LE CERCUEIL VIVANT
The Oblong Box – Royaume-Uni – 1969
Support : Bluray & DVD
Genre : Horreur
Réalisateur : Gordon Hessler
Acteurs : Vincent Price, Christopher Lee, Rupert Davies, Uta Levka, Sally Geeson, Alistair Williamson, …
Musique : Harry Robertson
Durée : 96 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français et Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : ESC Editions
Date de sortie : 20 octobre 2021
LE PITCH
Revenus d’un séjour en Afrique, les frères Markham s’installent aux abords de Londres. L’un des deux, Edward, à demi-fou et défiguré par des sorciers africains, reste enfermé dans sa maison. Pour le délivrer, Trench, l’avocat de la famille, met au point un stratagème : droguer Edward afin de le faire passer pour mort, et venir l’exhumer après son enterrement…
Le Masque de la mort rouge
Enchaînées avec succès entre 1960 et 1964, les adaptations des récits d’Edgar Allan Poe par Roger Corman avec Vincent Price en tête d’affiche firent les beaux jours de la compagnie de production AIP (American International Pictures). Cherchant à concurrencer une Hammer déjà sur le déclin sur son propre territoire, la société de Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson tente de ressusciter sa formule magique avec Le cercueil vivant. Mais sans le génie du réalisateur de La chute de la maison Usher, cette sombre histoire de vengeance fraternelle et de sorcellerie africaine peine à tenir la route sous le poids d’un script bien trop alambiqué.
Publiée en 1844 dans les pages du Dollar Newspaper de Philadelphie, « The Oblong Box » raconte l’histoire d’une macabre traversée en mer. Le narrateur y est témoin de l’étrange comportement d’une connaissance voyageant avec son épouse et deux autres femmes et ayant réservé une cabine pour y loger une caisse ressemblant à un cercueil (mais qui n’est jamais identifiée comme tel). Un terrible ouragan provoque le naufrage du navire et le propriétaire de la caisse s’y enchaîne, préférant sombrer au fond de l’océan avec la précieuse cargaison que de l’abandonner aux éléments. Le mystère de cette tragédie est révélé à posteriori : la caisse contenait en réalité le corps sans vie de la jeune et belle épouse du passager et ce dernier employait une doublure pour ne pas éveiller les soupçons sur un chagrin qu’il tenait à garder secret.
En dépit de la simplicité de la nouvelle et de sa brièveté, AIP entend bien en tirer un scénario et elle propose un manuscrit clé en main au jeune cinéaste Michael Reeves. Ce dernier vient en effet de remporter un franc succès avec Le Grand Inquisiteur, évocation des méfaits d’un « chasseur de sorcières » (interprété – on vous le donne en mille – par Vincent Price) dans la campagne anglaise du XVIIème siècle. Pas forcément enchanté à l’idée de refaire équipe avec Price avec qui les relations furent pour le moins tendues, le metteur en scène accepte pourtant, convaincu que cette commande lui permettra de concrétiser d’autres projets. Mais Reeves tombe gravement malade et doit se retirer de la production. Dépressif et insomniaque, il décède le 11 février 1969, quatre mois avant la sortie en salle du Cercueil Vivant, finalement confié à Gordon Hessler.
Mille-feuilles macabre
Bien qu’il porte la signature de Lawrence Huntington, réalisateur et scénariste décédé en novembre 1968 (une œuvre posthume, donc), le script définitif du Cercueil Vivant subit de nombreuses réécritures sous la plume de Christopher Wicking qui ne sera néanmoins crédité que pour des dialogues additionnels. Que reste-t-il du travail d’Huntington après le passage de Wicking ? Impossible de le savoir avec précision mais il est évident que les apports du futur auteur de Scream and Scream Again alourdissent considérablement une intrigue où se mêlent vengeance, meurtres, trahisons, drame familial et sorcellerie africaine. L’inspiration d’Edgar Allan Poe se limite à l’importance du cercueil en titre et à une mascarade visant à faire passer un mort pour un autre. Le reste est pioché dans les célèbres fait divers victoriens que sont les meutres perpétrés par Burke et Hare, profanateurs de sépulture sans scrupules, et par Jack L’Eventreur mais aussi dans les pages du Frankenstein de Mary Shelley. Tombes profanées au bénéfice d’un chirurgien que joue Christopher Lee avec tout le sérieux attendu, prostituée égorgée, magouille d’un avocat véreux et cupide, romance damnée avec une jeune femme (Hillary Dwyer, autre rescapée du Grand Inquisiteur) forcément nommée Elizabeth, tueur défiguré et masqué dont une servante aux formes généreuses tombe amoureuse et tourments d’un aristocrate portant un lourd secret. Le scénario du Cercueil Vivant est semblable à une mille-feuille pas toujours digeste, dont les sous-intrigues inachevées s’empilent sans jamais parvenir à s’harmoniser. Un discours vaguement anti-colonialiste tente bien d’émerger via le personnage d’un sorcier/mercenaire venu du continent noir ainsi que d’une tragédie dans une plantation mais ces thématiques font davantage l’effet de tomber comme un cheveu sur la soupe. Les mystères s’accumulent pour se transformer en trous béants et la croisade sanglante de Sir Edward Markham ne tient jamais franchement debout.
Artisan honnête et capable ayant fait ses armes au sein de l’équipe d’Alfred Hitchcock présente, Gordon Hessler détourne l’attention comme il peut et parvient au moins à éviter l’ennui qui aurait pu faire s’effondrer ce drôle de château de cartes. Les meurtres à l’arme blanche sont aussi réguliers que dans un slasher contemporain, on a droit à un soupçon de nudité et le cabotinage suave et glacial de Vincent Price et Christopher Lee fait toujours son petit effet. Hessler troque l’imagination et la rigueur contre un savoir-faire de façade et une poignée d’effets racoleurs. Et c’est toujours ça de pris.
Image
ESC semble avoir utilisé la même source ayant servie au disque US de Kino Lorber datant de 2015. Bonne pioche puisque malgré quelques plans abîmés et flous, le master haute-définition du Cercueil Vivant est de fort belle tenue avec des couleurs chaudes contrastant avec des intérieurs gothiques grisâtres et des extérieurs brumeux et humides parfaitement mis en valeur.
Son
Quelques basses discrètes rappelant les percussions africaines font leur apparition dans un mixage stéréo classique et propre faisant la part belle à la musique, aux dialogues et aux ambiances en tous genres (forêts, demeures victoriennes, tavernes).
Interactivité
Déclinant avec goût l’affiche originale du film, le visuel du packaging le lien avec la charte graphique désormais bien établie de la collection British Terrors. On retrouve également un livret rédigé par Marc Toullec. Et cette fois-ci, c’est Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque Française qui s’y colle. Factuel mais passionné, il concentre son propos sur la personne de Gordon Hessler, mettant en lumière un parcours bien plus intéressant que les œuvres du bonhomme ne le laissait entrevoir.
Liste des bonus
Présentation de Jean-François Rauger (27 minutes) / Bande-annonce de la collection British Terrors.