LE JOUR DE LA BÊTE
El Dia de la bestia – Espagne – 1995
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur, Comédie
Réalisateur : Álex de la Iglesia
Acteurs: Alex Angulo, Armando De Razza, Santiago Segura, Terele Pavez, Nathalie Seseña…
Musique : Battista Lena
Durée : 104 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Espagnol DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0, Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Extralucid Films
Date de sortie : 22 novembre 2021
LE PITCH
L’heure n’est plus à la normalité ! Angel, prêtre spécialiste des écrits de l’apocalypse, déchiffre que l’antéchrist va naître demain : le jour de Noël. Pour rencontrer le malin, il garde sa soutane mais se livre au mal ; le péché ne lui fait pas peur. Aidé de quelques compagnons « hauts en couleur », il forme un commando prêt à tout pour sauver le monde. Et si ça marchait ? …
Rendez-vous avec le diable
Après avoir enfoncé quelques portes avec le délire punk et futuriste Action Mutante, Álex de la Iglesia abattait les derniers murs d’un cinéma hispanique frileux avec Le Jour de la bête et ses trois pieds nickelés aux trousses d’une apocalypse annoncée. L’affirmation d’un grand cinéaste en devenir et la naissance d’un cinéma de genre ibérique qui s’engouffrera dans son sillon.
Bien entendu, Álex de la Iglesia et son incontournable co-scénariste Jorge Guerricaechevarría auront eu un peu de mal à trouver le financement nécessaire à cette seconde réalisation. Soutien sur le premier Action Mutante, le producteur Pedro Almodovar se désiste par superstition. C’est qu’en Espagne on ne badine pas avec l’église, le catholicisme et le diable. C’est pourtant bien la volonté première du Jour de la bête qui oblige un prêtre (Álex Angulo) à perpétrer les pires méchancetés et actes de violences afin de contrer les plans du grand Satan. En damnant son âme, il espère signer un pacte avec celui-ci et découvrir où doit avoir lieu la naissance de l’antichrist dont il a découvert la proximité dans les textes saints. Voler les mourants, pousser les mimes dans les escaliers du métro, ponctionner du sang à une pauvre vierge… Méchant, gratuit et tellement drôle, l’humour noir du Jour de la bête est irrésistible, et se voit encore décuplé par l’arrivée de ses deux acolytes, un toxico métaleux incarné par la révélation Santiago Segura (la saga Torrente) et le présentateur outrancier d’une émission tv sensationnaliste sur l’occulte, Cavan (Armando De Razza), totalement convaincu eux aussi de leur mission sacrée après ingérence d’une bonne dose d’acide et une messe noire en appartement.
Les charmes du grand fourchu
Conte de Noël totalement dévoyé où le petit Jésus va faire brûler la crèche et où les rois mages parcourent les rues un fusil à la main et l’oreille en sang, le film ne se refuse rien, entre une apparition mémorable du malin et une baston homérique entre le brave curée et une Terele Pavez (Les Sorcières de Zugarramurdi, Mes Chers voisins…) hargneuses dans les escaliers de cette pension habitée, entre autres, par un papy nudiste. Décapant, réjouissant, Le Jour de la bête affirme tout autant l’humour de son auteur, toujours teintée d’une pointe d’amertume, que ses talents déjà évidents de metteur en scène/ Il mêle ainsi des chassés-croisés hitchcockiens dans des couloirs tout en profondeur avec le décalage slaptsick, rythmant l’épopée avec une maitrise constante et offrant déjà quelques scènes de bravoures au-dessus du vide dont il a le secret. Mais sans doute que cette comédie féroce ne serait pas aussi efficace si elle ne prenait pas comme toile de fond une Madrid alors totalement inédite à l’écran. Une citée sculptée dans les ténèbres par le directeur photo Flavio Martinez Labiano (800 Balles, Jungle Cruise), évoquée comme une citée décrépie, décadente, crasseuse et violente dont les habitant préfèrent rester rivés devant les programmes débilitants déversés sur les milliers d’écrans de tv omniprésent dans le décors, plutôt que de ce célébrer l’esprit de Noël ou se rendre dans les églises Une ville qui ouvre grand ses bras aux forces du mal, représentées comme il se doit par un groupuscule de fachos en polo mettant le feu aux SDF.
