britannique Gerald Butler, sorti en 1940, Les Amants traqués connut quelques soucis lors de son adaptation cinématographique. Tout d’abord, son titre original, Kiss the blood off my hands (Efface le sang de mes mains par tes baisers), provoqua une certaine controverse avec une presse et une censure puritaine. Ainsi, un journaliste ironisera en demandant si « quelqu’un pourrait-il nettoyer de ses baisers le « gore » de ce titre ? »… Le film sortira finalement sous pas moins de trois titres : le titre original dans les grandes villes (plus tolérantes), The Unafraid dans les petites et Blood on My Hands au Royaume-Uni…
Le tout jeune producteur Burt Lancaster vit son « bizutage » continuer avec le scénario qui fut à maintes reprises critiqué par le PCA (ou Code Hays). En effet, le livre dont est issu le film s’avère bien plus vulgaire et immoral que la version finale réalisée par Norman Foster. Le personnage de Bill, qui à la base n’était qu’une brute épaisse quasi-psychopathe, devient un personnage certes violent mais fragilisé par son expérience de la guerre. Une scène avec une prostituée sera tout simplement supprimée, et le personnage de Joan Fontaine ne finira pas défiguré… Malgré les injonctions de la censure qui édulcorent le récit, Les amants traqués n’en reste pas moins un film noir des plus recommandables.
Le corps et le fouet
Joan Fontaine et Burt Lancaster forment un duo magnifique qui s’inscrit dans la tradition des couples maudits de ce genre de cinéma. Ainsi, c’est enfin lorsque les deux tourtereaux s’aimeront d’un amour réciproque et que Bill entamera sa rédemption que le passé, un meurtre « accidentel », refera son apparition pour mieux broyer ces infortunés. Notons d’ailleurs l’interprétation volontiers caricaturale de Robert Newton en tentateur et maître-chanteur. Aussi détestable qu’il le fût sur le tournage, l’acteur anglais et son accent vampirisent le film, alors qu’il s’agit d’un personnage très secondaire du roman. Encore une adaptation du scénario face à la rigueur du Code Hays… Néanmoins, Lancaster s’offre de nouveau un rôle mémorable notamment lors d’une scène de flagellation exemplaire et traumatisante. L’acteur ne simulera pas la scène, souhaitant retranscrire ses émotions à l’écran…et ça fonctionne ! Notons que ce fouettage en règle était une pratique réellement exercée par la justice britannique jusqu’en 1948. Enfin, le mésestimé Norman Foster, qui travailla entre autres avec Orson Welles, assure parfaitement la réalisation. La reconstitution de Londres d’après-guerre en studio est remarquable (avec ses ruines et ses tickets de rationnement), la première séquence de fuite impressionnante de fluidité et de tension. On retiendra aussi une scène de zoo où Foster nous fait parfaitement ressentir le malaise de Bill devant ces animaux privés de liberté comme lui auparavant.
Saluons l’initiative de Rimini de sortir ce film de l’oubli, car il s’avère important à bien des égards puisqu’il est à la fois un défi à la censure et permet à Lancaster de construire un peu plus sa mythologie d’homme viril. Les scènes de violence sont d’ailleurs marquantes, laissant entrevoir la sauvagerie d’un homme perdu dans les méandres de son passé…
Image
C’est dans une version restaurée 2K que nous est présenté ce film. L’image est remarquablement nette sauf à de rares moments, notamment les gros plans sur les visages. La définition est impeccable comme le noir et blanc, parfaitement contrasté sue les scènes de nuit par exemple.
Son
Le Master DTS-HD Mono retranscrit bien les dialogues et la musique de Rosza. On pourra s’étonner de l’absence de VF même si c’est un plaisir de retrouver la voix originale du grand Burt Lancaster.
Interactivité
Le livret, écrit par Chrsitophe Chavdia, s’avère passionnant et bourré d’informations, revenant sur le roman original, les difficultés avec la censure… On y apprend que John Huston et Robert Siodmak, qui avait les préférences de Lancaster après la réussite de The Killers, ont été approchés mais sans succès. Enfin, il semble que Robert Newton était autant exaspérant à l’écran qu’en dehors, cumulant retards et gueules de bois !
Quant à l’entretien avec Cristian Ferri, il nous permet de revenir sur le contexte du film et le caractère téméraire de Lancaster n’hésitant pas à se lancer dans la production malgré sa « jeunesse ». Il semblerait que l’acteur-producteur était assez interventionniste, il réalisera d’ailleurs L’homme du Kentucky en 1955, et produira de nombreux autres films comme Le corsaire rouge, Le grand chantage…
Liste des bonus
Livret « Crime et châtiment », écrit par Christophe Chavdia (24 pages), « A la genése de la légende Lancaster », entretien avec Cristian Ferri, professeur émérite, Université de Caen (21′).