LE VOYEUR & MONAMOUR

L’uomo che guarda, Monamour – Italie – 1994, 2005
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie, Drame, Erotique
Réalisateur : Tinto Brass
Acteurs : Francesco Casale, Katarina Vasilissa, Franco Branciaroli, Cristina Garavaglia, Anna Jimskaia, Nela Lucic, Riccardo Marino, Max Parodi…
Musique : Riz Ortolani, Heron Borelli, Francesco Gualerzi, Lucio Boiardi Serri
Image : 1.85 16/9
Son : Italien et Français DTS HD Master Audio 2.0, Italien DTS HD HD Master Audio 5.1 (Monamour)
Sous-titres : Français
Durée : 98 et 104 minutes
Editeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 4 février 2025
LE PITCH
Dans un collège de Rome, un professeur dénommé Dodo est en pleine dépression. Silvia, sa femme vient de le quitter pour un autre homme. Il ne cesse de penser à leurs ébats érotiques passés. En rendant visite à son exhibitionniste de père, Dodo fait la connaissance de Fausta, la servante de la maison. Cette jolie fille au tempérament torride va rapidement lui faire oublier ses déboires conjugaux…
Dario, un petit éditeur milanais, se rend au festival de la littérature de Mantova accompagné de sa femme Marta. Totalement insatisfaite, celle-ci part visiter seule le Palazzo tandis que son mari est débordé de travail. Sous la fresque de Giulio Romano représentant le pénis de Jupiter en érection, elle rencontre Léon, un photographe français. C’est le coup de foudre immédiat…
La femme des autres
Nouveau couple de films signés Tinto Brass chez Sidonis Calysta qui reconstitue peu à peu l’essentielle de l’œuvre du plus célèbre érotomane du cinéma italien. Deux œuvres séparées d’une dizaine d’années et qui malgré le changement évident d’économie semblent se répondre l’un l’autre, discutant à nouveau de l’état du désir dans le couple et de la nécessité de se perdre… pour mieux se retrouver au lit.
Comment expliquer l’échec d’un couple, la dissolution de désir et l’étiolement de la libido et des sentiments ? Comment surtout faire revivre la flamme et transformer l’échec en nouvelle victoire sur le corps. Le Voyeur et Monamour c’est tout d’abord l’histoire de deux couples mariés qui quelques temps seulement après leurs noces ont vu apparaitre une distance, une froideur et une lassitude inédite. Les deux couples se ressemblent d’ailleurs de manière troublante : les deux hommes, intellectuels, étant rattachés au monde la littérature (l’un est prof de français, l’autre auteur et éditeur), et les deux femmes, sculpturales cela va de soi, sont celles qui vont impulser la remise en cause profonde. Mais le point de vue choisi par Tinto Brass n’est pas le même pour chaque film. Dans Le Voyeur donc, adaptation du roman L’Homme qui regarde d’Alberto Moravia, on suit la quête de l’époux abandonné (madame s’est enfuie avec un amant) s’efforçant de comprendre le fonctionnement de son propre désir et de remonter le fil de sa relation avec le féminin. Un drame psychologique enquêtant sur le trauma initial, sur la relation ambiguë avec un père épicurien et omniprésent et sur cette obsession de la place du voyeur. Eduardo aime regarde les corps, observer les mises à nues et les actes sexuels des autres, et phantasme constamment sur les pratiques de sa femme et en particulier l’idée qu’elle ait choisit son père comme amant.
Voyages intimes
Une odyssée à travers ses obsessions et sa propre sexualité qui déverse, comme toujours avec Tinto Brass, une belle série de scènes érotiques affolantes, entre masturbation au cigare observée en catimini, séance photo sans aucune zone d’ombre ou balade sur une place libertine ouverte à toute les pratiques, mais toujours filmée comme une lente montée du désir plutôt qu’un assouvissement total. Celui-ci ne peut être effectivement atteint que dans la dernière scène, celle des retrouvailles, ou madame place monsieur face à ses contradictions, face à sa petite perversité (la jalousie comme aphrodisiaque) et leur fait embrasser ce nouveau statuquo.
