LE CERCLE INFERNAL
Full Circle – Royaume-Uni, Canada – 1977
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur, Fantastique
Réalisateur : Richard Loncraine
Acteurs : Mia Farrow, Keir Dullea, Tom Conti, Jill Bennett, Robin Gammell
Musique : Colin Towns
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 97 minutes
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 30 juin 2023
LE PITCH
Londres – Un petit-déjeuner vire au drame dans la demeure du couple Lofting, lorsque Kate, leur fille, s’étouffe avec un morceau de pomme. Paniquée, Julia, la mère, tend un couteau à son mari, Magnus, afin qu’il effectue en urgence une trachéotomie. Devant son refus, elle tente l’opération, sans parvenir à sauver la petite fille. Traumatisée, Julia fait un séjour en clinique psychiatrique. À sa sortie, elle quitte Magnus et emménage dans une vieille maison victorienne. L’endroit est bientôt le théâtre de manifestations étranges. Plus tard, Julia apprend, lors d’une séance de spiritisme, que l’esprit d’un enfant hanterait les lieux. Serait-ce Kate, comme Julia en nourrit l’espoir ?
La Dame en noir
Œuvre méconnue, et rare, du cinéma fantastique anglais, Le Cercle infernal est pourtant souvent cité par les férus, les cinéphiles et les aficionados, comme Pascal Laugier qui lui empruntera son final pour son propre Saint Ange. Ce terrifiant récit d’un deuil impossible est enfin proposé dans des conditions confortables par Le Chat qui fume.
Sorti sur les écrans presque dix ans après Rosemary’s Baby de Roman Polanski et un an après La Malédiction de Richard Donner, Full Circle s’inscrit assez naturellement dans cette mouvance d’un nouveau cinéma d’horreur anglo-saxon revitalisant les anciens effets par une prédominance plus psychologique et un cadre contemporain plus réaliste et concret. Le cinéma gothique classique disparait à l’horizon, mais Full Circle ne peut s’empêcher d’en préserver les derniers oripeaux comme cette demeure figée dans le temps pourtant située en plein cœur de Londres, comme cette séance de spiritisme qui ne peut que mal tourner, comme cette apparition d’une jeune fille qui aurait tout à fait pu porter une robe victorienne, et surtout comme cette photographie délicieusement baroque et ténébreuse signée Peter Hannan (Monty Python Le Sens de la vie). Pas tout à fait une simple histoire de fantôme et de maison hantée cependant. Cette adaptation de Julia, troisième ouvrage du romancier Peter Straub, joue en effet très efficacement sur plusieurs tableaux, venant constamment mettre en doute les visions et angoisses de l’héroïne par une explication possiblement plus rationnelle mais tout aussi effrayante.
Ne te retourne pas
Cette obsession portée par une intensément fragile Mia Farrow (déjà fantomatique) pour la mort possible d’un enfant dans sa nouvelle maison, fait ainsi directement écho au décès de sa propre fille survenue quelques mois plus tôt. Une enquête dans un passé oublié en quête de réparation, un besoin frénétique de se connecter avec un ailleurs et de retrouver l’être aimé, Full Circle est constamment baigné dans une atmosphère sombre et mélancolique où l’ombre de la mort ne cesse de planer. Même si le scénario en lui-même se montre parfois assez faillible dans cet équilibre fragile entre l’épouvante et le drame psychologique, distillant quelques morts « accidentelles » à la présence relativement discutables, la sobriété appréciable de la mise en scène signée Richard Loncraine (Drôle de missionnaire, Richard III), la justesse fiévreuse d’interprétation de l’actrice principale et la tristesse infinie des compositions de Colin Towns, entrainent le spectateur dans une errance mortifère aux cotés d’une femme frappée par le deuil, la culpabilité et la solitude.
