LE VAMPIRE ET LE SANG DES VIERGES
Die Schlangengrube und das Pendel – Allemagne – 1967
Support : Bluray & DVD
Genre : Horreur
Réalisateur : Harald Reinl
Acteurs : Lex Barker, Karin Dor, Christopher Lee, Carl Lange, Christiane Rücker…
Musique : Peter Thomas
Durée : 84 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français, Allemand, Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Artus Films
Date de sortie : 04 janvier 2022
LE PITCH
En 1801, pour avoir assassiné douze jeunes femmes, la treizième, Béatrice de Brabant s’étant échappée, le comte Regula est condamné à être écartelé en place publique. Avant son supplice, il promet de revenir se venger. 35 ans plus tard, l’avocat Roger de Mont-Elise reçoit une invitation au château d’Andomai, demeure de la famille Regula. En chemin, il sauve une jeune femme d’une attaque de bandits : Lilian de Brabant, elle aussi invitée au château.
Comte germain
Lorsqu’on parle de grands films gothiques, on site généralement les écoles anglaise, italienne, espagnole, à la rigueur américaine mais jamais allemande. En même temps Le Vampire et le sang des vierges est le seul et unique essai du genre chez nos cousin teutons. Et au vu du spectacle, c’est bien dommage !
Si le cinéma allemand a longtemps exploré de nombreux genres populaires, ne se bornant pas autrefois aux sempiternelle drames et aux comédies lourdingues, il est toujours resté à légères distances des apparats gothiques. Quelques coproductions soit, mais les studios allemands préféraient faire frissonner les spectateurs locaux devant la pléthore de Krimi (polars noirs cruels proches du giallo) à succès. C’est d’ailleurs l’un de ses instigateurs stylistiques et l’un de ses metteurs en scène les plus productifs qui va se confronter directement à l’épouvante gothique : Harald Reinl. Un artisan incontournable de l’industrie du cinéma allemand, régulièrement associé à d’’énormes succès comme la série des Winetou ou la nouvelle adaptation luxueuse et en couleur, des Nibelungen : La Vengeance de Siegfried. Et comme pour celui-ci le sens de l’image, du spectaculaire, est éclatant dans Le Vampire et le sang des vierges. Tout d’abord dans l’utilisation des superbes décors que constituent les ruelles médiévales de Rothenbourg, théâtre d’une ouverture citant ouvertement Le Masque du démon de Mario Bava où un malfaisant Christopher Lee se voit supplicié par l’outil de tortures puis écartelé sur la place publique. La censure veille mais l’effet est là, surtout que la partition détonante de Peter Thomas, entre cuivres pompiers et expérimentation pré-synthétiques, affirme de son côté que le film sera « autre ».
Un château en Bavière.
Car sous ses dehors de grand film en costumes, de vague adaptation d’Edgar Alan Poe piochant allégrement autant dans les chapitres du roman Dracula que dans les modèles de la Hammer, Corman ou des copains italiens, le film ne se refuse jamais un petit second degré bienvenu, jouant déjà avec les connaissances des spectateurs ou donnant à ses personnages, comme le servant du terrible Comte Regulla, une distance et une ironie assez surprenantes. Le film ne se prend clairement pas au sérieux, mais ne tombe jamais dans la pantalonnade, préférant se dérouler comme un grand divertissement généreux, une sorte d’attraction macabre qui enchaîne les péripéties et les tableaux sans vraiment se soucier d’une trame convaincante. Le scénario est, il faut l’avouer, loin d’être mémorable (c’est un euphémisme) et les figures principales restent prisonnières de leurs stéréotypes. Pas trop grave pour l’immense Christopher Lee qui en quelques heures de présence sur le plateau impose un mort-vivant revanchard et sadique sans trop se fouler, ni pour la toujours superbe Karin Dor (épouse du cinéaste), mais l’ancien Tarzan des 50’s Lex Baxter, rigide et absent, manque sérieusement de présence. Malgré les efforts d’Harald Reinl, Le Vampire et le sang des vierges a parfois tendance à se laisser un peu porter par sa structure épisodique et ses références, mais résiste farouchement à l’ennui grâce à une direction artistique impressionnante. Imaginé en collaboration avec l’artiste surréaliste Gabriel Pellon, les intérieurs du château sont habités par des peintures rupestres infernales mêlant Bosch et Chagall, des éclairages impressionnistes et des compositions scéniques baroques (comme les pauvres vierges rivées à leurs tables de tortures).
Leur plus belle réussite reste certainement cette longue traversée nocturne du bois brumeux environnants où les arbres sont fusionnés avec des cadavres fantomatiques ou décorés de pendus asséchés, qui résume à elle toute seule cette sensation très agréable de faire un tour en train fantôme.
Image
Après la superbe copie de Le Sang du vampire, Artus nous propose une nouvelle résurrection d’un petit classique méconnu du cinéma gothique. Une autre restauration aux petits oignons effectuée à partir d’un scan 2K à la source, débarrassée de la moindre scorie et exploitant une palette de couleurs chaude, pleine et éclatante comme les meilleurs films du genre savent le faire. Stable, détaillée, l’image respecte le grain d’origine, développe quelques reflets argentiques et surtout offre une seconde jeunesse au film. Vraiment très beau.
Son
Trois pistes sonores sont ici proposées avec l’attendue version anglaise (et la voix caverneuse de Christopher Lee) et les doublages alternatifs allemand et français. Chacun est présenté dans son mono d’origine avec un petit rafraîchissement sensible mais qui n’empêche pas quelques effets de saturations, variations d’intensités et autre légers chuintements. Rien de vraiment gênant cependant.
Interactivité
Proposé sous le toujours aussi réussi packaging du Mediabook maison comprenant la copie DVD et Bluray, Le Vampire et le sang des vierges est accompagné d’un excellent livret rédigé par Christophe Bier, grand spécialiste du bis. Celui-ci s’attache à retracer la biographie du metteur en scène Harald Reinl, ancien champion olympique de descente en ski, entré dans le petit monde du cinéma par le biais d’aventures enneigées, et qui a finalement traversé toutes les grandes modes du cinéma populaire allemand. Ancien collaborateur de Leni Riefenstahl (l’ouvrage ne cache pas d’ailleurs quelques sympathies pour le régime Nazi), il rencontre ses premiers succès avec des comédies légères et naïves avant de faire véritablement sa marque dans le fameux Krimi, les suites des Mabuse de Fritz Lang, les westerns bucoliques avec la série des Winetou pour achever sa carrière dans quelques nébuleux documentaires sur la présence extraterrestre. Tout cela est savamment raconté et permet d’éclairer un cinéaste, certes loin du grand auteur, mais néanmoins particulièrement intéressé et reflétant un cinéma populaire que l’on connaît trop peu en France.
Les disques proprement dit proposent aussi leurs petits compléments. Une grande partie des informations délivrées dans l’ouvrage sont reprises par les intervenants Christian Lucas et Stéphane Derderian, qui étendent souvent leur présentation vers la grande époque du cinéma gothique. A cela s’ajoute pour les curieux une visite étonnante du Rothenbourg actuel qui résiste encore et toujours à la modernité, et les bandes super 8 du film, en deux parties, ancienne manière de visionner partiellement le film à la maison : sans le son et avec des séquences manquantes. Un document amusant.
Liste des bonus
Livret 80 pages rédigé par Christophe Bier : Harald Reinl, grandeur et décadence du cinéma populaire ouest-allemand , Présentation par Christian Lucas et Stéphane Derderian (39′), Sur les lieux du tournage (7′), Versions Super 8 (32′), Diaporama d’affiches et photos, Film-annonce original.