LE ROI ET QUATRE REINES
The King and Four Queens – Etats-Unis – 1956
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie de mœurs
Réalisateur : Raoul Walsh
Acteurs : Clark Gable, Jo Van Fleet, Jean Willes, Barbara Nichols, Sara Shane, Eleonor Parker…
Musique : Alex North
Durée : 86 min
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : français
Editeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 22 novembre 2021
LE PITCH
Dan Kehoe, un paisible cow-boy, arrive au ranch tenu par une veuve et ses quatre brus. Sachant que l’or d’un braquage y est caché mais que seule l’une des brus en connaît l’emplacement, il joue les unes contre les autres dans l’espoir de le dénicher. Mais chacune d’entre elles est l’épouse d’un hors-la-loi dont on attend le retour du seul survivant…
Cool Raoul
Réalisé en 1956 par un Raoul Walsh alors en fin de carrière, Le roi et quatre reines a souvent été considéré comme une œuvre de vieillesse, un film mineur et un peu facile. Sûrement parce qu’il est un peu filou : se vendant comme un western, c’est en fait une pure comédie de mœurs. Légère assurément, mais confectionnée par un immense cinéaste.
Ça commence effectivement de manière très classique. Sur un superbe et héroïque thème d’Alex North, Dan Kehoe (Clark Gable) file à travers les canyons, poursuivi par une horde de cavaliers dans une mise en scène rythmée et grandiose. On est bien, dans nos petits chaussons, et on attend confortablement les bagarres, duels et autres lieux communs du genre. Mais si notre personnage file bien au saloon étaler sa virilité (il faut voir Gable se frictionner avec du whisky après s’être rasé), c’est surtout pour se rencarder sur un trésor caché, qui va le mener dans une maison isolée habitée par une matriarche (Jo Van Fleet) et ses quatre brus veuves (Jean Willes, Barbara Nichols, Sara Shane et l’excellente Eleonor Parker). Persuadé que l’une d’entre elles sait où se cache le magot volé par leurs défunts maris, Kehoe/Gable se lance dans un marivaudage aussi savoureux que comique.
Le vieux Clark et ses drôles de dames
Il faudra faire avec une suspension d’incrédulité malmenée. Car oui, ce vieux Clark Gable de 55 ans (et qui les fait bien !), tout en moues suggestives et lascives, est incompréhensiblement et ardemment désiré par quatre superbes femmes d’approximativement 30 ans de moins. Passée cette dissonance d’un autre temps, le film déroule son programme de manière merveilleusement ludique. Les métaphores et sous-entendus lubriques se multiplient et les surprises et faux-semblants s’enchaînent agréablement. L’intrigue, en revanche, est parfois un peu lâche. On sent que l’intérêt de Walsh est ailleurs.
Car ce film est l’occasion pour lui de dérouler un petit précis de mise en scène classique. La moindre séquence est ainsi sublimée par son savoir-faire, son indécente force tranquille. Appliquant le format épique du Cinémascope à une histoire intimiste, le réalisateur gère admirablement son récit, avec une grande économie de moyen. Il limite les coupes au minimum, ne propose que de légers mouvements d’appareil, joue en permanence des mouvements des comédiens, et comédiennes, et de leurs positions dans le cadre. Bref, il gère tous ses enjeux par la mise en scène, sans ostentation. Tant est si bien que le film, fait rare à l’époque, se permet de ne presque jamais faire appel à la musique. La caméra se suffit à elle-même. Derrière celle-ci, le grand chef opérateur Lucian Ballard (qui travaillera la même année sur L’Ultime Razzia de Stanley Kubrick) compose une très belle image, éclairant avec beaucoup de finesse le décor (quasi) unique de l’hacienda.
En cette fin des années 50, on notera tout de même quelques indices du déclin des grands récits hollywoodiens. Fini le héros sans peur et sans reproche, le sens de l’honneur chevillé au corps. Ici, le personnage incarné par Gable est un genre de crapule cynique, plus proche des personnages qui incarneront le cinéma des années 60-70 (la légèreté et l’humour en plus) que de la figure monolithique à la John Wayne. Une réjouissante touche de modernité au sein d’un impeccable écrin classique.
Image
Superbe master, fidèle au grain d’origine et au très beau travail pictural de Lucian Ballard. La chaleur du Nouveau-Mexique et les ton ocres des intérieurs sont parfaitement rendus. On notera juste quelques rares plans un peu mous au niveau de la mise au point. On peut soupçonner un léger défaut du master. En dehors de ça, c’est du tout bon.
Son
Une piste VO impeccable, claire et chaleureuse. Une piste VF charmante mais, comme toujours, qui met trop à distance le design sonore. Gable bénéficie en outre d’une voix française guère convaincante.
Interactivité
Une édition riche, preuve de soin avec lequel Sidonis Calysta a édité ce faux-western. On commence avec trois présentations par la clique habituelle. La meilleure est sans conteste celle de Bertrand Tavernier qui, avec sa faconde habituelle, prend le temps (19 minutes) de présenter le film, ses qualités, de s’arrêter longtemps sur son excellent casting, avec forces détails et anecdotes. Une présentation érudite, une des dernières de l’historien-réalisateur. On le regrette déjà tellement… S’en suit une présentation de Patrick Brion, qui semble avoir été tourné pour la télévision ou une édition précédente. Plus courte (6 minutes) mais intéressante, elle a le défaut de ne pas proposer d’images du film, rendant l’ensemble assez austère (le décor est une vieille cabine de projection). La dernière présentation de Jean-François Giré est elle aussi intéressante mais redondante en termes informatifs avec les deux autres. On appréciera tout de même la merveilleuse chemise du Monsieur.
On enchaîne avec un portrait de Raoul Walsh par Jean-Claude Missiaen, issu du DVD de La brigade héroïque, édité en 2011, chez Sidonis Calysta également. Un documentaire court (21 minutes) et donc qui survole la carrière du cinéaste. Mais Missiaen, tout en sobriété, va droit au but et délivre de nombreuses informations. Parfait pour se familiariser avec l’œuvre du cinéaste et se préparer une petite watchlist.
Enfin, un inédit chez nous, le long documentaire Les vrais aventures de Raoul Walsh (95 minutes) réalisé en 2019 par Marilyn Ann Moss et basé sur son propre livre. Le film est d’un grand classicisme formel, enchaînant les extraits et les interviews d’historiens et de collaborateurs, mais très intéressant. Raoul Walsh, à travers la voix de Johnny Clear, commente avec une vraie gouaille sa propre carrière (près de 140 films tout de même !), et nous fait traverser l’histoire du cinéma américain, de ses débuts (il commença au côté de Griffith) jusqu’à son dernier film La charge de la huitième brigade, en 1964, dans un Hollywood en déclin.
Liste des bonus
Présentations du film par Patrick Brion (6 minutes), Bertrand Tavernier (19 minutes) et Jean-François Giré (11 minutes) – Portrait de Raoul Walsh par Jean-Claude Missiaen (21 minutes) – Les vraies aventures de Raoul Walsh (95 minutes).