LE PLUS ESCROC DES DEUX
Dirty Rotten Scoundrels – États-Unis – 1988
Support : Blu-ray
Genre : Comédie
Réalisateur : Frank Oz
Acteurs : Michael Caine, Steve Martin, Glenne Headly, Anton Rodgers, Barbara Harris, Ian McDiarmid, …
Musique : Miles Goodman
Durée : 110 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais PCM 5.1 & Français PCM 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : BQHL Editions
Date de sortie : 28 juillet 2023
LE PITCH
Installé sur la Riviera depuis plusieurs années, Lawrence Jamieson a élevé l’arnaque jusqu’au rang d’art raffiné, profitant de la complicité de la police locale et de la crédulité d’héritières pleines aux as. Débarque alors Freddy Benson, américain et escroc à la petite semaine et sans ambition. Les deux hommes vont très vite devenir rivaux …
Arnaque, frime et botanique
Remake d’une comédie glamour des années 60 un peu oubliée depuis (Les Séducteurs avec – excusez du peu – Marlon Brando et David Niven), Le plus escroc des deux n’est sans doute pas la plus grande réussite de la carrière de cinéaste de Frank Oz mais offre tout de même de beaux moments au duo Michael Caine / Steve Martin et se distingue in fine par un twist joliment féministe. Joliment old school et un peu à part dans le paysage de la comédie américaine des années 80.
Téléaste besogneux et appliqué dont les rares incursions sur grand écran n’ont pas laissé de souvenirs impérissables, Ralph Levy signait en 1964 avec Les séducteurs un véhicule taillé sur mesure pour exploiter le charme d’un Marlon Brando encore très populaire auprès du public féminin. Dans le rôle d’un escroc au charisme animal et à la voix suave, la star se frottait au flegme so british de David Niven pour les beaux yeux de Shirley Jones, le tout ayant pour toile de fond les palaces, les plages et les villas de la Côte d’Azur. Un pur produit de commande donc, ne rendant que moyennement justice à la malice du script de Stanley Shapiro en privilégiant le romantisme à la comédie pure. Vingt ans plus tard, alors que David Bowie et Mick Jagger sont à la recherche d’un projet supposé les réunir tout en haut de l’affiche au cinéma, Dale Launer, le scénariste de Boire et Déboires de Blake Edwards, propose aux deux icônes du rock un remake des Séducteurs. Initialement séduits (sic!), Bowie et Jagger quittent très vite le navire pour s’en aller courtiser Martin Scorsese sur un autre long-métrage, à savoir La dernière tentation du Christ. Désireux de s’éloigner pendant un temps des Muppets, de Jim Henson et des animatroniques pour trouver sa propre voix de cinéaste, Frank Oz récupère le bébé avec enthousiasme. Eddie Murphy, Richard Dreyfuss et John Cleese sont envisagés au casting mais Oz leur préfère Steve Martin (dont la participation à son remake musical de La Petite boutique des horreurs lui a laissé un excellent souvenir) et Michael Caine. Tout en cherchant à se rapprocher du scénario original de Shapiro plutôt que le moderniser trop ouvertement, Frank Oz modifie certains des paramètres de l’histoire. Le romantisme passe à la trappe au profit de l’humour, le personnage de Janet, enjeu de la rivalité des deux personnages principaux, est habilement réécrit et l’antagonisme marquant la dynamique du récit est davantage mis en évidence. Petit bonus pour les fans les plus acharnés de Star Wars, Ian McDiarmid, l’Empereur en personne, écope d’un second rôle désopilant dans le costume d’un majordome désabusé.
Amicalement Vôtre
On comprend vite ce qui a pu intéresser Frank Oz dans ce jeu du chat et de la souris entre deux arnaqueurs aux styles radicalement opposés. Américain né au Royaume-Uni et d’origine polonaise et de confession juive, Oz a développé son art et son humour dans un melting pot d’influences riches. Entre les lignes, Le plus escroc des deux joue très intelligemment de la confrontation entre la comédie anglaise façon Ealing Studios et la comédie US façon screwball jusqu’à son incarnation plus physique et extravagante du début des années 80. D’un côté, les stratagèmes très élaborés de Michael Caine rappellent bien évidemment ceux du Tueurs de Dames d’Alexander Mackendrick et de bien d’autres films de cette période fonctionnant autour de l’élégance, de l’affabilité et du flegme d’Alex Guinness. De l’autre, les pitreries, la « vulgarité » et le jeu outré de Steve Martin témoignent de l’extraordinaire vitalité créative des artistes échappés du Saturday Night Live, dernier stade de la mutation incessante de l’humour yankee. Et c’est d’ailleurs lorsqu’il s’échine à confronter puis à marier et enfin à défaire ces mécanismes comiques à priori incompatibles pour mieux les réunir dans des scènes hilarantes que Le plus escroc des deux marque des points. La virtuosité avec laquelle sont amenées ces moments surréalistes où Steve Martin joue le « petit frère » demeuré de Michael Caine donne en effet au long-métrage toute sa saveur. Et, au milieu de cette compétition de mâles alpha digne des meilleurs épisodes d’Amicalement Vôtre, c’est au bout du compte la délicieuse et regrettée Glenne Headly qui remporte la mise dans un rôle à la Katherine Hepburn, renvoyant ses deux prétendants à leur arrogance toute masculine. Une bien belle conclusion et la plus inattendue des touches de progressisme et de modernité d’un film résolument à l’ancienne Certains défauts, toutefois, sont difficiles à ignorer malgré l’aura de sympathie dégagée par le film. Oui, Le plus escroc des deux prend tout son temps pour trouver son rythme et le ton juste et le premier acte est parfois laborieux de par les détours qu’il emprunte. Écrit comme un personnage à la Peter Sellers, le commissaire André, le complice français de Michael Caine, souligne la difficulté des Américains à cerner l’âme française au-delà des clichés et n’arrache presque aucun sourire. Dans la même logique, Frank Oz se montre tout aussi incapable à mettre en valeur le charme inimitable de la Côte d’Azur au point que l’on se demande parfois si le film ne se déroulerait pas en Floride ou à Beverly Hills. Des faux-pas qui n’empêchent heureusement pas Le plus escroc des deux d’avoir mérité sa place dans le haut du panier de la comédie hollywoodienne de la décennie 80.
Image
Patatras ! Ayant visiblement hérité du même master qui servit jadis à la conception du DVD édité en 2006 par MGM, BQHL s’est contenté du service minimum avec une conversion HD tout juste acceptable. La définition bénéficie de quelques sursauts et du soleil du sud de la France mais les points blancs, les défauts de pellicule, une colorimétrie sur les rotules et quelques artefacts de compression viennent gâcher la fête. Tout juste moyen et parfaitement décevant.
Son
Parasitée par des effets de réverbération et de déformation parfois très désagréables, la version originale ne sauve les meubles que par la clarté et la propreté des dialogues et de la piste musicale. Pour le reste, la version française en stéréo prend l’avantage sans éclat mais avec une dynamique douce et débarrassée du moindre parasite sonore.
Interactivité
Le journaliste Stéphane Moïssakis se contente d’une présentation un brin scolaire mais assez complète et où se distingue une anecdote impayable sur la traduction du titre originale pour le Québec. C’est maigre mais mieux qu’un coup de pied au cul comme on dit.
Liste des bonus
Présentation de Stéphane Moïssakis.