LES AILES DU DÉSIR
Der Himmel über Berlin – Allemagne, France – 1987
Support : UHD 4K, Bluray, Livre
Genre : Fantastique, Drame
Réalisateur : Wim Wenders
Acteurs : Bruno Ganz, Solveig Dommartin, Otto Sander, Peter Falk, Nick Cave, Curt Bois…
Musique : Jürgen Knieper
Image : 1.66 16/9
Son : Allemand DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0, DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 129 minutes
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 17 octobre 2023
LE PITCH
Deux anges, Damiel et Cassiel, déambulent dans Berlin. Invisibles, ils observent les humains dont ils peuvent capter les plus secrètes pensées… Un jour ils rencontrent un ancien ange devenu humain qui sent leur présence et leur communique sa foi en l’humanité. Damiel tombe alors amoureux d’une trapéziste et devient à son tour mortel…
Un ange passe
Prix de la mise en scène au 40ème festival de Cannes, Les Ailes du désir a connu une récente et impressionnante résurrection grâce à une restauration complète et magnifique de sa copie. Les sensations de rêve et de voyage sont toujours les mêmes, mais la puissance du poème cinématographique est sans doute encore décuplée.
On ne fera pas injure à Wim Wenders en disant que Les Ailes du désir est sans aucun doute son film le plus célébré de part le monde, le plus connu, le plus universel et certainement aussi son plus éclatant, pas forcément le plus réussi, mais les plus obsédant, celui qui reste définitivement en mémoire par ses images et ses sensations. Dix ans après son précédent film allemand, L’Ami américain, Wim Wenders revient donc chez lui et s’approche pour la première fois de la cathartique et enclavée Berlin pour lui offrir l’un de ses portraits les plus éblouissants. Quelques rares images volées à Berlin Est, des plans aériens à coupés le souffle, une population qui semble capturée sur le vif et dont les images et les pensées volées viennent servir de toile… Mais aussi ces visions d’une citée déchirée, de constructions brutes de béton, de terrains vagues comme autant de no man’s lands constamment fermés à l’horizon par le fameux mur. La réalité d’une ville marquée par les destructions de la Seconde Guerre Mondiale (le fantôme de celle-ci est partout) et toujours abimée par la Guerre Froide, mais à laquelle Wim Wenders offre une déclaration d’amour d’une pureté renversante, d’une sensibilité rare.
Paradis sur terre
Mais aussi d’une pertinence poignante, creusant dans les quartiers populaires jusques dans les milieux underground pour trouver au cœur de la nuit l’une des performances subversives d’un Nick Cave alimentant les rêves de liberté et de renaissance de la population berlinoise. Quelques images en couleurs viennent presque chercher la réalité documentaire, mais se sont surtout la grande majorité des plans en noir et blanc, impérialement capturés par le maitre Henri Alekan (La Belle et la bête de Cocteau, Le Couteau dans l’eau de Polanski, Vacances romains de William Wyler…) qui donnent véritablement au métrage son identité profonde, offrant une superposition époustouflante entre la rigueur et le grain du présent et les souvenirs d’un cinéma impressionniste sublime venu de l’âge d’or du cinéma allemand. Les Ailes du désir témoigne, mais s’efforce aussi constamment de raviver une âme, une flamme, une identité, une culture et un espoir, un besoin de vivre, libre et simple. Un désir habité par l’un des anges qui protège la ville, Damiel (Bruno Ganz porté par une bienveillance communicative), savourant les petits riens qui font une vie, et qui va tomber amoureux d’une belle trapéziste (elle aussi entre ciel et terre donc) pour qui il va tomber l’armure afin de devenir humain. Un coup de foudre tout simple en forme de lâché prise. La vie continue.
La vie doit continuer clame Les Ailes du désir. Le tout sous le regard bienveillant d’un Peter Falk (oui Colombo) ici dans son propre rôle d’ancien ange volontairement déchu, en plein tournage à Berlin. Un polar (forcément) se déroulant en partie pendant les années du nazisme. Une jolie coquetterie de cinéphile, qui rappelle que l’art est certainement le meilleur moyen de panser les plaies. Deux ans après sa sortie, le mur tombera transformant Les Ailes du désir en témoin d’une époque déjà, et heureusement, révolue.
