Cela fait maintenant presque dix ans qu’Inès Léraud, journaliste indépendante, s’efforce de mettre en ligne les causes et les dégâts catastrophiques provoqués par l’élevage intensif en Bretagne. Ces premiers dossiers seront révélés dans son émission Chronique Bretonne pour Radio France, puis remis en forme et son enquête racontée directement par le biais d’une BD autobiographique illustrée par Pierre Van Hove : Algues vertes l’histoire interdite (Delcourt). C’est cette dernière qui a attirée l’attention de Pierre Jolivet (Ma petite entreprise, Force majeure, Les Hommes du feu…), réalisateur déjà largement connu pour son cinéma conscient et ses engagements politiques et sociaux, qui a construit le scénario en collaboration avec la journaliste. Le film s’efforce ainsi de rester toujours au plus près de la vérité du terrain, de suivre pas à pas l’enquête d’Ines Léraud, ses questionnements, les informations trouvées, les révélations et interview dégotées, pour prendre la forme d’un témoignage crédible et convaincant. La caméra portée à l’épaule, la photographie très franche, l’aspect tranche de vie qui habille un peu le quotidien de la protagoniste, lui donnerait même des contours de documentaire, de cinéma vérité…

Histoires naturelles

Cependant, la mise en scène n’est jamais crue ou bâclée, et Pierre Jolivet sait parfaitement jouer sur le contraste entre la beauté des paysages de la côte Armorique et la dangerosité omniprésente de ces fameuses algues invasives dont la dégradation libère des gaz s’avérant mortels pour les animaux de la région, et les humains, joggeurs occasionnels ou ouvriers agricoles. De quoi donner parfois à Les Algues vertes des petits accents de récit policier, de film d’enquête à la fois didactique et plutôt prenant. Quel dommage cependant que ce type de sujets ne soit plus traité aujourd’hui que sous cette forme légèrement impersonnelle, plus télévisuelle, là où quelques décennies plutôt les multiples manipulations d’élus locaux, la main mise économique des coopératives agricoles, l’abandon et les craintes d’une partie de la presse et les menaces peu dissimulées de certaines populations du coin auraient pu donner naissance à un véritable thriller plus noir, tendu, parano, embrassant sans honte les codes du cinéma de genre. Un regret certainement, mais reconnaissons tout de même au film déjà la qualité d’exister, de mettre en lumière une problématique importante et aux conséquences gravissimes, d’en expliquer de manière claire et frontale autant les mécaniques que les origines (biologiques et économiques) et de s’efforcer d’y donner une touche légèrement positive, soulignant l’utilité du combat.  

Pas forcément un grand film donc, mais en tout cas certainement une fiction qui se doit d’être vue et connue, admirablement portée par une pétillante et convaincu Céline Sallette (Brillantes, Petites…) et profitant d’une surprenante prestation de Jonathan Lambert en élu régional pragmatique, très loin des habituels rôles d’allumés.