LE ORME
Italie, Turquie – 1975
Support : Bluray
Genre : Thriller, Fantastique
Réalisateur : Luigi Bazzoni
Acteurs : Caterina Boratto, Klaus Kinski, Florinda Bolkan, Nicoletta Elmi, Evelyn Stewart, Peter McEnery
Musique : Nicola Piovani
Image : 1.85 16/9
Son : Italien DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titre : Français
Durée : 96 minutes
Distributeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 décembre 2022
LE PITCH
Traductrice à Rome, Alice Campos se rend sur son lieu de travail afin de remettre un dossier important. Persuadée d’être mardi, Alice découvre avec stupeur que l’on est en fait jeudi ! Quelle peut donc être l’origine de cette amnésie ? Les médicaments qu’elle prend contre le stress qu’engendre son métier ? Ces cauchemars récurrents qui la hantent durant son sommeil ?
Le Miroir brisé
Autre film inédit parmi la courte filmographie de Luigi Bazzoni (Journée noir pour un bélier), Le orme est pourtant aussi le plus réputé, le plus fantasmé. Enfin distribué par Le Chat qui fume, cette expérience onirique, cette quête identitaire d’une Florinda Bolkan possédée méritait en effet largement la redécouverte (tardive).
Cinéaste rare donc, n’ayant signé que cinq longs métrages dont seuls deux furent distribués chez nous en leurs temps, le giallo dépressif Journée noir pour un bélier et le western L’Homme, l’orgueil et la vengeance revisitant à sa manière l’opera Carmen (!!!), Luigi Bazzoni a manifestement privilégié la qualité à la productivité. Et sa première réalisation, La Possédée du lac, exhumé il y a quelques mois par Artus Films, venait conforter cette idée. D’autant que ce dernier avec sa quête existentielle dans un petit village fantomatique tisse des liens évidents avec cette autre production délivrée dix ans plus tard. Dans Le orme donc, c’est ainsi Alice (prénom plus que référentiel) qui repart sur ses propres traces et qui tente, sans grand succès, de reconstruire le puzzle de sa propre vie, des derniers jours disparus de sa mémoire et de souvenirs d’enfance enfouis quelques-part là-bas sur l’île de Garma. Elle quitte alors les bâtiments modernes et froids où sont existence perd tout son sens, pour explorer les rues gorgées d’histoires et de mystères d’un site balnéaire presque aristocratique. Chef opérateur de génie reconnu pour L’Oiseau au plumage de cristal, 1900, Malicia, Apocalypse Now ou Le Dernier empereur, Vittorio Storaro accompagne à merveille ce changement de géographie, passant ainsi des lignes droites et infaillibles du monde contemporain aux détours plus fluctuant, vaporeux et chauds d’une ile aux frontières des plus troubles.
Objectif Lune
Tandis que Luigi Bazzoni, lui, profite généreusement de l’architecture turque et des fioriture arts-nouveaux comme ces vitraux éclatants qui encadrent des retrouvailles amoureuses autant que la perdition finale de l’héroïne. Toute la richesse élégante du cinéma italien de cette époque, admirablement incarné dans un constant jeu de dédoublement identitaire, de flashbacks des plus fragmentaires, de témoignages constamment mis en doute et d’images pernicieuses qui distillent quelques indices troublants sur la réalité effective à l’écran. Quand Alice coure après une femme rousse qui lui ressemblerait comme un doppelgänger, bataille avec les visions étonnante d’un cosmonaute abandonnée sur la lune comme dans un vieux film de SF fauché (avec Klaus Kinski en guest), elle ne fait que remonter le fil d’une raison évanouie. Parfois classé abusivement dans le tiroir des giallos, Le orme travaille le doute à la lisière d’un fantastique fantasmagorique, mais reste surtout un thriller psychologique alambiqué et poétique, somptueusement habillé par les compositions étrange, inquiétante et romantique de Nicola Piovani (La Vie est belle, La Chambre du fils…).
Un voyage cinématographique hors normes qui doit aussi son fort pouvoir hypnotique à la prestation éclatante d’une Florinda Bolkan (Le Venin de la peur, La Longue nuit de l’exorcisme) d’une rare intensité dans son incarnation d’une identité tragiquement fragmentée.
Image
Inédit en France, le film nous parvient directement par le biais d’un tout nouveau master 4K produit à partir des scans des négatifs originaux. On est très loin des pseudos copies pirates ou des vieux DVD imports tremblotants, le film retrouvant enfin des cadres propres et stables et des couleurs vives et impeccablement contrastées. Les fameuses séquences devant les vitraux sont à tomber. Mais la photographie particulièrement feutrée et troublée du film empêche tout de même parfois la définition de prendre totalement ses aises, devant batailler avec des contours floutés et un grain légèrement neigeux. Aucune défaillance de la compression, mais peut-être qu’une copie UHD aurait réussit à maitriser ces particularités jusqu’au bout.
Son
Le doublage français étant inexistant, seule la piste italienne nous est proposée. Un DTS HD Master Audio 2.0 plutôt discret mais délicat avec quelques ambiances bien placées, des dialogues clairs et surtout les superbes musiques de Nicola Piovani mises en valeur.
Interactivité
Disposé dans le toujours élégant digipack trois volet avec fourreau cartonné et design à l’épure, Le orme est accompagné de deux suppléments vidéos que l’on retrouve d’ailleurs aussi du coté de l’édition américaine de Severin Films. Une première interview d’Ida Galli permet de revenir sur son apparition, volontaire, dans un second rôle, d’évoquer sa collaboration avec une Florinda Bolkan dynamique et son admiration pour le directeur photo Vittario Storaro. Et c’est bien lui dont il est question dans le second item. Un entretien fleuve de plus d’une heure qui aborde une très grande partie de sa longue filmographie, de ses débuts dans le cinéma avec un pote qui deviendra Franco Nero, jusqu’à ses heures de gloires. Quelques évocations esthétiques et techniques mais surtout un regard un brin nostalgique sur ce bouillonnant âge d’or du cinéma italien.
Liste des bonus
« Vers la Lune » avec l’actrice Ida Galli (12′), « Fait de lumière » avec le directeur de la photographie Vittorio Storaro (75′), Bande-annonce.