LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE
The Diary of Chambermaid – Etats-Unis – 1946
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Jean Renoir
Acteurs : Paulette Goddard, Francis Lederer, Burgess Meredith, Judith Anderson, Hurd Hatfield…
Musique : Michel Michelet
Durée : 91 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais, français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 4 août 2021
LE PITCH
Célestine, une femme de chambre, est engagée dans le château des Lanlaire en Normandie. Elle va découvrir une maison pleine de secrets et de zones d’ombre. Le fils Lanlaire qui est malade s’éprend de Célestine, mais Joseph, le valet de chambre, également amoureux d’elle, essaie de contrecarrer ses plans.
Un roman cinématographique
Bien avant les adaptations de Luis Bunuel et de Benoît Jacquot, Jean Renoir réalisait en 1946 sa version du célèbre roman d’Octave Mirbeau, Le journal d’une femme de chambre. Une véritable réussite souvent considérée comme son meilleur film américain.
Paru en 1900, le roman d’Octave Mirbeau, Le journal d’une femme de chambre, aura été à maintes reprises adapté au théâtre ainsi qu’au cinéma. Outre une version russe, quasi-inconnue, de 1916, les spectateurs français retiendront plus volontiers le remake de Bunuel en 1964 (avec Michel Piccoli et Jeanne Moreau entre autres) , véritable satire anti-bourgeoise crue tournant au jeu de massacres. Ou encore la version plus récente de Jacquot en 2015, avec Vincent Lindon et Léa Seydoux.
On oublie ainsi souvent que Jean Renoir, « l’un des plus grands cinéastes du monde » selon Bertrand Tavernier, avait lui aussi mis en scène ce roman à scandale, acerbe sur les puissants et leur « pourriture », mettant en vedette une soubrette souhaitant être calife à la place du calife ! Si cette version s’éloigne beaucoup des écrits de Mirbeau, avec notamment une « happy end » sans doute souhaitée par la production, s’avère théâtrale voire caricaturale par moments, Renoir signe pourtant ici un petit chef d’œuvre de tragi-comédie lorgnant quasiment vers le film noir.
Une histoire française à Hollywood
Sorti en 1946 aux États-Unis, et deux ans plus tard plus tard en France, le film fut un succès public relatif et reçut un accueil critique plutôt mitigé. Taxé d’artificialité, le film a été entièrement tourné en studio, par les français, les américains de leur côté y voyaient surtout une histoire française très théâtrale. Avec le temps, Le journal d’une femme de chambre mérite d’être réévalué et s’avère être avec L’homme du sud le meilleur film hollywoodien de son réalisateur.
Gêné par les producteurs lors de ses premiers films américains, Renoir parvient ici à avoir plus de liberté grâce à une production indépendante, à laquelle participa le couple d’acteurs Paulette Goddard-Burgess Meredith. L’ex-femme de Charlie Chaplin est d’ailleurs ici parfaite en femme ambiguë et ambitieuse, une vraie figure féministe plus positive que dans les autres versions. Même s’il n’aura pas la même violence qu’un Bunuel par exemple, c’est par le sous-entendu que Renoir imprime ici la dimension sexuelle et cruelle du récit de Mirbeau. Grâce notamment à la superbe interprétation de Francis Lederer qui joue un Joseph froid, cruel et sadique ou de Judith Anderson, transformée en mère maquerelle !
En reprenant ce roman naturaliste, Renoir revenait finalement au cinéma de ses débuts, marqué par les adaptations de Zola et son admiration d’Erich Von Stroheim. Sa parfaite utilisation des décors, avec notamment cette séquence finale de règlements de compte, son ironie mordante envers l’aristocratie et sa peinture clinique des bas instincts de l’Homme font de ce Journal d’une femme de chambre un grand film à redécouvrir d’urgence.
Image
Malgré quelques images floues, la version présentée ici est irréprochable. Le travail sur les contrastes de Lucien Andriot, directeur de la photographie, est ainsi mis en évidence notamment lors du final en clair-obscur sur la place du village.
Son
Un mono un peu feutré mais de qualité, rendant hommage à la partition de Michel Michelet. La VF est de qualité, voire plus claire, mais nous vous conseillons la VO pour apprécier l’interprétation délirante de Burgess Meredith par exemple.
Interactivité
Des bonus de qualité avec la participation du regretté Bertrand Tavernier qui revient sur les difficultés rencontrées par Renoir lors de sa période hollywoodienne (barrière de la langue, tournages en studio…). Il évoque aussi des faits moins sympathiques comme l’accointance de Renoir avec Vichy avant son départ aux USA.
Jean-François Rauger replace le film dans son contexte en évoquant les critiques d’alors ou la censure qui obligea peut-être Renoir à adapter le roman de cette façon douce-amère pour ne point trop heurter le public, et les producteurs américains.
Enfin, le documentaire en VOST est un petit bijou évoquant la période hollywoodienne et la fin de carrière de Renoir. De nombreuses images d’archive et des intervenants de qualité (Tavernier, Chabrol, Meredith, Malle, Welles…) qui reviennent sur la carrière et les thèmes de prédilection de ce grand réalisateur que Gabin définissait toutefois ainsi : « Le réalisateur est vun génie, l’homme une prostituée… ».
Liste des bonus
Présentation par Bertrand Tavernier (40′); présentation par Jean-François Rauger (37′); Jean renoir en Amérique (57′).