La critique acerbe de la société occidentale n’a pas pris une ride, et Álex de la Iglesia a même des accents visionnaires lorsqu’il choisit l’étrange double building de la Porte de l’Europe pour sa “ressemblance” avec la signature du diable… Appelées aussi tours Kio, celles-ci ont depuis été le théâtre d’un gigantesque scandale financier, de malversations, de détournements de fonds provoquant quelques 30000 pertes d’emplois, accentuant plus durement encore la crise économique. Sous la farce, Le Jour de la bête sait bien derrières quels masques se cache le diable.
Image
En association avec Splendor Film (qui s’est chargé de la ressortie en salles), Extralucid nous propose ici une superbe restauration 4K. Effectuée à la source, elle a permis de redonner un véritable coup de fouet à l’image, débarrassée de ses accents neigeux et de ses nombreux défauts de pellicules envahissants. En dehors quelques petites minutes marquées par des effets visuels composites plus compliquées (les deux apparitions du diable en l’occurrence) ou seuls quelques bidouillages numériques permettent de les harmoniser avec l’ensemble, ce master UHD est une grande réussite avec une définition des plus percutantes, des couleurs plus énergiques et présentes et des noirs pleins, bien tenus et marquants. A côté, la copie Bluray, en dehors de teintes légèrement plus éteintes, n’a pas de honte à avoir.
Son
Les stéréo espagnole et française d’origines sont proposés ici dans des DTS HD Master Audio plus clairs et efficaces que jamais. Mais la petite nouveauté reste le mixage 5.1 de la version originale. Si quelques effets sonores un peu sourds (les tirs de fusil à pompe) tranchent encore plus avec l’atmosphère générale, le film y gagne certainement une certaine amplitude. Les séquences de foule, les enregistrements sur le plateau télé et son public, la spatialisation de la mise en scène dans la pension… L’ambiance devient plus dynamique, plus fluide, sans artifices désagréables.
Interactivité
6ème numéro de la collection Extra Cult du jeune éditeur, Le Jour de la bête est aussi leur première édition comportant en plus du Bluray une galette UHD. Question bonus, tous sur la galette bleue, c’est que du bon avec une interview inédite du réalisateur (dont on retrouvera la « suite » sur Perdita Durango et Balada Triste) qui revient sur ce film qui a totalement propulsé sa carrière et reste celui dont on lui parle le plus. Quelques souvenirs de tournages, anecdotes, intentions, le désistement de Pedro Almodovar, les versions précédentes du projet (dont une très inspirée par Taxi Driver)…
Des éléments que l’on retrouve dans la présentation de l’excellent journaliste Laurent Duroche (Mad Movies), mais aussi dans l’imposant documentaire « Herederos de la bestia ». Un making of rétrospectif qui retrace avec les largeurs d’un long métrage toutes les étapes du tournage, en s’appuyant sur les témoignages du réalisateur, de son scénariste, des acteurs, producteurs et techniciens. Passionnant et richement documenté surtout que celui-ci revient aussi sur la jeune génération de cinéastes espagnols née dans un petit milieu de courts-métrages de genre, l’impact provoqué par la sortie du film et la place de porte-étendard d’Alex De la Iglesia, comme viennent le rappeler des cinéastes comme Jaume Balaguero, Nacho Cerda ou Paco Plaza…
L’ensemble s’achève fièrement sur la première réalisation du bonhomme, le rare court métrage Mirindas asesinas, sorte de détournement d’une blague de bar qui tourne au massacre au shotgun avec une esthétique de film muet.
Liste des bonus
Entretien exclusif avec Álex de la Iglesia (16’), Présentation du film par Laurent Duroche (10’), Documentaire : « Herederos de la bestia » de Diego Lopez et David Pizarro (2016, 80’, VOST), Court métrage : « Mirindas asesinas » de Álex de la Iglesia (1990, 12’, VOST).