Comme son nom l’indique Monamour place l’objectif de l’autre coté et accompagne le voyage de Martha vers la reprise en main de ses plaisirs, par le biais de quelques séances d’onanisme, exhibitionnisme au balcon, de caresses échangées avec une meilleure amie chaude comme la braise et surtout avec un amant (français !) lui ouvrant des voies qu’elle n’avait jamais osée jusque-là explorer. C’est ainsi bien consciente de ses besoins et surtout de son pouvoir, qu’elle revient enfin vers son époux, étrangement lui aussi échauffé par ces infidélités qu’il ne pourra qu’imaginer. Certes se sont là des thèmes bien classiques du cinéma érotique, mais Tinto Brass les manie comme toujours avec un mélange d’érudition (omniprésence de la peinture classique et de citations d’auteurs…) et de bonnes humeur paillarde qui ne manque pas de charmes (et d’effets), et surtout avec toujours un grand soin dans sa mise en scène, l’utilisation des décors (arts nouveaux et bourgeois) et la célébration des corps féminins, de préférences plantureux et naturels.
La grande différence entre les deux essais reste cependant les conditions de production, beaucoup plus confortables sur Le Voyeur, encore tourné sur pellicule et avec des ambitions cinématographiques dignes de La Clé ou Paprika, alors que Monamour, son ultime long métrage, doit se contenter d’une caméra numérique bien moins suave et plus froide. Après les années de gloire et de célébration, même au sein de la profession, le cinéaste devait effectivement se contenter d’un marché beaucoup plus restreint ainsi que d’un regard beaucoup moins chaleureux vers son cinéma licencieux à l’ancienne. Il avait pourtant de très beaux restes.
Image
La filmographie de Tinto Brass n’est malheureusement pas la mieux préservée du cinéma italien et les éditeurs et les ayants droits ne semblent pas motivés à effectuer de coûteuse restaurations sur ce catalogue. Et cela est vraiment dommageable sur un film comme Le Voyeur, filmé avec soin sur pellicule, doté d’une belle photo, de beaux décors, ici abimé par de nombreuses taches, griffures et petites déchirures, ainsi que par une définition peu poussée et des contrastes fadasses. Un tout petit Bluray, vieillot, mais qui reste largement au-dessus de l’ancien DVD bien craignos. Le travail était plus simple pour Monamour, tourné en numérique, et qui s’installe plus confortablement sur support HD. Mais la lumière n’est plus ce qu’elle était et les matières digitales n’ont pas les mêmes reflets charnels. Un Bluray de bonne qualité cependant.
Son
Ici aussi Le Voyeur souffre d’une restitution plus juste avec une piste stéréo assez plate avec quelques défaillances (saturations, petits grésillement…) pas trop gênantes dans les dialogues, mais amoindrissant les effets de la BO signé Ortolani. Monamour est nettement plus convaincant avec un DTS HD Master Audio 2.0 bien clair et un DTS HD Master Audio 5.1 pas forcément des plus percutants mais qui offre quelques atmosphères feutrées assez agréables.
Dans les deux cas le doublage français est présent, mais avec ces intonations des films érotiques M6 (ça remonte ça), sans grandes intentions de jeux et des petits accents bien niais.
Interactivité
Sidonis Calysta poursuit sa belle collection dédiée à l’œuvre de Mr Brass avec ces deux titres profitant chacun de nouvelles introductions signées par Jean-François Rauger, directeur de la Cinémathèque française, et fin connaisseur de l’art du bonhomme qui explore ses thèmes de prédilection, ses obsessions, son style et ses évolutions. Toujours très intéressantes, ces interventions sont complétées sur Le Voyeur par une ancienne présentation enregistrée par Christophe Bier pour le DVD de Bach Films, ainsi qu’une interview d’archives (dans un mauvais anglais) du cinéaste. Il y revient sur l’adaptation du roman d’Alberto Moravia, ses ambitions esthétiques et érotiques et sa découverte de l’actrice Katarina Vasilissa.
Le disque de Monamour fait lui place à un petit making of qui suit la mise en place et le tournage de quelques-unes des scènes les plus corsées du film. L’occasion d’apprécier un tournage pro mais détendu, voir familial, entre deux petites interventions promo du réalisateur.
Liste des bonus
Le Voyeur : Présentation du film par Jean-François Rauger, Directeur de la Cinémathèque française (14’), Présentation par Christophe Bier (12’), Interview de Tinto Brass (22’).
Monamour : Présentation du film par Jean-François Rauger, Directeur de la Cinémathèque française (13’), Making of (16’).