L’ÉCHANGE

Changeling – Etats-Unis – 2008
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Clint Eastwood
Acteurs : Angelina Jolie, Jeffrey Donovan, John Malkovich, Michael Kelly, Jason Butler Harner…
Musique : Clint Eastwood
Durée : 141 minutes
Image : 2.40 16/9
Son : Anglais, Français Dolby Audio TRUE HD 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : BQHL Editions
Date de sortie : 9 avril 2025
LE PITCH
1928, Los Angeles. Mère célibataire et standardiste en chef du centre des télécommunications de la ville, Christine Collins part travailler en laissant son fils Walter seul à son domicile. À son retour, il a disparu. Malgré son insistance, la police n’accepte de lancer les recherches que vingt-quatre heures plus tard. Elles aboutiront au terme de plusieurs mois. Les autorités lui ramènent son fils, mais la mère ne le reconnaît pas et le fait savoir. Sa santé mentale mise en cause par les forces de police, elle est internée.
L.A. Confidential
A la veille de la grande dépression, l’Amérique est à un point de bascule. Elle vit une crise identitaire, prohibition, code Hays, corruption… L’apothéose survient avec le krach boursier de 1929 laissant le pays dans un chaos déjà bien amorcé. C’est dans ce contexte que se déroule la mésaventure de Christine Collins, une histoire tellement hors normes que seul le cinéma pouvait la conter.
Les faits se déroulent en 1928 et Miss Collins va vivre une véritable tragédie avec l’enlèvement de sa progéniture. Elle était loin de s’imaginer que ce serait la première étape d’un engrenage impitoyable dont elle sera la victime. Corrompue et inefficace, les forces de l’ordre restitueront à la mère un enfant ressemblant mais qui n’est pas le sien. L’histoire pourrait s’arrêter sur un quiproquo, mais devant l’obstination de la maman à nier cette fausse vérité, le bras armé de la loi, l’interne la faisant passer pour folle auprès des médias. Un récit kafkaïen que Clint Eastwood aborde avec une grande sobriété s’appuyant sur sa mise en scène simple mais efficace avec la complicité de ses acteurs pour en décupler la force. Cet écrin se trouve magnifié par un travail magistral sur l’élaboration des décors donnant à L’échange cette belle atmosphère léchée de ces films rendus emblématiques par le vieil Hollywood. Ce long-métrage initialement prévu pour Ron Howard, ici producteur, marque également dans la carrière de l’acteur/réalisateur un prolongement dans les biopics dont la star se fera une spécialité.
Corruptibles
Eastwood, en fait beaucoup (sans en avoir l’air) pour retranscrire ce climat anxiogène ; il ne cherche pas l’effet à tout prix, le scénario s’en charge. Mais son film est extrêmement travaillé. Pas de mouvements de caméra superflus, mais une mise en scène au diapason remettant au goût du jour ce cinéma d’antan sans pour autant le piller. Dans le plus grand respect, il ouvre son film sur le logo Universal d’époque. Ses attentions une fois posées, lui permettent d’exprimer ce que les films d’alors ne pouvaient pas. Les Baby Face Nelson et autres Al Capone ne sont plus poursuivis par les incorruptibles. Les flics ici, sont plus pourris que les criminels qu’ils poursuivent. Ils se sont fait une spécialité de la manipulation. Dans leur incapacité à retrouver l’enfant, ils préfèrent en donner un faux (un vagabond qu’ils ont briefé) pour arrêter les recherches et en sortir grandis publiquement. Clint, lui aussi se veut manipulateur. Il ne montre que subrepticement l’enfant avant l’enlèvement, créant le doute dans la tête du spectateur ne connaissant pas les aboutissements de l’intrigue. Il immisce le doute comme le veut la police. Angelina Jolie porte toute la dramaturgie à son rôle formaté pour l’Oscar. Son jeu est fébrile tout en se montrant fort. Elle revêt un rôle que n’aurait pas renié Alfred Hitchcock dans ses mécaniques du « seul contre tous ». Elle a également cette prestance physique aux femmes des années folles avec ses chapeaux-cloches et longue veste montrant l’élégance qu’elle sait si bien porter. Jeffrey Donovan lui aussi porte bien le costume. Son interprétation de capitaine hautain et manipulateur lui va comme un gant. Reste John Malkovich, un cran en dessous, en pasteur défenseur des causes perdues. Même s’il est bon, il est un tant soit peu écrasé entre les deux précités.
On ne met jamais assez en avant le travail de direction d’acteurs dans la mise en scène de Clint Eastwood. C’est grâce au climat de confiance qu’il instaure avec ses comédiens que ceux-ci donnent le meilleur d’eux-mêmes. Il peut s’y consacrer en se confiant à son équipe technique de longue date pour retranscrire sa vision nécessaire au film. Cette collaboration permet en peu de mots de se faire comprendre. Son fidèle directeur de la photo Tom Stern donne une superbe patine à l’image qu’il travaille admirablement dans sa gestion des clairs obscurs sur les visages qui habillent régulièrement le métrage. Cette technique rodée permet à Clint Eastwood de ne pas accentuer sa mise en scène sur la paranoïa que la police veut faire croire, sa réalisation est suffisamment intelligente pour ne pas en rajouter.
L’échange, est un beau compromis entre le film hollywoodien à la facture faussement classique et la réflexion sur les coulisses du pouvoir. Clint Eastwood tout au long de sa carrière arrive à emmener le spectateur dans des genres, des styles et des sujets radicalement différents. Rares sont les metteurs en scène à réussir un tel niveau de qualités, décennies après décennies. Eastwood est bien le dernier des Highlander.
Image
Aussitôt restauré, aussitôt sorti. C’est la bonne nouvelle du jour pour ce film admirable. Le travail est particulièrement magnifié dans les contrastes très tranchés dont use Eastwood sur les visages moitié en lumière, moitié dans l’ombre. Le piqué sur les peaux n’en ressort que mieux. Pareil pour la colorimétrie bien nuancée qui maintient de beaux contrastes dans ses teintes.
Son
Joli travail sur toutes les ambiances urbaines d’époque avec tram, voiturette, bruit de foule ; et dynamique en surround dans l’action lors des séquences policières. La piste dialogue, elle, se fait plus centrale et laisse de la place pour la composition de Clint Eastwood himself.
Interactivité
Pas grand-chose à se mettre sous la dent. Mais le making-of permet de voir Clint Eastwood au travail et la façon très personnelle qu’il a de diriger ses acteurs leur donnant un sentiment de sécurité. Un second bonus est consacré à Angelina Jolie et son interprétation.
Liste des bonus
« Clint Easwood et Angelina Jolie, une grande complicité » : Making of (13’), Angelina Jolie incarne Christine Collins (5’).