LE SEIGNEUR DE LA GUERRE
The War Lord – États-Unis – 1965
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Franklin J. Schaffner
Acteurs : Charlton Heston, Richard Boone, Rosemary Forsyth, Maurice Evans, Guy Stockwell, James Farentino, …
Musique : Jerome Moross, Hans J. Salter
Durée : 120 minutes
Image : 2.35:1, 16/9ème
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 15 juin 2023
LE PITCH
Le Xième siècle. Nommé Seigneur en récompense de ses actes de bravoure par le Duc de Normandie, le chevalier Chrysagon de la Cruz se voit confier la charge de terres paysannes et d’un château qu’il se doit de protéger des incursions des Frisons. Tombé amoureux de la belle Bronwyn, une fille du village promise à l’un de ses sujets, il va provoquer une révolte et remettre en cause l’équilibre des pouvoirs…
La chair et le sang
Trois ans avant d’envoyer Charlton Heston sur La Planète des singes, le réalisateur Franklin J. Schaffner répondait à l’appel de la star pour mettre en image un drame médiéval intimiste, réaliste et désespéré où s’affrontent l’amour et le devoir, l’ambition et la vertu ainsi que la chrétienté et les derniers vestiges du paganisme.
Séduit et fasciné par « The Lovers », une pièce de théâtre de Leslie Stevens (créateur de la série Au-delà du réel) qu’il découvre au tout début des années 60, Charlton Heston prend immédiatement la décision d’en mettre sur pied une adaptation pour le grand écran. Pour y parvenir, il engage l’écrivain et scénariste britannique John Collier auquel il laisse toute latitude pour produite un script ambitieux, authentique et sans concessions. Patient, Heston va donc devoir attendre trois ans avant de pouvoir présenter aux studios et aux réalisateurs potentiels un manuscrit terminé et dont il s’estime satisfait. Et l’acteur de Ben-Hur d’essuyer alors refus sur refus (la Columbia, la Mirisch Company, David Lean, Laurence Olivier et bien d’autres encore passent la main). Voyant son rêve d’offrir le plus bel écran qui soit au drame médiéval et tragique imaginé par Leslie Stevens s’évanouir, Charlton Heston finit par accepter la proposition d’Universal qui lui demande de revoir sa copie pour y ajouter plus d’action et une fin beaucoup moins sombre.
Pour faire passer la pilule de ces compromis qui lui imposent d’américaniser un film qu’il souhaitait le plus « anglais » possible, Heston s’attache les services du scénariste oscarisé Millard Kaufman (pour Un Homme est passé, de John Sturges) et du réalisateur Franklin J. Schaffner qui l’avait dirigé à deux reprises pour l’anthologie TV Studio One et dont il respecte le savoir-faire, le sérieux et l’intégrité artistique. Quitte à tenir l’affiche d’un film différent de celui dont on a rêvé pendant plusieurs années, autant le faire la tête haute, sans avoir honte du produit fini.
En terre inconnue
Contraint de couper près d’une heure au montage final et de privilégier le siège spectaculaire de la tour fortifiée du seigneur Chrysagon par les forces d’un prince Frison alliés aux paysans en colère, Schaffner parvient à un résultat forcément frustrant où la romance avec Bronwyn et ou la rivalité avec le personnage de Draco, deux axes dramatiques majeurs patiemment construits lors du premier acte, se retrouvent sacrifiés ou simplifiés. Ces menus défauts mis à part, Le Seigneur de la Guerre demeure une réussite de premier plan et une étape majeure dans la mise en image par Hollywood d’un Moyen-Âge âpre et réaliste, bien loin des blockbusters immaculés et en Technicolor d’alors. Schaffner parvient à retranscrire non seulement la texture de l’époque avec sa saleté, sa violence et ses odeurs mais aussi la mentalité avec son système de domination et de classes sociales (parfaitement représenté par cette tour verticale à plusieurs niveaux et érigées de façon à être visible de tous) et la transition encore inachevée entre les croyances anciennes et le christianisme. Bien sûr, le druidisme auquel s’adonne la caste paysanne ainsi que l’usage par Chrysagon du droit de cuissage se révèlent aux mieux largement exagérés, si ce n’est fantasmés, mais ils apportent au film un sentiment de mystère et de superstition à la lisière du fantastique (Macbeth et ses sorcières ne sont pas loin) mais aussi une ambiguïté provocatrice dans les relations homme/femme avec une romance où se mêlent les notions de viol, de pulsions sexuelles et de frustration.
Impeccable en chevalier tiraillé entre sa mission, son honneur et ses rêves d’amour et de liberté, Charlton Heston en impose dans l’armure de Chrysagon, meneur d’hommes faillible mais respecté. Remplaçant Julie Christie au pied levé dans un rôle forcément ingrat à l’arrivée, Rosemary Forsyth est parfaite de séduction sauvage et d’innocence bafouée tandis que cette drôle de trogne de Richard Boone impose un charisme rustre à son rôle de bras droit dévoué. Signalons enfin le très beau score de Jerome Moss, source d’influence évidente pour le Basil Poledouris de Conan le Barbare et de La Chair et le sang.
Mal aimé à sa sortie pour sa dureté et son refus d’un quelconque manichéisme, Le Seigneur de la Guerre mérite amplement sa réhabilitation tardive et s’impose comme le valeureux ancêtre de nombreux classiques de l’aventure barbare et médiévale telles que (justement) La chair et le sang de Paul Verhoeven ou Kingdom of Heaven de Ridley Scott. Et ce n’est pas rien.
Image
Le blu-ray paru en 2014 avait bien besoin d’un dépoussiérage et c’est exactement ce que cette nouvelle édition nous propose. Avec ses couleurs immaculées, sa définition pointue qui atténue le grain sans avoir recours à un lissage artificiel et sa compression solide, le master proposé est de tout premier ordre et se rapproche au plus près de la texture argentique. Les contrastes sont parfois un peu limites mais il faut avoir le regard aiguisé pour s’en rendre compte.
Son
On ne peut pas attendre des merveilles de ces mixages en mono DTS mais leur propreté et leur clarté est indiscutable avec une belle présence musicale. En version française, le doublage, bien que réussi, manque singulièrement de relief.
Interactivité
La jaquette un peu laide avec son Charlton Heston sous Photoshop a laissé la place à l’une des affiches d’époque pour un boîtier Amaray avec fourreau autrement plus élégant. Quant à la présentation de Patrick Brion, elle aussi a déposé les armes à la faveur d’une analyse de François Guérif qui se concentre sur la pièce d’origine et le parcours du combattant de Charlton Heston pour en voir aboutir l’adaptation au cinéma. Dommage que Schaffner soit un peu oublié au passage tant il y avait à dire sur le cinéaste, son style et son œuvre. Seul rescapé de l’édition de 2014, le documentaire consacré à la carrière d’Heston et agrémenté de nombreuses interviews sur cette personnalité hors norme du cinéma épique et historique.
Liste des bonus
Présentation de François Guérif (19 minutes), Documentaire sur Charlton Heston (50 minutes).