LE FRANC-TIREUR
France – 1972
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame, Guerre
Réalisateur : Jean-Max Causse, Roger Taverne
Acteurs : Philippe Léotard, Estella Blain, Roger Lumont, Roger Riffard, Robert Dadiès, Maurice Travail…
Musique : Pierre Fanen, Bob Mathieu
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Durée : 77 minutes
Éditeur : Extralucid Films
Date de sortie : 4 septembre 2024
LE PITCH
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le fils d’un collaborateur de Grenoble monte chez sa grand-mère sur le plateau du Vercors attendre que la guerre se termine sans lui. Le 21 juillet 1944, les troupes allemandes investissent le plateau. Forcé de s’enfuir, il rejoint un petit groupe de résistants et de civils et va devoir lutter pour survivre pendant trois jours et trois nuits.
Oubliés de l’histoire
Tourné en 1972 mais diffusé dans les salles françaises que trente ans plus tard alors que son interprète principal, Philippe Léotard, venait de nous quitter, Le Franc-tireur a véritablement connu un destin hors des sentiers battus. Pas si étonnant pour un film qui traite d’une troupe de maquisard planquée dans le Vercors à la manière d’un grand western classique.
Les deux réalisateurs étaient d’ailleurs de véritables cinéphiles, animateurs du ciné-dub de l’École supérieure de commerce de Clermont-Ferrand, et si Roger Taverne a par la suite suivi un chemin tout autre (celui de l’industrie pétrolière, beurk), Jean-Max Causse est devenu une figure bien connue du cinéma français pour sa carrière d’exploitant et de directeur du circuit de cinéma Action, spécialisé justement dans les classiques américains. Ici les ombres de John Ford (la constitution d’une troupe masculine hétéroclite) et d’Anthony Mann (l’intégration des personnages et de l’action dans le paysage rocheux à la manière de L’Appât) planent constamment sur cette aventure humaine presque minimaliste qui s’attache à décrire les trois jours de fuite et de traque d’une petite bande de maquisards poursuivis par les troupes allemandes dans les hauteurs du Vercors durant les derniers mois de l’occupation. Une bande qui n’a rien des grands héros habituels décrits dans les films sur la résistance, mais plutôt d’un groupe hétéroclite d’hommes relativement modestes, certains là par pur héroïsme et convictions, d’autres par peur, par opportunisme ou par hasard comme Michel Perrat, fils de collaborateur ayant lui-même manifestement louvoyé durant ces dernières années et qui avait espéré trouver chez sa grand-mère un ilot de paix en attendant la libération. Un personnage cruellement pragmatique, anti-héros de nature mais aussi homme d’action, se montrant habile carabine à la main, mais aussi fier séducteur comme un cowboy… ou un hors la loi.
Les solitaires
Un portrait particulièrement bien interprété par le jeune mais déjà intense Philippe Léotard (pas encore abimé), et qui creuse cette volonté certaine de réalisme du métrage, voulant se détacher de l’imagerie officielle et idéalisée et qui valut justement de nombreux soucis au métrage. Déjà marqué par des soucis de financement malgré les efforts du producteur Francis Leroi (surtout spécialisé dans le X) qui obligea à raccourcir le final prévu vers une sortie plus ouverte et laconique, Le Franc-tireur ne pu être distribué de manière classique en salles à la suite de la faillite de la production. Mais même ces différentes tentatives de présentation en festival furent refroidies par les interventions d’associations de résistants et pour une optique politique que certains qualifiaient de trop anti-gaulliste. Il faut dire que Le Franc-tireur ne cache pas qu’effectivement ces escouades disparates, jugées ingérables à Londres, furent effectivement abandonnées par les alliées. Une censure injuste qui empêcha au film de connaitre sa véritable carrière et surtout d’obtenir la reconnaissance à laquelle il aurait pu prétendre. Celle d’un film effectivement marqué par d’authentique faiblesses souvent dues à son très faible budget et son tournage éclair (les Allemands à l’accent bien français, la musique trop bucolique, les interprétations très aléatoires…), mais aussi d’un western à la française retrouvant la rigueur et l’efficacité sans une once de gras des séries B d’autrefois.
Surtout, Le Franc-tireur séduit par cette superbe utilisation des paysages montagneux et naturels dans lesquels les hommes viennent se perdrent, y cherchant des cachettes temporaires, des respirations, une certaine liberté, des lieux pour se découvrir, se révéler, mais aussi parfois mourir froidement. Quelle aurait pu être la carrière de cinéaste de Jean-Max Causse ? On ne le saura malheureusement jamais.
Image
Malgré ses années de placard, Le Franc-tireur a eu les honneurs d’une superbe restauration à partir d’un scan manifeste des négatifs en 2K ou 4K. Le transfert lui redonne une belle intensité, une image immuablement propre et des couleurs fermes et impeccablement contrastées. Les paysages sont splendides, puissants et creusés, et le grain de pellicule et les reflets argentiques sont particulièrement élégants. Seuls deux passages marquent le pas. En l’occurrence deux longs fondus enchainés, où les éléments n’ont sans doute pas pu être séparés et retravaillés, qui sont marqués par une colorimétrie terne et des masses floconneuses.
Son
Sobre et sans fioriture, le DTS HD Master Audio 2.0 de la version française délivre parfaitement les dialogues, toujours clairs et équilibrés, et se montre même légèrement plus dynamique dans les scènes d’escarmouches. Propre et sans perdition.
Interactivité
Après des années de purgatoires, Le Franc-tireur s’offre enfin une sortie Home Cinema avec un combo avec fourreau cartonné présenté au format boitier DVD. A l’intérieur, on trouve un petit livret qui en plus de quelques notes de production et une revue de presse très complète offre en quelques dessins d’apercevoir la fin plus « western » imaginée au départ.
Sur le disque, Extralucid Films propose une exploration du film signée Fabrice Grenard par le biais historique et par sa représentation, plus ou moins polémique, des maquisards. Un propos intéressant qui complète celui du réalisateur Jean-Max Causse plutôt tourné, cela va de soi, vers ses souvenirs du tournage, sa découverte de Philippe Léotard (suggérée par le copain François Truffaut), sa collaboration avec Roger Taverne avec quelques anecdotes liées au tout petit budget et bien entendu la première sortie en salle avortée. Ce dernier offre aussi ici son court métrage Cinéma (précédé d’une petite présentation), tourné en images fixes façon Chris Marker où il délivre quelques souvenirs personnels sur ses amitiés avec Truffaut ou Chabrol.
Liste des bonus
Un livret (32 pages), « Un western français » par Jean-Max Causse (12’), « Le Maquis déconstruit » par Fabrice Grenard (18’), « Cinéma » un film hommage par Jean-Max Causse (3’), Court métrage : « Cinéma » (2019, 9’), Bande-annonce.