LE GOLEM
Der Golem, wie er in die Welt kam – Allemagne – 1920
Support : Bluray & DVD
Genre : Fantastique
Réalisateur : Paul Wegener, Carl Boese
Acteurs : Paul Wegener, Albert Steinrück, Ernst Deutsch, Lyda Salmonova, Hans Stürm, Max Kronert…
Musique : Admir Shkurtaj, Wudec ou Stephen Horne
Image : 1.33 16/9
Son : Accompagnement musical en DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 76 minutes
Editeur : Potemkine Films
Date de sortie : 17 septembre 2024
LE PITCH
A Prague, au XVIe siècle, le rabbin Loew, philosophe et magicien, donne vie à une colossale statue de glaise, le golem. Grâce à lui, il obtient du roi que les juifs ne soient pas chassés de la ville. Mais le golem se révolte contre son créateur…
Emet
Aux côtés du Cabinet du Docteur Caligari et de Nosferatu, Le Golem est le troisième pilier de l’impressionnisme fantastique du cinéma allemand. Une superbe mise en image d’un conte juif dans une Allemagne déjà marquée par la guerre mais pas encore par le nazisme, dont on ressent encore les échos de nos jours.
Acteur et réalisateur extrêmement célèbre en Allemagne au début du siècle dernier, Paul Wegener (Le Joueur de flute de Hamelin, La Fin du Duc de Ferrante…) aura vraiment été habité par cette créature biblique, grand sujet de réflexion théologique hébraïque et donc les évocations, de l’homme né dans la glaise à la figure de l’automate, n’aura eu de cesse d’inspirer les arts, la science et la philosophie. D’ailleurs son premier film en tant que réalisateur et acteur en 1914 était déjà intitulé Der Golem, mais incarnait le monstre dans un environnement policier, alors qu’il était réveillé par un vilain criminel. Un film qui connu une drôle de suite trois ans plus tard avec Der Golem und die Tänzerin, versant romantique et (déjà ?) auto-parodique. Deux films moins connus aujourd’hui mais où déjà l’apparence massive et terreuse de la créature, son curieux crane en forme de casque de céramique et sa démarche lourde et mécanique (la Universal saura s’en souvenir), semble parfaitement installées et la performance de Paul Wegener iconique. Mais c’est vraiment avec le troisième Der Golem, wie er in die Welt kam (soit « comment il est venu au monde ») que son incarnation va entrer dans la légende.
Prométhée moderne
Un retour aux sources en sommes, dans les rues de Prague où pour protéger un peuple juif à nouveau menacé de persécution par l’empereur Rodolphe II, le rabbin Loew décide de donner vie à une imposante statue d’argile, lui insufflant la vie grâce à un mot secret (et hautement symbolique). Alchimiste et magicien, il n’hésite pas d’ailleurs dans une séquence aussi mémorable que novatrice, à invoquer un terrible démon pour obtenir l’information capitale. Dans un contexte historique plutôt proche du réel, le film de Paul Wegener, aidé par Carl Boese (cinéaste peu connu chez nous mais dont la carrière dura jusqu’à la fin des années 50) emprunte radicalement le chemin de l’allégorie et du fantastique transformant par exemple le fameux ghetto d’autrefois en paysage terreux torturés où les habitants semblent littéralement se fondre dans la masse, tandis que la magie est à priori chose commune, à l’instar de cette superbe scène ou pour convaincre l’empereur, le Rabin invoque une fantasmagorie géante évoquant la projection sur grand écran d’un péplum à venir. Le film semble alors toujours avoir un pied dans le passé et dans la fable, mais aussi toujours un pied vers l’avenir, annonçant des décennies de récits de science-fiction, des centaines de lointains cousins androïdes ou humanoïdes animés, mettant déjà en garde contre ces créations futuristes dévoyées par une humanité égoïste (ici un prétendant écarté qui cherche à se venger).
Visionnaire et superbe, avec ses décors grandioses dessinés par Hanz Poelzig et construits sous la direction de Kurt Richter, et son travail impressionnant sur les lumières, évoquant par leurs halos et les ombres sculptés les tableaux de Rembrandt, marque des prouesses déjà du grand Karl Freund que l’on retrouvera chez Frit Lang (Metropolis) mais aussi, et ce n’est certainement pas un hasard, chez la Universal pour leurs mémorables classiques gothiques.
Image
Décidément les nouvelles techniques de restauration et la démocratisation des nouveaux scans 4K sont véritablement une bénédiction pour les survivants de l’ère du muet. Des films surtout longtemps visibles dans des versions tronquées, abimés, aux teintes incertaines, aux bords délités et aux photogrammes scarifiées. Nouvelle jeunesse donc, si on peut dire, pour Le Golem reconstitué ici dans son montage le plus long connu à partir d’une copie américaine incomplète et d’une seconde source en renfort, avec pour les deux un scan 4K du meilleur matériel possible et un nettoyage appliqué et consciencieux des cadres. Et si naturellement quelques plans souffrent de griffures et taches diverses ou d’une définition limitée, l’essentiel du film nous parvient désormais avec une clarté inédite, une définition rigoureuse et une fermeté surprenante. Le grain, organique et vibrant, est admirable, tout comme les argentiques, qui n’ont ici que trop rarement portés aussi bien leur nom. Les changements de teintes (du doré au vert émeraude) sont éclatant et affirment eux aussi la beauté picturale du métrage.
Son
Film muet certes, mais pas film silencieux puisque l’édition propose pas moins de trois accompagnements musicaux. Une version orchestrale composée par Admir Shkurtaj aux ambiances lourdes et oppressantes, une version électronique, plus conceptuelle, imaginée par le polonais Wudec et enfin une proposition plus sobre et mélodieuse au piano interprétée par Stephen Horne. Dans les trois cas, la restitution est délicate et précise avec des DTS HD Master Audio 2.0 du meilleur effet.
Interactivité
Le film est accompagné en premier lieu par deux présentations distinctes enregistrées par Ada Ackerman, chercheuse au CNRS et qui apparemment semble particulièrement documentée et éclairée sur la figure du Golem. Dans la première partie elle retrace tout l’historique de cette créature mythologique, des premières apparitions dans les textes hébraïques et les réflexions philosophiques et religieuses qui l’accompagnent, les évolutions de sa représentation, la démocratisation durant la renaissance jusqu’aux échos plus moderne. Le second s’attarde plus volontiers sur le film en question, ses inspirations, la fascination pour le thème pour l’acteur / réalisateur Paul Wegener, les grands noms associés au film et ses particularités avec là encore quelques pistes sur des adaptations cinématographiques postérieurs. Deux interventions très intéressantes et accessibles malgré la grande masse d’informations délivrée.
La rencontre avec Michel Faucheux, historien des idées (?), semble bien moins accessible avec une grande et longue réflexion sur les liens entre Le Golem et le « robot » dans son ensemble à grand renforts de citations de philosophes et de chercheurs.
L’édition propose aussi un comparatif entre la copie allemande longtemps utilisée pour diffuser le film et le négatif international privilégié dans les dernières restaurations.
Liste des bonus
« Les Légendes du Golem » par Ada Ackerman, chercheuse au CNRS et commissaire d’expositions (21’), « Le Golem au cinéma » par Ada Ackerman (28’), « Du Golem à l’Homme-Machine » par Michel Faucheux, historien des idées (37’), Vidéo comparative entre le négatif allemand et le négatif dédié à l’export (22’).