Œuvre modeste dans ses ambitions, mais puissante dans le spleen qu’elle diffuse, Full Circle est effectivement un peu sorti de nulle part, sans fulgurance marquée ou véritables prouesses autres que de toucher au cœur en capturant cette folie déchirante et de préserver jusqu’au bout une ambiguïté onirique, purement fantastique et donc élégamment traditionnelle. La justesse et la beauté épurée du dernier mouvement de caméra (circulaire cela va sans dire) et du plan final restent l’aboutissement d’un portrait effectivement bouleversant.
Image
Si les amateurs avaient pu voir passer un DVD particulièrement médiocre il y a quelques années, Le Cercle infernal restait un film particulièrement rare même en Angleterre et aux USA. La restauration en présence, développée à partir d’un scan 4K des négatifs originaux est donc une sacrée surprise et un petit miracle. Le travail effectué est des plus remarquables avec un nettoyage complet des images et un réétalonnage savoureux, sans jamais que ces opérations ne viennent entamer les textures très particulièrement du film. Des cadres sombres, des plans parfois volontairement vaporeux, une granulation marquée et omniprésente, l’UHD restitue tout cela avec fermeté et docilité, délivrant au passage des argentiques impeccables et subtiles. De son côté le traitement HDR n’en fait jamais trop, mais souligne avec pertinence, et authenticité, les effets de teintes tout en appuyant la dynamique de la photo proche de la peinture victorienne.
Son
La version doublée française semble comme plaquée sur les images, sans effets de distance, de relief ou même d’intensité. Pas franchement mémorable (et limite désagréable) elle ne fait pas le poids face à la version originale DTS HD Master Audio 2.0 où la restauration est bien plus évidente. Si on écarte quelques rares chuintements, la piste se montre des plus solides et ferme et développe une emphase frontale efficace et équilibrée.
Interactivité
Le Chat qui fume présente le film dans un digipack classieux avec fourreau cartonné contenant un disque UHD consacré au film et un Bluray accompagné d’une partie significative des bonus de l’édition anglaise de la BFI. On peut ainsi regretter l’absence de l’entretien avec le compositeur Colin Towns tant son travail est effectivement primordial dans la réussite du métrage, mais l’éditeur français nous gratifie tout de même d’une rencontre avec Richard Loncraine. Un metteur en scène volubile qui revient sur ses débuts à la télévision et au cinéma avant de se concentrer sur Full Circle mais avec un sens critique extrêmement prononcé, ce dernier ne semblant créditer les qualités du film qu’à ses collaborateurs tandis que lui-même s’avoue assez déçu par le résultat final. Il revient aussi sur la disparition temporaire de Mia Farrow après que celle-ci cru avoir véritablement blessé la jaune actrice ou sur sa rencontre avec Woody Allen, personnage qu’il n’apprécie pas franchement manifestement. A cette interview s’ajoutent celles avec Tom Conti qui se souvient de l’aspect angoissant du décor principal et du tournage compliqué d’une scène en voiture, et de Samantha Gates, la jeune « fantôme » qui gardent de bons souvenirs de l’expérience.
L’édition se poursuit avec le témoignage de l’historien du cinéma Simon Fitzjohn, justement à l’origine de la restauration, qui raconte sa découverte tardive du film et sa longue quête pour en dégotter une copie convenable, la faire restaurer et ainsi lui offrir une nouvelle vie.
Coté exclusivité française, on trouve enfin une petite analyse du film par Vincent Capes (la chaine Youtube La Zone) qui s’attarde sur l’atmosphère particulière du métrage et l’omniprésence de la figure de l’isolement dans le cadre.
Liste des bonus
« Le Cercle infernal » avec le réalisateur Richard Loncraine (24’), « Boucler la boucle » avec l’acteur Tom Conti (11’), « La peur de grandir » avec l’actrice Samantha Gates (10’), « Le film perdu » avec Simon Fitzjohn (13’), « Nous tournons en rond cette nuit » : analyse du film par Vincent Capes.