LE SALAIRE DU DIABLE
Man In The Shadow – Etats-Unis – 1957
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Jack Arnold
Acteurs : Jeff Chandler, Orson Welles, Colleen Miller, Ben Alexander…
Musique : Hans J. Salter, Herman Stein
Durée : 80 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 15 février 2022
LE PITCH
Ben Sadler est le shérif d’une petite ville, cernée de terres appartenant au puissant Virgil Renchler, propriétaire d’un ranch florissant où travaillent de très nombreux clandestins mexicains. Un soir, le contremaître du ranch tue l’un des employés. Renchler va tout mettre en œuvre pour empêcher le shérif de mener l’enquête.
Homme de loi
Jack Arnold c’est naturellement L’Homme qui rétrécit, Tarentula, Le Météore de la nuit ou L’étrange créature du lac noir et sa suite (toute aussi réussie). Un maître de la SF à petit budget, mais son œil avisé a aussi versé dans d’autres genre, le western ou le film noir, dont Le Salaire du diable est une impeccable symbiose.
Trop longtemps oublié parmi les grands d’Hollywood, Jack Arnold a forcément souffert de son attachement aux divertissements SF mais aussi et surtout à sa capacité à tirer le parti de petits budgets, de tournages éclairs pour des séries B souvent diffusées en drive in ou en double programme. Pourtant, il en faut du talent pour réussir malgré tout à offrir des objets de qualités, secs toujours, allant à l’essentiel, mais dépassant toujours à l’écran des origines étriquées. Tourné à la chaîne avec son chef d’œuvre L’Homme qui rétrécit et La Robe déchirée, toujours pour la Universal, Le Salaire du diable impressionne une fois encore pour son excellente tenue technique : noir et blanc admirablement sculpté, cadres précis, rythme maîtrisé, montage percutant… Et si le film réduit forcément sa trame à l’essentiel, refusant tous enjeux secondaires, toute forme de gras dramatique, il réussit admirablement à imposer ses personnages et les multiples facettes qui les habitent. Se déroulant dans les années 50 une petite bourgade isolée du sud des Etats-Unis, sans doute au Texas pas loin de la frontière mexicaine, a tout du western persistant avec son terrible propriétaire terrien exploitant toute la région sous une main de fer, accompagné de ses hommes de mains patibulaires, ses travailleurs immigrés traités comme rien qui pourraient tout autant être des Indiens, et bien entendu l’attendu shérif qui va devoir enquêter, seul contre tous, pour faire éclater la vérité.
Comme du bétail
Pas de gunfight ou de duel au soleil à l’horizon cependant (quoi que), Le Salaire du diable relève autant du film noir dans la proéminence de son atmosphère tendue, sa photographie impressionniste et ses confrontations aussi violentes (particulièrement pour l’époque) que psychologiquement âpre. Si le colossal Orson Welles n’est jamais très loin des dernières heures de son fameux Citizen Kane en industriel sans foi ni loi, le plus discret Jeff Chandler (La Flèche brisée, La Maison sur la plage…) impressionne en homme de loi à la prestance de cowboy mais à la force morale bien plus contemporaine. Série B parfaitement calibrée, droite et directe ? Pas seulement, très en avance sur son temps, Le Salaire du diable s’offre une dimension très particulière en choisissant comme première victime un jeune travailleur émigré, battu à mort par les sbires de Virgil Renchler, soulignant alors tout du long le mépris de la population envers ces « étrangers » et son absence de réaction face aux mauvais traitements subis. Un écho direct des réflexions politiques et sociales qui agitaient encore et toujours le pays, tout en égratignant vertement la vitrine paisible et honorable de l’Amérique profonde, celle des pionniers et l’ouest vieillissant. Le décors, l’opposition entre le shérif et les notables de la ville et bien entendu la manière de dépeindre une masse pleutre, égoïste, toujours prompt au lynchage des innocents, a certainement marqué Arthur Penn pour le magnifique La Poursuite impitoyable.
Image
Petit film bis certes, mais très soigneusement restauré et remasterisé. Pas de nouveau scan à la source semble-t-il, mais en dehors d’un ou deux plans ou le bruit vidéo affleure, le reste est extrêmement proche dans sa restitution du piqué, de la profondeur et des argentiques. Les contrastes noir et blanc sont superbes, les imperfections (restes de points blancs) très rares et les cadres sont constamment stables et bien ancrés. Peut-être que le grain de pellicule manque parfois d’un soupçon d’intensité, mais c’est vraiment question de chipoter, car au vu des origines « modestes » du film, c’est un petit bijou.
Son
Les pistes monos d’origine, française et anglaise, sont proposées ici dans des DTS HD Master Audio 2.0 qui assurent une meilleure clarté et au passage un petit rafraîchissement d’usage. Si le doublage français semble parfois un peu étouffé, la VO a fait disparaître le moindre signe du temps et offre une restitution franche et efficace. On ne demandait pas mieux.
Interactivité
Auteur d’un très bon Le Péplum italien publié chez IMHO, Florent Fourcourt est le seul intervenant de cette édition. Il y présente bien entendu les prouesses cinématographiques les plus célèbres de Jack Arnold (du côté de la SF et du fantastique donc), avant de souligner l’importance d’un talent qui ne s’arrêtait bien entendu par qu’à ces genres-là. La place du film dans la carrière d’Orson Welles est elle aussi évoquée, mais aussi l’aspect presque avant-gardiste de la réflexion sociale et politique que le film porte. Pas de grandes révélations, mais une intervention efficace.
Liste des bonus
Entretien avec Florent Fourcart, spécialiste de l’Histoire au cinéma (23’), Bande-annonce.