LE SECRET
France, Italie, 1974
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Robert Enrico
Acteurs : Jean-Louis Trintignant, Marlène Jobert, Philippe Noiret, Jean-François Adam, Solange Pradel
Musique : Ennio Morricone
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Durée : 102 minutes
Éditeur : Studiocanal
Date de sortie : 14 juin 2023
LE PITCH
Retenu dans une prison psychiatrique, David Daguerre s’en évade en tuant un gardien, puis trouve asile dans une maison isolée des Cévennes. Il dit être pourchassé pour avoir vu quelque chose qu’il n’aurait jamais dû voir. Thomas, ancien militant politique, se prend d’amitié pour cet homme traqué qui réveille en lui le goût de l’aventure…
Traqués
Tourné un an avant Le Vieux fusil, œuvre puissante et magistrale habitée par un Philippe Noiret inoubliable, Robert Enrico signait Le Secret. Un essai boudé à sa sortie, comme incompris, et pourtant cette chronique parano d’un trio en fuite était déjà un sacré morceau.
A l’origine du film, on trouve le fameux producteur Jacques-Eric Strauss, incontournable durant cette décennie puisqu’il est déjà en partie l’instigateur de propositions comme Le Clan des siciliens, Sans mobile apparent, L’héritier auxquels suivront Je t’aime moi non plus, Violette & François ou Le Bar du téléphone. Des films qui capturent leur époque tout comme ce roman Série noire, Le Compagnon indésirable de Francis Ryck (également à l’adaptation) qui plonge directement dans l’atmosphère de défiance politique, de paranoïa idéologique et de secrets d’états qui n’a de cesse de nourrir le cinéma. Alors encore plutôt porté vers les divertissements populaires à grosses personnalités (Les Grandes gueules, Les Aventuriers, Boulevard du Rhum…) Robert Enrico prend le projet à bras le corps et va y distiller une atmosphère trouble, lourde, noire et à la violence sourde comme une première mise en bouche avant son chef d’œuvre Le Vieux fusil. Pas question cependant de livrer un film mineur, une simple commande. Aidé par le chef op’ Etienne Becker (Dernier domicile connu, Police Python 357, Les Chiens…) et comme d’autres avant et après lui, galvanisé par la partition tendue d’Ennio Morricone, il va creuser cette réalité contemporaine et en faire un monde au bord de la folie. Un travail discret, minutieux, subtile mais malin, qui justement suit la fuite de David Daguerre échappé d’un asile psychiatrique, qui se dit être la victime d’une cabale à cause de « quelque chose » qu’il aurait découvert par hasard.
Ils sont partout
Trintignant est parfait en homme traqué, constamment inquiet, le regard fuyant et la mort aux trousses. Phillipe Noiret et Marlène Jobert le sont tout autant en couple mal arrangé, retranchés dans une vieille demeure en ruine de l’Ardèche et qui, chacun à leur façon, n’attendaient qu’un renouveau : l’aventure. Un curieux trio, un étrange triangle amical et amoureux, où l’on ne sait pas toujours qui suit qui et pourquoi, et surtout où le metteur en scène prend un malin plaisir à constamment jouer sur la véracité ou non des propos de David, sur la présence d’hélicoptères, de barrage sur les routes ou de regards incistants. Les visions d’atroces séances de tortures sont-elles des flashbacks ou des émanations de son esprit troublé ? Est-il vraiment fou comme la police et le psychiatre veulent bien le dire ? Est-il vraiment en possession d’un secret qui doit être caché coûte que coûte ? Le film n’explique et n’élucide que l’essentiel, laissant justement en suspens constant la nature du fameux secret ou les réelles motivations des deux accompagnateurs, tiraillés entre les déclarations crédibles de David, ses moments d’intenses paranoïa, le discours habituel de retour à la raison et leurs propres convictions. Lui est prêt à le suivre jusqu’au bout, elle tente de sauver son mari du pétrin dans lequel il est en train de se mettre, et l’écriture autant que la mise en scène ne cessent de multiplier les signes contradictoires, les indices opposés et les déclarations plus ou moins fausses, rendant le complotisme hautement infectieux.
Passionnant et profondément humain, Le Secret est un grand film oublié glaçant jusqu’à la dernière minute.
Image
On ne trouve jamais beaucoup d’information quant aux sources utilisées pour les différentes sorties Studiocanal. Pourtant il semble évident que Le Secret a profité une nouvelle fois d’un soin tout particulier et manifestement d’un nouveau scan à la source. Car le résultat est vraiment très réussi avec une image toujours propre et stable mais qui respecte avec beaucoup de fermeté le grain et les matières d’origines. Le film se dote à nouveau d’un vrai relief, de textures, d’une esthétique très marquée propres aux 70’s mais dont les teintes ne se perdent pas uniquement dans les dégradés de gris mais apportent des notes beaucoup plus chaudes et contrastées. Superbe photo, superbe film, superbe Bluray.
Son
Simple mais maitrisée la piste mono d’origine profite du DTS HD Master Audio 2.0 pour instaurer une écoute plus pointue et claire que jamais. Les dialogues sont nets et équilibrés et la place est admirablement laissée aux compositions de Morricone.
Interactivité
Toujours présent, le directeur de la collection Jérome Wybon propose une petite introduction au film, revenant sur les aspects « film de producteur » du Secret, sur la place qu’il prend dans la carrière de Robert Enrico et sur le choix des acteurs, avec qui d’ailleurs il aura quelques tensions concernant la fin. C’est lui aussi qui commente les scènes coupées retrouvées (assez abimées), toutes venant finalement souligner des idées ou des détails déjà présent dans le montage final. Comme souvent dans la collection Nos année 70, on trouve aussi ici un petit reportage d’archive enregistré pour la télévision avec les interventions du réalisateur et de ses acteurs, dans une atmosphère détendue mais plutôt franche.
Liste des bonus
Préface de Jérôme Wybon (3’), Reportage sur le tournage (5’), Scènes coupées (7’).