LE MÉTRO DE LA MORT
Death Line – Royaume-Uni – 1972
Support : Bluray & DVD
Genre : Horreur
Réalisateur : Gary Sherman
Acteurs : David Ladd, Donald Pleasance, Norman Rossington, Sharon Gurney, Hugh Armstrong, June Turner, Christopher Lee, …
Musique : Will Malone, Jerry Rose
Durée : 87 minutes
Image : 1.85:1, 16/9ème
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 16 octobre 2021
LE PITCH
À Londres, deux étudiants découvrent un homme gisant dans une station de métro. Lorsqu’ils reviennent sur les lieux avec un policier, le corps à disparu. D’autres, disparitions du même genre sont intervenues récemment. Que se passe-t-il dans les entrailles du métro ? L’inspecteur Calhoun mène l’enquête…
Le métro a des yeux
Petit à petit, les cinéphiles français (re)découvrent l’œuvre rare et somme toute assez précieuse du cinéaste américain Gary Sherman. Après l’excellent thriller Vice Squad chez Studiocanal (dans la collection Make my day!), c’est au tour de Rimini d’entrer dans la danse en éditant Le métro de la mort, conte macabre et putride, pamphlet social et petit bijou d’humour noir.
Au-delà de son postulat de série B où un couple d’étudiants et un flic opiniâtre affrontent un monstre cannibale dans les souterrains de Londres, Le métro de la mort est révélateur de la personnalité et des ambitions d’un auteur signant ici un premier long-métrage à la maîtrise surprenante. Natif de Chicago, Gary Sherman quitte les Etats-Unis pour la Grande-Bretagne sitôt son diplôme de fin d’études en poche pour y mener une carrière de publicitaire et de documentariste. Doté d’une forte conscience politique, il découvre dans les archives de la construction du métro londonien matière à l’écriture d’un film d’horreur où il pourrait dénoncer les crimes et l’inhumanité des élites qui ont bâti leurs fortunes sur les cadavres de centaines, voire de milliers, d’ouvriers. Effectué dans un contexte de concurrence féroce entre différents opérateurs privés, la construction durant la seconde moitié du XIXème siècle des différentes galeries du métro de la capitale britannique est en effet le théâtre de nombreux accidents tragiques et d’effondrements prenant au piège des travailleurs qui mourront sur place, faute de secours jugés trop « coûteux ». Sherman imagine alors ce qui se serait passé si certain(e)s de ces infortuné(e)s avaient appris à survivre, coupés de la surface et poussés à l’anthropophagie et à la consanguinité. Le scénario, écrit par Ceri Jones (mais sous la supervision étroite du réalisateur), puise donc à la fois son inspiration dans ces faits révoltants mais aussi dans le classique d’H.G. Wells, La Machine à explorer le temps, où l’écrivain décrivait dans un futur lointain la relation entre les Morlocks et les Elois, les premiers surgissant des profondeurs pour capturer les seconds et les dévorer. Et Le métro de la mort de proposer un audacieux renversement des valeurs où le « monstre » est aussi et surtout une victime des crimes de notre société moderne.
Mind the doors !
Très classique, la première partie du film met en place ses principaux protagonistes et laisse encore gentiment plâner le mystère sur la nature de la menace. Malin, Gary Sherman laisse croire au spectateur qu’il est confortablement installé dans une histoire dont il peut facilement prévoir l’issue. Toutefois, des indices « trahissent » déjà la bizarrerie d’un film pas comme les autres. La première victime du cannibale est un véritable enfoiré de la haute société traînant son costume trois pièces et son air hautain dans tous les peep-shows et strip-club de la ville avant de tenter de s’acheter les faveurs d’une jeune femme en exhibant une liasse de billets, le couple d’étudiants (où le jeu incroyablement fade de David Ladd pourrait faire office de tâche dans le décor s’il n’était pas aussi à propos) est loin des clichés et du glamour flower power de l’époque et semble toujours sur le point de la séparation, et l’inspecteur campé avec bonheur par un Donald Pleasance pince sans rire met davantage d’énergie dans ses sarcasmes que dans son travail à proprement parler. Le cauchemar n’a pas encore vraiment débuté que Le métro de la mort apparaît déjà en déficit d’héroïsme. La révélation du monstre va alors nous faire l’effet d’un électro-choc et prendre nos attentes à revers.
