LE TÉMOIN À ABATTRE

La Polizia incrimina la legge assolve – Italie, Espagne, France – 1973
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Enzo G. Castellari
Acteurs : Franco Nero, James Whitmore, Delia Boccardo, Fernando Rey, Duilio De Prete, Silvano Tranquilli…
Musique : Guido De Angelis, Maurizio De Angelis
Durée : 93 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Studio Canal
Date de sortie : 27 janvier 2021
LE PITCH
Des trafiquants de drogue mettent la ville de Gênes à feu et à sang. Le commissaire Belli, qui se heurte à l’inertie et à l’incompétence de sa hiérarchie, est bientôt confronté à une réalité autrement plus cruelle. Face à son obstination, de très hautes personnalités génoises, qui se sont vu impliquées par son enquête, ne reculent devant rien pour garantir leur impunité.
La justice par les…
Considéré, à tort comme à raison, comme le coup d’envoi des fameux Poliziottesco, polars bis et expéditifs made in Italia, Le Témoin à abattre d’Enzo G. Castellari en reste aussi l’un des meilleurs représentants. Un mètre étalon d’une efficacité indéniable.
Difficile souvent dans le cinéma italien, fait de courants, de modes, et d’inspirations constamment renouvelées (on ne parle même pas des emprunts plus ou moins honnêtes) de retrouver le film qui a définitivement fait bifurquer l’industrie. Si les films policiers italiens ont plus ou moins toujours existés, ils s’encrent plus solidement dans le paysage alors que la réalité sociétale du pays, l’explosion de la criminalité, les violences politiques, les suspicions d’un état entièrement vérolé, deviennent insoutenables et anxiogènes. Si certains « auteurs », plutôt de gauche, comme Damiano Damiani (La Mafia fait la loi, Seule contre la mafia) ou Elio Petri (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon) entament les hostilités en dénonçant les travers de l’Italie d’alors, c’est le cinéma d’exploitation qui va, comme à chaque fois, s’en emparer rageusement. Il y avait eu l’année précédante le remarquable Société anonyme anti-crime de Steno, mais c’est véritablement le succès rencontré par Le Témoin à abattre et l’iconisation de son héros qui va en définir les codes. Un commissaire Belli incarné par la star Franco Nero (Django), qui impulse directement dans le film une énergie constante, une forme de colère qui bouscule autant le cadre que les institutions. Passant son temps à courir d’un bout à l’autre, à gueuler sur les suspects, ses collègues et ses supérieurs, il est plus défini dès la première séquence comme un homme d’action, entrant dans le champ en pleine course, pour une première poursuite déjà nerveuse à travers les rues génoise. Avec son impair marron et son écharpe bleutée, il reprend certains atours du héros de western, pour mieux incarner l’homme qui agit enfin contre le système, contre la corruption et un monde qui s’enfonce dans la décadence.
High Crime
Schématique forcément, mais tellement efficace en particulier quand Le Témoin à abattre rejoue justement frontalement la carte des stéréotypes attendus avec ses petits truands patibulaires et sacrifiables et les grands patrons, tirés à quatre épingles, aux regard froids, inquiétants, voir mystérieux. Même l’honorable Fernando Rey n’est pas dupe lorsqu’il revient deux ans après French Connection (modèle absolu du Poliziottesco justement) jouer les vieux trafiquants de drogue marseillais, qui passe son temps libre à couper ses roses comme dans Le Parrain. Artisan au savoir-faire indéniable, Enzo G. Castellari (Inglorious Bastards) va justement trouver son genre de prédilection avec ce neo-polar à l’italienne, maniant avec bonheur ses multiples références (dont de superbes ralentis dramatiques à la Sam Peckinpah), un miroir à peine déformant de l’actualité (le meurtre du commissaire Luigi Calabresi repris à l’image prête) et une ardeur tenace. La mise en scène presque caméra au poing et le montage percutant, font constamment déborder l’action, comme si les rares scènes de dialogues ou de calmes étaient déjà de trop, s’envolant littéralement pour quelques castagnes à coups de baffes sévères ou une poursuite spectaculaire en voiture à travers ville. Une séquence de près de huit minutes orchestrée par notre Remy Julienne national.
Du grand cinéma de divertissement, définitivement efficace, parfois légèrement déviant même (l’attaque à crocs de boucher, la gamine percutée en voiture) mais où pointe cruellement ce fatalisme tragique, ce nihilisme définitif qui a fait la marque du poliziesco. Castellari va ensuite brillamment creuser le sillon avec Un Citoyen se rebelle, Big Racket et Action immédiate. Les autres n’auront plus qu’à y piocher allègrement.
Image
C’est une première mondiale à priori car il nous a été impossible de trouver trace d’une autre édition HD… même en Italie. Petite fierté donc, surtout que la copie est d’excellente facture. La source n’est pas vraiment affichée mais à part quelques petits glissements softs dans les séquences sombres (rares de toute façon), le master affiche une propreté immuable et une stabilité des plus appréciables. Le piqué est dans la majorité des cadres bien acérés, tandis que le grain, les matières et la profondeur de champs affirment une restauration solide.
Son
Même s’il est évident que le film a été tourné intégralement en anglais (il suffit d’observer le mouvement des lèvres), il est un peu triste de ne pas trouver trace ici du doublage français d’époque ou de la version italienne, mine de rien beaucoup plus dans l’ambiance génoise. Reste donc la post-synchronisation internationale (avec des petits moments compliqués pour Franco Nero) très propre, stables et directe. On y apprécie d’ailleurs la dynamique installée avec la bande originale.
Interactivité
Toujours présenté dans l’un de ces digipack cartonné au design qui ne cessent de faire débats sur les forums (ça occupe, vous nous direz), Le Témoin à abattre semble un peu pauvre en suppléments. Là où on aurait apprécié une interview de l’acteur ou du réalisateur, voir un petit doc sur les polars à l’italienne, on devra se satisfaire d’une double intervention du directeur de collection Jean-Baptiste Thoret. Toujours aussi intéressant, précis et passionné, le journaliste sépare son intervention en deux présentations. D’un côté la classique préface pré-visionnage et de l’autre une petite analyse supplémentaire d’une durée équivalente. Le problème ici c’est que le propos se répète énormément et amoindrit clairement la pertinence de l’ensemble.
L’autre gros soucis de l’édition est bien entendu de proposer le film dans un montage international « officiel » auquel il manque curieusement toute la dernière bobine, contant la vengeance de Belli et la reprise en main par la police de la ville. Une longue scène d’action sur les docks bien musclée et qui offre une sortie plus positive, plus héroïque, pourtant intégrée à sa sortie au montage italien et français. Aucune explication à ce sujet de la part de Studio Canal.
Liste des bonus
Préface de Jean-Baptiste Thoret (11’), « L’Italie à bout portant » : analyse de Jean-Baptiste Thoret (11’).