LE SICILIEN
The Sicilian – États-Unis – 1987
Support : Bluray & DVD
Genre : Aventure
Réalisateur : Michael Cimino
Acteurs : Christophe Lambert, Terence Stamp, Joss Ackland, John Turturro, Richard Bauer, Barbara Sukowa, Giulia Boschi…
Musique : David Mansfield
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais LPCM 1.0 et français LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 146 minutes
Éditeur : BQHL Editions
Date de sortie : 25 mai 2023
LE PITCH
Sicile, 1947. Grièvement blessé par la police, Salvatore Giuliano survit miraculeusement. Plus déterminé que jamais à bouleverser les règles d’une société conservatrice dominée par l’aristocratie, l’Église et la mafia, il se réfugie dans la montagne, entouré d’hommes arrachés à leur geôle. À vouloir donner la terre aux paysans en leur versant une partie de son butin et à répéter qu’il veut sortir la Sicile du giron de l’Italie, il devient dangereux pour les puissants. Il devient l’homme à abattre…
Une légende italienne
Dernier film de grande ampleur pour l’immense Michael Cimino (Voyage au bout de l’enfer, La Porte du paradis, L’Année du dragon…), Le Sicilien aura été généralement très injustement boudé. Pour son montage tronqué aux USA, pour ses choix étonnants de casting en Europe, et certainement aussi pour sa tonalité élégiaque très loin du film politique de Francesco Rosi.
En 1962 donc le cinéaste italien s’emparait du dossier pour délivrer une vision extrêmement noire et réaliste de la trajectoire de ce héros sicilien qu’il décrivait essentiellement comme une pauvre marionnette téléguidée par la mafia et sacrifiée sur l’autel de la loi du silence. Mais Michael Cimino reprend à son compte la phrase « Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende » (L’Homme qui tua Liberty Valence, John Ford), en donnant corps aux fantasmes et à l’idéalisation qui entoure cette figure devenue mythique dans toute l’Italie. A partir du roman éponyme de Mario Puzo (constituant au départ un spin of du Parrain mais dont toutes les références à la famille Corleone ont été gommée pour le film), le cinéaste retourne à l’image du Robin des bois moderne, de combattant pour le peuple et d’authentique rebelle qui aura autant défié le gouvernement italien qui asséchait le sud du pays, l’aristocratie locale, la police que la mafia. Un personnage flamboyant, héroïque, vibrant pour la justice et l’égalité, partit du statut de petit délinquant en pantalon crotté pour finir en icône, « le seigneur de la montagne », paradant les cheveux gominés et un long manteau digne d’un héros de western spaghetti. Souvent décrié, le choix de Christophe Lambert alors starifié par Greystoke, Subway et Highlander, n’est d’ailleurs pas si saugrenu que cela puisque son calme et la distance de sa voix, son jeu parfois effacé et distancié, permet à tout son entourage de projeter leurs désirs et leurs propres combats sur sa silhouette.
Peuple de Sicile
Si le personnage peut se montrer d’une violence froide et sanglante lorsqu’il exécute les traitres à la cause, il est surtout présenté comme valorisant la parole et le message. La mise en scène n’hésite d’ailleurs jamais à reprendre les contours de la peinture religieuse, sur les symboliques christiques et sur une idée omniprésente de l’illumination (le héros apparait souvent à contre-jour, « aveuglant » presque ses interlocuteurs). Le Christ de Sicile en somme, qui sera bien entendu trahi par ses proches (mais avec son pardon), rejeté par son peuple (dans un premier temps) et finzlrmrny sacrifié en l’honneur de la cosa nostra à laquelle se rallie toutes les formes de pouvoirs du pays (politiques, aristocrates, clergé…), rattachant du même mouvement le métrage à des thématiques revendicatrices déjà présentes dans les œuvres précédentes de Cimino. L’évangélisme n’est parfois pas loin, l’omniprésence d’un casting disparate (Terence Stamp, Joss Ackland John Turturo…) s’exprimant uniquement en langue anglaise et avec une direction d’acteurs très inégale gâche parfois l’intensité de belles séquences, mais le spectacle ne manque cependant ni de fougue, ni de puissance. Si l’utilisation des paysages grandioses de la Sicile se rapproche effectivement constamment des étendues sauvages de l’ouest, Cimino fait de l’ile un véritable théâtre opératique, suivant les lents mouvements de foules, faisant jaillir les personnages des coulisses, aller et venir comme des figures de tragédies et dépeignant ses intérieures nobles et subtilement éclairés comme dans Le Guépard de Luciano Visconti.
Il y a ici aussi la notion de crépuscule, de fin d’une époque et sans doute d’un rêve populaire (voir le sort réserver aux manifestants communistes) étouffé par le pouvoir et le système. Même si le Salvatore Giuliano reste un héros, il est un héros fugace, déjà mort et éteint dès les plans d’ouverture. Le Sicilien est aussi le crépuscule de Cimino, qui sera obligé de réduire, difficilement son film à une durée de 115 minutes pour la sortie américaine, rendant le film difficilement compréhensible et terriblement bancale. L’échec qui en résultera là-bas lui interdira définitivement l’accès à d’autre projets de cette envergure.
Image
Le Sicilien n’a malheureusement pas été restauré comme il le devrait. Soit avec un retour à la source en 2K ou 4K et un nettoyage partiellement chimique des éléments. La seule copie HD existante est donc une remasterisation d’une source déjà croisée en DVD, mais dotée ici d’une bien meilleure définition, d’une gestion plus harmonieuse du grain et de couleurs plus pêchues. Le rendu général est tout à fait satisfaisant, les plans d’ensemble en pleine lumière souvent même impressionnants, mais il est évident que certains passages doivent batailler pour tenir la rampe avec un grain fluctuant ou de noirs très glissants.
Son
Seules les pistes d’origines sont présentées ici, et en LPCM, avec une stéréo plutôt avenante pour le doublage français, et un mono bien plus sobre, voir un peu étriqué pour la version originale. Un peu dommage de ne pas retrouver le DTS HD Master Audio 5.1 de l’édition américaine, apparemment plutôt réussi.
Interactivité
Zéro supplément aux USA et aucune trace, malheureusement d’un ancien making of d’époque. BQHL, en plus d’une très belle jaquette, propose donc une présentation très complète signée Rafik Djoumi qui évoque autant les origines et les ramifications du film, que le casting, l’optique choisie, la sortie du film (et son remontage US) et le style de Cimino. Belle surprise aussi de retrouver une toute nouvelle rencontre avec Christophe Lambert. L’acteur revient avec plaisir sur ce film à la fois romantique et violent, qui a pu trancher, selon lui avec l’image qu’il avait jusque-là. Il ne tarie pas d’éloge sur le metteur en scène, sa précision et son implication, évoque la seule petite tension qu’ils auront connu sur le tournage et s’amuse de la qualification « d’échec au box-office » qui entoure souvent le film. Très sympa.
Liste des bonus
Entretien avec Christophe Lambert (29’), Présentation du film par le journaliste Rafik Djoumi (35’).