Parfaitement assisté par la lumière cafardeuse et le professionnalisme du chef opérateur Alex Thomson, le réalisateur s’offre un plan séquence de près de 8 minutes (!) d’une richesse émotionnelle estomaquante. Un lent travelling latéral s’attarde d’abord sur des cadavres en putréfaction dans ce qui ressemble à un garde-manger sorti d’une vision des Enfers. On découvre ensuite que la première victime du début, à peine vivante, y est enfermé. Puis on fait enfin la connaissance du monstre (superbement interprété par Hugh Armstrong, remplaçant au pied levé un Marlon Brando tenté par l’aventure puis forcé de rentrer au pays pour s’occuper de son fils) et la terreur cède très vite la place à la pitié. Crasseux, difforme et maladif, l’homme ne sait manifestement pas parler et panique au chevet de sa compagne, tout aussi malade et enceinte jusqu’aux yeux. La jeune femme meurt et l’homme hurle son désespoir et sa tristesse dans les couloirs sombre et humides de galeries abandonnées depuis près d’un siècle. La virtuosité de cette scène capitale conjugue les textures de l’horreur et du drame avec une force peu commune. Malgré la nature de ses actes ignobles, le monstre dévoile une humanité désarmante et une fragilité déstabilisante.
Négociant le nihilisme qui lui tend alors les bras en mettant en valeur l’humour de Donald Pleasance (la scène qu’il partage avec Christopher Lee flirte presque avec le non-sens d’un sketch des Monty Pythons) et la belle énergie d’une Sharon Gurney au jeu très authentique, Gary Sherman enterre l’épouvante gothique de la décennie précédente et devance Massacre à la tronçonneuse et La Colline a des yeux de quelques encablures dans l’étrangeté horrifique jusqu’à un final à la fois éprouvant, tendre, drôle, pathétique et pessimiste. Manque de pot (la faute à une distribution catastrophique aux USA), il faudra plusieurs années avant que quiconque ne remarque cet extraordinaire coup d’éclat.
Image
Les amateurs d’imports retrouveront ici le master propre et équilibré de l’édition américaine de Blue Underground qui a traversé l’Atlantique sans encombre. La légère perte de définition dans les scènes les plus sombres ne porte jamais préjudice à la qualité de ce transfert au grain poisseux comme il faut et à la colorimétrie très vivante.
Son
Rimini est parvenu à dénicher la version française d’époque dont le doublage renforce encore l’humour de certains dialogues. Reste un souffle assez présent sur les deux mixages mais une stéréo plus robuste sur la version originale.
Interactivité
Outre un livret de Marc Toullec (cet homme est partout !), l’interactivité recycle celle du disque Blue Underground, à l’exception – malheureusement ! – du commentaire audio de Gary Sherman. Trois entretiens, avec une partie du casting, les producteurs et le réalisateur nous font découvrir les coulisses d’un tournage éprouvant en raison du froid et de l’insalubrité des scènes tournées dans une station de métro désaffecté. Mais la bonne humeur prédomine et tous saluent la postérité d’un film que les nouvelles générations se sont fait un plaisir de réhabiliter. Et à juste titre.
Liste des bonus
« Profondeurs » : discussion entre David Ladd et Paul Maslanksy (13 minutes) / « Fermeture des portes ! » : interview de Hugh Armstrong (16 minutes) / « Les Contes du métro » : interview de Gary Sherman et des producteurs exécutifs Jay Kanter et Alan Ladd, Jr. (19 minutes) / Bande-annonce / Spots TV.