LES AMANTS DE BRASMORT
France – 1951
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Marcello Pagliero
Acteurs : Nicole Courcel, Frank Villard, Henri Génès, Line Noro, Robert Dalban…
Musique : Georges Auric
Image : 1.37 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Durée : 86 minutes
Éditeur : Coin de Mire Cinéma
Date de sortie : 17 mai 2024
LE PITCH
Jean est marinier. Il vit sur son piètre bateau, près d’un cimetière de péniches sur un affluent de la Seine appelé « bras-mort ». Il est amoureux de la fille d’un richissime armateur. La jeune femme lui retourne son affection mais se heurte violemment aux préjugés de classe de sa famille. En effet, ses parents tentent tout leur possible pour séparer les deux amants.
La vie est un long fleuve tranquille
Réalisateur, scénariste et acteur d’origine italienne, Marcello Pagliero s’attarde au tout début des années 50 sur le monde en vase-clos des conducteurs et habitants de péniche. Un monde rude, pauvre, habité par la force du travail, mais où peut aussi naitre une histoire d’amour interdite.
Pour être tout à fait honnête, la fameuse romance annoncée par le titre du film semble bien souvent surtout un prétexte. Un point d’ancrage avec l’habituelle fracture entre deux familles, ici de mariniers donc, animés par des rancœurs anciennes, et qui voient depuis toujours d’un mauvais œil la grande relation amicale entre Jean et la Jolie Monique. D’ailleurs le père de cette dernière, qui étend peu à peu sa poigne sur toute la zone d’affrètement de Conflans-Sainte-Honorine, entend bien la fiancéer pour le prestige et les affaires avec un fils de bourgeoise locale (et accessoirement maitresse connue). Une histoire éternelle à laquelle Frank Villard et Nicole Courcel tentent bien de donner une certaine consistance, mais la caméra de Marcello Pagliero est constamment attirée parl’environnement du film. Après une première partie de carrière en Italie où il fut l’un des rôles principaux de Rome, Ville ouverte et participa aussi à l’écriture de quelques scénarios comme Païsa avant de démarrer sa carrière de réalisateur avec La Proie du désir, ou Rome Ville Libre, le cinéaste emporta avec lui en France tout son héritage du néo-réalisme italien.
Boat-people
Un regard de l’extérieur déjà expérimenté avec Un Homme marche dans la ville, et sans doute plus creusé encore avec le présent Les Amants de Brasmort entièrement circonscris à un milieu précis, particulier, fonctionnant presque en autarcie avec le reste du pays. Jouant ainsi sur les rapports de pouvoir, s’attardant sur les fortes amitiés viriles (souvent nouées au bar du coin) et décrivant avec tendresse les nombreux sacrifices des femmes et épouses (abimée trop vite par le travail et la solitude), Les Amants de Brasmort tend constamment vers l’illustration documentaire, capturant non sans quelques touches de cette poésie réaliste plus française (merci Duvivier), la réalité de ces gens des péniches, ouvriers prolétaires constamment au bord de la survie, de la misère la plus totale, mais incapable d’imaginer une meilleure vie que celle-là. Les tableaux les plus saisissants apparaissent justement du côté du frêle affluent renommé « brasmort » où sont échouée les navires trop usés ou trop anciens pour avoir encore le droit de naviguer. Transformés en habitations précaires ils illustrent déjà la disparation annoncée d’un métier et d’une vie qui deviendra rapidement obsolète les décennies suivantes.
Même s’il propose en son centre une étonnante, et effectivement presque haletante, longue poursuite entre deux péniches, le film de Pagliero ne recherche certainement pas à devenir un grand divertissement, mais le portrait sans une once de misérabilisme et avec une bienveillance évidente, d’un petit monde un peu hors du monde, avec ses propres règles, ses propres équilibres et ses propres batailles.
Image
Film rare s’il en est, Les Amants de Brasmort profite ici d’une belle restauration 2K effectuée par Les Films du jeudi à partir d’une copie préservée par la Cinémathèque Française. A priori donc une copie positive qu’il a fallu nettoyer au mieux, restabiliser et rééquilibrer avec des limites techniques évidentes. Pourtant le master obtenu est d’excellente facture avec forcément une définition qui ne peut que rester sur la réserve et quelques passages un peu chahutés, mais le traitement numérique a réussi à joliment harmoniser le métrage, lui redonner des contrastes fermes et des matières assez naturelles.
Son
Quelques petits chuintements et autres grésillements sont passés au travers du filet, mais là encore la piste mono est tout à fait convaincante, sobre et claire, et donne une belle prestance aux voix d’autrefois.
Interactivité
Comme toujours, il est difficile de résister à l’appel de la « Séance complète » qui peut ouvrir le programme complet. Ici sont donc proposés en ouverture des Actualités Pathé de la 20eme semaine de l’année 1951 avec quelques grandes informations géopolitiques mondiales comme la Guerre de Corée qui fait autant rage que la course à l’armement, et surtout beaucoup de petites infos mondaines (mariages et rencontres royales), des faits divers et même un petit résultat hippique pour la route. Tout le pouls d’une époque qui se poursuit par la bande annonce de Brelan d’As et une bonne sélection de réclames à l’ancienne avec les incontournables bonbons Krema, la Margarine Astra et les pouvoirs magiques de la Vitelle en dessin animé.
Coin de mire complète le tout avec une compilation de reportages cinéma sur le monde des mariniers produits au cours des années, de 1956 à 1975, avec des durées variables, des angles de plus en plus précis et documentaires, mais aussi un même regard un peu étonné et admiratif devant ces « gens du voyage », parfois presque décris comme des aventuriers modernes ou les derniers bastions d’une époque révolue. Le dernier « Le bra-favé » est peut-être le plus pertinent puisqu’il revient justement sur les habitants de ce fameux bidonville flottant dit le Brasmort : leur existence précaire, leur sens de l’entraide et même le regard nostalgique d’une famille qui a fait le choix de se sédentariser en ville.
Liste des bonus
La séance complète (21’), Documentaires : « Les Mariniers » (3’, 1956), « Entre le Havre et Paris coule la Seine » (5’, 1964), « Le Sirius » (5’, 1969), « Le Marinier » (9’, 1974), « Capitaines sans uniformes » (10’, 1975), « Le Bra-favé » (17’, 1962).