LE GRAND SAUT
The Hudsucker Proxy – États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne – 1994
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Joel Coen
Acteurs : Tim Robbins, Jennifer Jason Leigh, Paul Newman, Charles Durning, Bill Cobbs, Bruce Campbell
Musique : Carter Burwell
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0, Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 93 minutes
Éditeur : Elephant Films
Date de sortie : 13 juin 2023
LE PITCH
Waring Hudsucker est le PDG de Hudsucker Industries, une entreprise florissante. Ce qui ne l’empêche pas de se suicider. Son conseil d’administration, mené par l’impitoyable Sidney Mussberger, met au point un plan pour récupérer le contrôle et empocher une somme importante : engager un parfait imbécile pour diriger la compagnie et la mener à la faillite. Mais une journaliste ambitieuse infiltre la société pour mettre à jour le complot…
« it’s just a jump to the left »
Premier film de studio pour les frères Cohen et premier gros échec (commercial) de leur carrière, Le Grand saut fut quelque peu boudé pour ses aspects de de fable enchantée, d’hommage appuyé aux grandes comédies hollywoodiennes des 50’s et pour ses effets de style assumés. Pourtant depuis le Hula hoop des Cohen n’a jamais cessé de tourner.
C’est souvent la grande histoire de ces rencontres entre des auteurs de cinéma récemment auréolés d’un succès légitime (ici une Palme d’or et un déluge de prix pour Barton Fink) et de grands studios qui s’imaginent pouvoir en démultiplier la performance en ouvrant les vannes financières. En l’occurrence ça se passe du coté de la Warner et du célèbre Joel Silver, pourtant surtout spécialiste de l’action culte (Predator, L’Arme fatale, Matrix…) qui, véritablement fasciné par leur cinéma, va leur laisser les coudées franches et même le fameux « final cut ». Le budget de leur nouveau film est au moins cinq fois supérieur à celui du précédent, et permet donc de faire renaitre un projet de longue haleine s’inscrivant dans une vision fantasmée de l’Amérique des 50’s et en particulier d’un New York art deco reconstitué essentiellement en studio, mélange de grandes structures élancées et de rouages imbriqués qui rappellent inévitablement parfois le Gotham de Tim Burton ou le capharnaüm du Brazil de Terry Gilliam. Les décors sont splendides, les costumes à l’avenant, et Le Grand Saut en profite justement pour s’efforcer de reconstituer avec un mélange de candeur et de savoir-faire séduisant, l’esprit joyeusement moral de Capra, l’énergie débordante des dialogues cinglants d’Howard Hawks et la précision de la screwball comedy de Leo McCarey ou Preston Sturges. Un film de cinéphiles, bourré de clin d’œil, de réinterprétation, de détournement excessifs et volontairement caricaturaux porté par un fast talking ébouriffant.
Film’O’Matic
Finalement, un petit voyage dans le temps, mais totalement biaisé par la vision de Joel et Ethan Cohen, qui n’est jamais bien loin de celle du futur Ave, César ! qu’ils tourneront 20 ans plus tard, et dont le constant décalage avec le simple hommage poli et scolaire, embarque justement le métrage vers cet ailleurs miraculeux et hors du temps qui permet toutes les ruptures de ton, toutes les libertés et les virtuosités. Coécrit avec le copain Sam Raimi (en charge aussi, tant qu’à faire, de la seconde équipe) Le Grand Saut revisite donc la fameuse fable du pouvoir corrupteur, du naïf échalas projeté pour de mauvaise raison aux sommets du monde et qui manquera de s’y perdre, de la belle journaliste dont la froideur finira par fondre et du libéralisme américain dont les grandes opportunités s’avèrent souvent de sacrés traquenards. Avec la petite note acide, et moderne, supplémentaire, Le Grand Saut se déguste avec grand bonheur, emporté par sa mise en scène imaginative, par son humour irrésistible et sa fraicheur lucide. Jeunes acteurs en pleine ascension Tim Robbins et ses airs ahuris et Jennifer Jason Leigh mordante à souhait, s’avèrent un couple aussi improbable qu’accrocheur, mais Paul Newman en financier magouilleur et carnassier, constamment le cigare aux lèvres (a tel point que sa bouche est presque de traviole) serait presque la plus belle révélation du film. : un méchant théâtral au pouvoir comique imparable et qui laisse le charisme en acier intact.
Présenté en ouverture à Cannes en 1994, Le Grand Saut n’est pas forcément le film le plus cité des films Cohen, pourtant il marie à merveille cette férocité et cette ingénuité qui continue de faire le charme des meilleures comédies des deux frangins.
Image
Avec dix ans d’ancienneté, le master HD du Grand Saut nous parvient enfin grâce à Elephant Films. Bonne nouvelle surtout que malgré le retard affiché la prestation reste de très bonne tenue. La restauration avait été effectuée uniquement avec des outils numériques mais assure toujours une propreté très satisfaisante (encore des points blancs de-ci de-là) et une colorimétrie essentiellement terreuse et sombre mais bien contrastée et respectant les volontés initiales. Les plans sont propres et joliment dessinés. Reste qu’effectivement la définition pourrait parfois être plus creusée, plus ciselée et le grain nettement plus présent avec un nouveau scan à la source, mais le film affirme tout de même une excellente forme.
Son
Petit débat pour les aficionados de technique, Le Grand Saut fût-il projeté en son temps en 5.1 ? Personne n’a vraiment de réponse précise, en tout cas ce dernier refait son apparition ici avec un DTS HD Master Audio 5.1 qui ressemble clairement aux premiers essais sur ce genre de standards. Quelques effets latéraux, une légère amplitude sur les arrières, mais tout comme la classique stéréo, tout aussi propre et ferme, l’essentiel se joue sur les avants avec un équilibre clair et solide.
A noter pour la version française deux propositions avec le doublage d’origine et un autre apparemment plus moderne dont on ignorait totalement l’existence.
Interactivité
Comme tous les Warner Archive (pour les USA) pas un seul bonus à l’horizon, pas de making of ou autres documents retrouvés produits aux USA. Quel dommage !
Elephant cependant s’efforce d’étoffer son édition avec d’un coté un livret concocté par David Mikanowski (Le Point) et une présentation vidéo enregistrée avec Frederic Mercier (Positif). Tous deux reviennent parfois, naturellement, sur les mêmes informations lorsqu’ils retracent la naissance du film, sa production confortable, ses nombreuses références et sa sortie quelque-peu décevante, mais le second s’efforce de pousser un peu plus loin le propos avec quelques pistes d’analyses pas inintéressantes.
Liste des bonus
Le livret collector : « Le Grand Saut Un film d’(h)auteur des frères Coen » par David Mikanowski (24 pages), Le film par Frederic Mercier (24’), Bandes-annonces.