LE MYSTÈRE D’EDWIN DROOD
Mystery Of Edwin Drood – Etats-Unis – 1935
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Stuart Walker
Acteurs : Claude Rains, Douglass Montgomery, Heather Angel, David Manners, Francis L. Sullivan, Valerie Hobson, …
Musique : Edward Ward
Durée : 87 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 26 mars 2024
LE PITCH
Cloisterham, en Angleterre. Directeur de la chorale de l’église et maître de chant, John Jasper fréquente en secret une fumerie d’opium. Il développe une obsession dévorante pour Rosa Bud, la fiancée de son neveu, Edwin Drood, …
La fin justifie les moyens
Des adaptations de l’œuvre de l’incontournable Charles Dickens pour le grand écran, ce n’est pas vraiment ça qui manque. Mais il n’est pas interdit de considérer Le mystère d’Edwin Drood, production Universal où se mélangent drame passionnel et polar victorien, comme un cas à part.
À sa mort en juin 1870, le romancier anglais Charles Dickens plonge son lectorat dans un profond désarroi. « Le mystère d’Edwin Drood », son ultime ouvrage, demeure inachevé. En l’absence de notes de travail, d’esquisses, de correspondances vérifiables ou d’un indice dans un testament, impossible de résoudre la question au cœur de ce roman policier : qui a tué Edwin Drood ? Ce mystère fictif devient donc un mystère pour de vrai et enflamme l’imagination des admirateurs de Dickens, lesquels développent une imposante littérature autour de cette fin manquante (jusqu’à la parution en 2009 de « Drood », écrit par Dan Simmons, et où Dickens en personne se joint à cette obsession morbide).
Le cinéma s’empare à son tour du phénomène avec trois adaptations muettes entre 1909 et 1914, des films aujourd’hui semble t-il perdus. Les studios Universal, sous la direction Carl Laemmle Jr. sont les premiers à parier gros sur Le mystère d’Edwin Drood avec un budget dépassant les 215 000 dollars (une coquette somme pour l’époque) et la construction de décors imposants. Prudents, les scénaristes John L. Balderston et Gladys Unger font le choix de coller de près à la trame du texte existant avec peu de changements (le personnage du Lt Tartar est le seul à passer à la trappe) et une résolution de l’intrigue qui rejoint la théorie privilégiée par tous les spécialistes de « l’affaire ». La mise en scène est confiée à Stuart Walker, ancien producteur à la Paramount et technicien fiable. Un choix d’autant plus sensé que Walker travaille en parallèle à une autre adaptation de Dickens, De grandes espérances, toujours pour le compte d’Universal. Mémorable homme invisible du film éponyme de James Whale, Claude Rains hérite du rôle central de John Jasper et livre une interprétation formidable, la critique saluant l’intensité du jeu de l’acteur. Pas de bol, le film se plante en fin de compte au box-office. Le mystère est aussi une malédiction et en aucun cas la garantie d’un succès facile.
Psychose
La structure du film de Stuart Walker est à la fois sa plus grande force mais aussi sa plus grande faiblesse. S’ouvrant sur un cauchemar à la symbolique sexuelle et morbide assez surprenante, Le mystère d’Edwin Drood s’amorce comme un conte gothique et victorien particulièrement sombre et subversif où un membre tout à fait respectable d’une petite communauté rurale traîne dans une fumerie d’opium lugubre et fantasme à grosses gouttes sur l’orpheline de 17 ans que son neveu est sur le point d’épouser. En changeant brusquement de point de vue pour se concentrer sur la rivalité amoureuse incroyablement insipide entre le fameux Edwin Drood et l’électron libre Neville Landless (un Douglass Montgomery au sourire carnassier et au cabotinage facile), la tension retombe et le film ne se réveille que ponctuellement. Lors de la visite nocturne d’une crypte avec un alcoolique et un Oliver Twist frappadingue qui jette des pierres sur tout le monde, lors d’une tempête le soir du réveillon de Noël ou dans une conclusion à la Dr Jekyll et Mr Hyde, avec dédoublement de personnalité et tout le tintouin.
La mise en image de Walker est à la fois ample et studieuse mais le rythme et l’interprétation sont inégales. Claude Rains porte le film sur ses épaules et domine à ce point l’histoire qu’il est tentant de piquer un roupillon lorsqu’il est absent du cadre. Menaçant, instable, lubrique, hypocrite, le John Jasper qu’il compose est suffisamment nuancé pour ne pas sombrer dans la caricature du psychopathe grimaçant et incite à une réflexion inattendue sur les névroses du célibat et des apparences. En avance sur son temps, Claude Rains donne ici naissance à une nouvelle espèce de méchant de cinéma, un certain Norman Bates pouvant d’ailleurs se compter parmi ses héritiers.
Image
Attention, film rare. La copie récupérée dans les archives d’Universal n’est pas de toute première fraîcheur et porte les stigmates de son âge (89 ans au compteur tout de même !). Les incidents de pellicule se limitent néanmoins à des points blancs et un petit excès de grain. Les contrastes et la définition sont plus que corrects et la stabilité de l’image assure un confort de visionnage certain.
Son
Comme pour l’image, la qualité est toute relative avec une piste mono audible, claire et sans saturations majeures mais le souffle est très perceptible avec des micros-coupures.
Interactivité
Le mystère d’Edwin Drood rejoint la collection Cinema Master Class avec une jaquette réversible et un boîtier avec fourreau. L’unique bonus vidéo est une présentation très complète assurée par le critique Eddy Moine, lequel ressemble de plus à Jean-Pierre Dionnet, de par son débit et son enthousiasme communicatif.
Liste des bonus
Présentation du film par Eddy Moine (11 min.), Bandes-annonces.