LE DETROIT DE LA FAIM
飢餓海峡 – Japon – 1965
Support : Blu-ray
Genre : Drame
Réalisateur : Tomu Ushida
Acteurs : Rentaro Mikuni, Akiko Kazami,Sachiko Hidari
Musique : Isao Tomita
Durée : 182 minutes
Image : 2.35
Son : Japonais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Distributeur : Carlotta
Date de sortie : 21 février 2022
LE PITCH
Le 20 septembre 1947, alors que le sud de l’île de Hokkaido est menacé par un typhon, trois hommes décident de fuir par la mer. Après la tempête, deux corps non identifiés subsistent parmi les noyés. On soupçonne qu’ils sont les meurtriers des Sasada, des prêteurs sur gages pillés le jour des intempéries. L’inspecteur Yumisaka recherche un troisième complice, Inugai, qui s’est réfugié chez une prostituée…
Entre deux eaux
Coincé entre les monstres que sont Akira Kurosawa, Yasujiro Ozu ou Kenji Mizoguchi, Tomu Ushida a connu son heure de gloire sur le tard dans nos contrées. Exhumé au milieu des années 2000 grâce aux éditions de plusieurs de ses titres chez Wild Side, le cinéaste avait disparu peu à peu des linéaires. Bien que nombre de ses films aient connu l’honneur du support physique, Le Détroit de la faim, considéré comme son chef d’œuvre manquait à l’appel. Chose rétablie ce jour sous l’égide de Carlotta.
La vie du cinéaste est clairement scindée en deux époques séparées par la Seconde Guerre Mondiale. Son vécu et les circonstances de la vie le voient embrasser deux modes de pensées diamétralement opposées sur le papier. Cinéaste contestataire d’avant-guerre, nationaliste convaincu, Tomu Ushida fait ses armes au mythique studio Nikkatsu. Son endoctrinement très japonais l’amène à soutenir le gouvernement japonais dans sa conquête chinoise et part durant le conflit pour s’installer en Mandchourie afin d’y tourner ses films. Capturé par les Chinois il découvre la pensée de Mao et le communisme. Ce retournement de mode de pensée sera déterminante et palpable tout au long de sa seconde partie de carrière. Ce résumé biographique est important pour qui veut explorer et comprendre son cinéma. S’il se spécialise dans les années 50 aux films en costumes pour la Toei, ceux-ci se ponctuent d’idées sous-jacentes sur les rapports entre les classes sociales. Cette thématique transparaît encore davantage dans ses films contemporains comme La Dernière Extrémité et surtout ce Detroit de la faim qu’il tourne entre deux épisodes de sa saga sur le célèbre Miyamoto Musashi.
Engagement
L’importance du Detroit de la faim se situe à plusieurs niveaux grâce à la sagacité de son scénario et de sa réalisation parfois proche de celle d’un documentariste. Le Japon se redresse lentement de sa défaite du Pacifique ; la population habituellement plus docile commence à manifester sa désapprobation après dix ans de reconstruction et de restriction. Sans s’appesantir et y passer plus de temps qu’il n’en faut, Ushida, évoque de façon adroite ce contexte en les illustrant brièvement par des manifestations contre le rationnement, des problèmes syndicalistes ou politiques. Le personnage principal interprété par Rentaro Mikuni incarne à lui seul cette transformation sociétale. Son récit débute par son évasion et sa misère dans laquelle son pays l’a laissé pour se poursuivre dix ans plus tard par son extraordinaire réussite financière. Deux faces d’une même pièce, deux états d’esprit. Limiter ce long-métrage à un film social serait dévaluer sa portée. Par son sens de la dramaturgie, Tomu Ushida, mélange habillement les genres. Le Détroit de la faim, s’enrobe d’une enquête policière qui est la matrice principale de son film un peu à la manière d’Entre le ciel et l’enfer d’Akira Kurosawa. Sa mise en scène développe des éléments stylistiques novateurs pour un cinéaste ayant grandi dans le cinéma d’avant-guerre. L’enquête avance au gré des différents points de vue des policiers et au gré de leurs théories. Celles-ci s’illustrent visuellement par une image proche du rêve comme pour le monde japonais où le citoyen ne sait plus ce qui vrai ou ce qui est bon. Le personnage principal étouffe par un passé qu’il préfère oublier, sa présomption d’innocence s’amenuise tel un piège révélant que malgré sa réinsertion sociale il n’y a pas de rédemption.
Métaphorique, Le Détroit de la faim fait partie de ces films qui parlent d’une époque, d’un pays, d’un peuple, d’une nation en péril. Considéré comme l’un des meilleurs films japonais de tous les temps, la séance de rattrapage devient dès lors indispensable.
Image
Effet de l’âge et du manque de préservation de copies sans doute, l’image ne se révèle pas toujours probante. Si la texture reste plutôt propre, elle n’est pas exempte de rayures et d’une compression trop lisse rendant le piquet assez moyen. Néanmoins, le film bénéficie d’un nouveau master 2k rehaussant les copies précédentes.
Son
Il ne faut pas se fier au fait que le film soit dans un mixage mono pour ne pas apprécier le travail effectué. Les ambiances de tempête, trafic urbain et dialogues trouvent ici une belle dynamique sans que la bande-son ne soit parasitée par un souffle incongru.
Interactivité
Un seul module tiré de l’édition Arrow est proposé sur ce film d’importance. Il s’agit d’une présentation du film par Jasper Sharp auteur et programmateur britannique, spécialiste du cinéma japonais. Son intervention est bien venue pour en connaître plus sur ce cinéaste aussi important qu’oublié dans nos contrées où sont abordées aussi bien sa carrière que ses affinités politiques.
Liste des bonus
« Du passé vers l’avenir » : introduction au film par Jasper Sharp (27’), Bande annonce (4’).