LE DRAPEAU NOIR FLOTTE SUR LA MARMITTE
France – 1971
Support : Bluray
Genre : Comédie
Réalisateur : Michel Audiard
Acteurs : Jean Gabin, Jacques Marin, Claude Piéplu, Eric Damain, André Pousse, Jean Carmet, Raymond Meunier, Micheline Luccioni, …
Musique : George Brassens
Durée : 81 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Éditeur : Coin de Mire
Date de sortie : 12 juin 2023
LE PITCH
Après son départ à la retraite, Alexandre Volabruque, chef du triage ferroviaire de Villeneuve Saint-Georges en banlieue parisienne, espère devenir marin pêcheur en Normandie. Au cours d’une soirée arrosée, il demande à Antoine Simonet, l’un de ses employés et maquettiste de renom, de lui construire un bateau …
à l’insu de son plein gré
Pour son cinquième essai derrière la caméra, Michel Audiard se paie (enfin) les services de Jean Gabin auquel il offre le rôle haut en couleurs de Victor Ploubaz, marin d’eau douce, doux rêveur et indécrottable bonimenteur. Et le taulier du cinéma à papa de se fendre comme il se doit d’une prestation tonitruante dont il a le secret. Mais ce n’est pas là le seul attrait du Drapeau noir flotte sur la marmite, œuvre mineure et oubliée mais parfaitement attachante.
De son propre aveu, Michel Audiard ne possédait ni le talent, ni le savoir-faire pour porter la casquette de cinéaste. Il mit d’ailleurs fin à cette aventure en 1974 avec Bons baisers … à lundi, son neuvième long-métrage, revenant sans le moindre regret à sa vocation première de dialoguiste et de scénariste. Faut t-il en conclure que la parenthèse entamée en 1968 avec Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ? ne soit qu’anecdotique ? Un accident ou – pire – un pêché d’orgueil et une forfaiture ? Instinctivement doué pour l’écriture, Michel Audiard ne possède effectivement pas le même talent pour la mise en scène. Bien qu’ayant retenu certaines leçons auprès d’André Hunebelle, de Gilles Grangier, de Denys De La Patellière ou de Georges Lautner, Audiard réalisateur ne prend guère de risques, que ce soit en limitant le nombre d’acteurs dans le cadre autant que possible ou en se réfugiant derrière ses bons mots et un style plutôt statique qui évoque autant la vignette de bande-dessinée que la pièce de théâtre. La forme est donc assez pauvre, voire laborieuse, mais la verve légendaire de l’auteur en souffre assez peu, même lorsqu’il se laisse aller à l’auto parodie en charentaises. L’envie de bien faire (mais sans se fouler et sans trop en faire), de faire plaisir et de se faire plaisir prédomine … et au Diable tout le reste !
Délaissant un temps l’univers comico-noir des gangsters, des voyous, des arnaqueurs, des truands et des gagne-petit, Le drapeau noir flotte sur la marmite est en revanche un cas un peu à part dans la filmographie du bonhomme.
Le vieil homme et la mer
Adaptant un roman de René Fallet, Le drapeau noir flotte sur la marmite (le titre reprend une expression employé par Jean Gabin pour désigner le caractère alimentaire de certains de ses rôles d’après-Guerre) mêle tendresse et comédie. On y suit les pérégrinations d’un mythomane se faisant passer pour une légende de la marine lorsqu’il est convoqué par une bande de cheminots pied nickelés pour les guider dans la construction d’un voilier. Le ton se rapproche d’un Singe en hiver et d’Archimède le clochard, filiation évidemment renforcée par la présence en haut de l’affiche de Jean Gabin, vieux complice d’Audiard dont il s’agira pourtant de l’unique interprétation devant sa caméra.
Sans génie et un peu plombé par une conclusion abrupte qui, osons la métaphore, s’effiloche en queue de poisson, le film n’en reste pas moins largement recommandable. Surtout lorsqu’il se concentre sur la relation entre Gabin et le gamin de dix ans interprété par Eric Damain, découvert en 1969 dans la mini-série Jacquou le croquant, les rêves du premier nourrissant l’imagination du second, biberonné à « L’île au trésor » de R.L. Stevenson. Il se dégage aussi des nombreuses scènes se déroulant autour du chantier ferroviaire de Villeneuve Saint-Georges, un amour rare et pittoresque pour les hommes du rail que Audiard dépeint volontiers et avec justesse comme une petite communauté soudée. Ultime motif de satisfaction, l’hilarante remontée de la Seine par Gabin et l’excellent Jacques Marin, grand moment de comédie alternant vacheries bien senties et maladresses à la Jacques Tati.
Échec retentissant en salles, Le Drapeau noir flotte sur la marmite fait aujourd’hui figure de relique (à chérir et à conserver) d’un cinéma populaire français disparu, lorsque les prolos et les grandes gueules avaient encore le droit d’être des héros. Nostalgie, quand tu nous tiens.
Image
Longtemps enfermé dans les tiroirs de la Paramount et de sa filiale de distribution CIC et visible sur YouTube dans une copie atroce repiquée d’une VHS et en noir et blanc, le film de Michel Audiard est ressuscitée par une restauration 4K de tout premier ordre à la définition et aux couleurs ravivées. Les scènes nocturnes accusent un excès de grain et un piqué en retrait mais il ne s’agit là que d’une poignée de plans qui n’entachent en rien une admirable remise en forme.
Son
Un mono propre et sans bavures avec des dialogues claires, des effets sonores sans saturation et une musique (signé George Brassens) qui sait s’imposer lorsqu’il le faut.
Interactivité
On aurait sans doute vu le titre dans la collection Nos années 70 de Studiocanal mais il a tout à fait sa place dans le catalogue cinéphile et inestimable de l’éditeur Coin de Mire. Pas de coffret prestige toutefois mais une édition simple avec fourreau qui offre le programme habituel avec la désormais incontournable option « séance complète » avec informations et réclames d’époque. Viennent s’ajouter à l’interactivité une intervention très argumentée de Julien Comelli d’une vingtaine de minutes où le critique suisse revient sur la carrière de cinéaste de Michel Audiard et l’opposition entre la Nouvelle Vague (qui en prend pour son grade) et le cinéma populaire de l’époque. Un reportage d’époque sur le tournage complète le tout dans la bonne humeur, surtout lors des échanges entre Audiard et Gabin.
Liste des bonus
Journal d’actualité d’époque en HH, Réclames publicitaires d’époque, Bandes-annonces d’époque, Bandes-annonces de la collection, Présentation du film par Julien Comelli (25′), Interviews sur le tournage de Michel Audiard, de Jean Gabin et de René Fallet.