Image
Des suites de sa juxtaposition entre des éléments en noirs et blancs et d’autres en couleurs, et de différents effets de superpositions, les copies présentées depuis 1987 étaient toujours à au moins 6 générations d’écarts des négatifs originaux (dixit Wenders). Pour son passage au numérique et au 4K le film a donc dû être intégralement repris à la source, les éléments restaurés séparément avant d’être recombinés et remontés en suivant scrupuleusement le montage initial. Le résultat final est donc tout simplement miraculeux, à des lustres des plans constamment flous et aux contrastes passés d’autrefois. Ici le noir et blanc est d’une richesse incommensurable, les séquences en couleurs chaudes et naturelles, et l’ensemble affirme une définition puissante et délicate, profonde et fluide qui décuple comme jamais la beauté du film.
Son
Un travail tout aussi pointu a été apporté à la bande sonore qui, toujours sous la surveillance du cinéaste, ont repris les éléments sonores disparates pour les recombiner dans un DTS HD Master 5.1 magnifique de pureté et de finesse, mais qui développe aussi désormais une atmosphère spatiale beaucoup plus présente, offrant, par exemple, aux effets de voix des sensations beaucoup plus enveloppantes et aux scènes de concerts des basses plus entêtantes. La stéréo d’origine en allemand est bien entendu aussi proposée et le très bon doublage français reste lui un peu tristement accroché à son mono initial.
Interactivité
26ème coffret collector de Carlotta, Les Ailes du désir offre donc la même présentation sous forme de livre glissé dans un fourreau cartonné épais. Superbe design en devanture et un ouvrage qui semble, comme cela arrive parfois, un peu vide par rapport à d’autres titres de la collection. Outre un texte poétique signé Wenders autour de la redécouverte du film et des transformations de Berlin, on y trouve quelques photos rares des coulisses et le scénario intégral et annoté par le cinéaste.
Glissés dans la couverture, les disques UHD et Bluray proposent les mêmes suppléments avec en ouverture de programme une interview inédite de Wim Wenders. Il s’y concentre essentiellement sur l’énorme restauration du film qui lui aura quasiment pris un an de travail, revenant ainsi sur sa collaboration avec le directeur photo Henri Alekan, puis déviant sur les visions de Berlin contenues dans le film et les bouleversements connus par la ville depuis. Ce thème là revient d’ailleurs de manière encore plus directe dans le petit documentaire « Invitation au voyage » tourné pour Arte qui emmène le réalisateur sur les anciens lieux de tournage pour observer directement les transformations de la cité réinventée depuis la réunification. Très intéressant mais on ne trouvera finalement pas vraiment d’exploration ou d’analyse du film, et les trois séries de scènes coupées viennent surtout témoigner de recherches esthétiques et d’un voyages plus long encore dans les méandres de la ville : les premières sont l’intégralité des plans capturés lors du vol en hélicoptère au-dessus de la ville, les secondes sont un montage musicale d’instantanés urbains et les troisièmes entre essais écartés pour expliquer les déplacements des anges et scénettes ou dialogues supplémentaires sont commentées par Wenders. Reste en conclusion un petit reportage filmé pour l’émission Cinéma, cinéma durant le tournage du film dans le film qui vient témoigner de l’atmosphère studieuse du tournage.
Liste des bonus
Le livre « Le Ciel de Berlin : Les Ailes du désir de Wim Wenders » (208 pages), Entretien avec Wim Wenders sur le processus de restauration du film (HD, 27’), Scènes coupées avec accompagnement musical (7’), Scènes coupées avec commentaire audio de Wim Wenders enregistré en 2003 (32’), « Vol en hélicoptère au-dessus de Berlin » : la ville vue du ciel, sur la musique du film (HD, N&B, 11’), « Cinéma, cinémas : Wim Wenders Berlin janvier 1987 » (10’), « Invitation au voyage : Berlin, capitale du désir de Wim Wenders » : retour sur les lieux du tournage avec Wim Wenders (ARTE, 2018, HD, 15’), Bande-annonce internationale de la version restaurée et montée par Wim Wenders en 2017.