L’ÉNIGMATIQUE MONSIEUR D.
Foreign Intrigue – Etats-Unis – 1956
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Sheldon Reynolds
Acteurs : Robert Mitchum, Geneviève Page, Ingrid Thulin, Frédéric O’Brady, Eugene Deckers, Inga Tidblad…
Musique : Paul Durand
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 99 minutes
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 06 mars 2024
LE PITCH
En vacances sur la côte d’Azur, le riche homme d’affaires Victor Danemore meurt subitement. Dave Bishop, qui travaillait pour Danemore au moment de son décès, est intrigué par son passé. En pleine Guerre Froide, au risque de sa vie, il va mener son enquête à travers l’Europe.
Affaires étrangères
Robert Mitchum qui traine sa mine imperturbable au cœur d’une enquête sombre et mystérieuse, tiraillé entre deux belles demoiselles possiblement dangereuses… On connait. Pourtant L’Énigmatique Monsieur D., on ne connait pas. Un film noir après coup, dont les origines sont à chercher du coté du petit écran.
Inconnu au bataillon, Sheldon Reynolds est en effet surtout un homme de télévision. Réalisateur, scénariste et producteur de quelques programmes dont les plus célèbres resteront ses deux adaptations de l’œuvre de Conan Doyle (sobrement Sherlock Holmes en 1954 et Sherlock Holmes and Doctor Watson en 1979) et un certain Foreign Intrigue. Un programme imposant de 170 épisodes de trente minutes à l’arrivée, mettant en avant le couple d’agents Robert Cannon et Helen Davis, plongés dans de grandes affaires d’espionnages au cœur d’une Europe d’après-guerre toujours hantée par les démons de la Seconde Guerre Mondiale. Un joli succès aux USA, très inspiré par les grands classiques du polar à l’ancienne mais aussi les essais plus récents de Hitchcock, Carol Reed ou Orson Welles, qui donne justement des ailes à son créateur qui s’imagine pouvoir transposer le programme sur grand écran, entre une sixième saison compressée en long métrage et un spin-of de luxe. Et oui le concept existait déjà en 56 ! Forcément les formes ont tendance à changer dans ce film connu en France sous le titre L’Énigmatique Monsieur D., avec le duo central remplacé par un seul personnage, Dave Bishop, cette fois-ci détective malgré lui, mettant le nez dans une affaire qui le dépasse comme tout bon héros de film noir (il a même l’impair et le chapeau), mais incarné sur une pellicule intensément Technicolor.
Coup double
Il y a forcément un sacré contraste entre l’atmosphère voulue du film, son rythme volontairement languissant, son enquête laborieuse (mais franchement prenante) et sa reprise constante des codes immuable du genre (la femme fatale, l’acolyte agent double, les ruelles sombres…) et une photographie relativement joyeuse et ensoleillée qui irait plutôt chercher du coté de la comédie romantique. Si l’acteur star Robert Mitchum, impeccable mais en sous régime dans une défroque qu’il connait déjà trop bien, se contente du minimum, l’affaire se suit pourtant avec grand intérêt grâce à une multiplication de fils, d’intrigues et d’enjeux qui savent se révéler que progressivement jusqu’à s’imprégnant de contours historiques, certes dramatisés, mais pas totalement incongrus. Encore une fois bien incarné dans cette vieille Europe alors exotiques et inquiétantes pour nos chers américains, ce Foreign Intrigue voyage de Nice à Stockholm en passant par Vienne et Monaco avec une certaine élégance, profitant au passage des séduisantes Geneviève Page (Fanfan La Tulipe, Michel Strogoff, Le Cid…) et Ingrid Thulin (future habitué d’Ingmar Bergman à partir des Fraises sauvages) pour camper le duo iconique de la brune et la blonde, la traitresse et l’ange trop naïf.
De nombreux ingrédients qui auraient pu donner un thriller bien plus mémorable si Sheldon Reynolds avait finalement pu s’extirper de ses tics télévisuels. Il ne peut s’empêcher de placer des fondus aux noirs de coupures pubs après chaque scène forte, et surtout offrant une réalisation particulièrement statique, lourde et figée, qui culmine dans des champs-contre champs assez patauds et aux cadrages parfois discutables. Même si le metteur en scène cite ouvertement ses références cinéphiliques, la maitrise n’est clairement pas la même. Un petit rendez-vous manqué, mais qui se redécouvre avec une pointe d’intérêt encore une fois pour un script plutôt bien ficelé et assez tortueux.
Image
Film particulièrement rare, Foreign Intrigue n’a pas vraiment profité d’une restauration miraculeuse, mais a tout de même connu un certain travail de nettoyage, de stabilisation et de réétalonnage. Des traces de griffures et taches diverses persistent à l’écran mais une bonne partie ont été gommées ou adoucies et le grain de pellicule réussi à préserver ses matières et sa consistance. La définition n’est pas toujours idéale entre l’âge de la source et une photographie légèrement vaporeuse, mais reste honorable. Les couleurs elles, héritées du Technicolor, sont bien contrastées et vives donnant des teintes solaires aux séquences diurnes.
Son
Idem pour la piste son anglaise en mono qui certes offre un confort d’écoute certains mais souffre encore de petites saturations, de ruptures de niveaux et autres crissements en arrière-plan. Pas tout frais, mais on fera avec.
Interactivité
Fourreau cartonné, boitier scanavo, disque Bluray et DVD bien rangés, Rimini Editions fait mieux que le cousin Kino Lorber en proposant une présentation du film. Celle-ci est effectuée par Laurent Aknin (Les Classiques du cinéma Bis, Sir Christopher Lee…) qui raconte les origines télévisées du métrage (avec quelques contradictions avec les infos que nous avons trouvées), le projet né dans un Hollywood déclinant et le casting étonnant. Pour le coup on aurait bien aimé pouvoir visionner un ou des épisodes du fameux show, mais même pas sûr qu’il en reste encore des traces.
Liste des bonus
Interview de Laurent Aknin, historien du cinéma (20’).