LE DÉSERTEUR DE FORT ALAMO
The Man From The Alamo – États-Unis – 1953
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Budd Boetticher
Acteurs : Glenn Ford, Julie Adams, Chill Wills, Victor Jory, Hugh O’Brian, Jeanne Cooper, …
Musique : Frank Skinner
Durée : 79 minutes
Image : 1.37 16/9ème
Son : Français & Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Distributeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 25 mai 2023
LE PITCH
1836, à la bataille de Fort Alamo. John Stroud est tiré au sort par des camarades pour aller mettre à l’abri les familles des combattants. Mais il arrive trop tard et tout le monde le prend bientôt pour un déserteur, …
Par le siège
Avant la Columbia et sa collaboration passionnante avec Randolph Scott, le réalisateur Budd Boetticher enchaînait déjà les westerns de série B pour les studios Universal. Moins réussi que Le traître du Texas ou À feu et à sang qu’il tourne à la volée en 1952, Le déserteur de Fort Alamo peine à susciter l’enthousiasme malgré un point de départ original et une poignée de morceaux de bravoure, la faute à un personnage principal franchement antipathique campé par un Glenn Ford qui ne semble pas à sa place.
L’intrigue du Déserteur de Fort Alamo trouve sa source dans un fait historique marquant : le siège de Fort Alamo au Texas où 180 soldats et miliciens menés par William Travis, Jim Bowie et Davy Crockett opposèrent jusqu’à leur dernier souffle une résistance farouche aux 3000 hommes du général mexicain Antonio Lopez de Santa Anna. En dépit de moyens limités et d’une figuration réduite, Budd Boetticher illustre d’ailleurs avec panache une brève portion de cet épisode célèbre de l’histoire des États-Unis. Se montre t-il fidèle à la réalité ? Pas vraiment mais l’intérêt est ailleurs. Le contexte de cette bataille, à savoir la révolution texane, est le terrain propice à une dramaturgie où s’opposent les mexicains et les texans, les traîtres et les partisans, les héros et les lâches.
Au beau milieu du fracas des armes et des canonnades incessantes de l’armée de Santa Anna, Boetticher resserre habilement et progressivement l’étau autour d’un seul homme, un anonyme, un fermier et un milicien du Texas parmi des dizaines d’autres : John Stroud. Comme bon nombre de ses camarades, Stroud a une famille, une femme et un enfant, et il s’inquiète de leur sort sitôt que Fort Alamo tombera. Le hasard veut alors que Stroud soit désigné pour une mission capitale : prévenir les familles des environs et les éloigner des troupes mexicaines et des zones de combat. Une mission de sauvetage étrangement secrète, décidée par cinq ou six hommes sans consulter le commandement, et qui force John Stroud à tourner les talons et à quitter le fort sous le regard méprisant de combattants assurés de ne jamais revoir le jour se lever et d’un messager de Sam Houston, le gouverneur du Texas. Pourquoi ? Parce que le scénario l’exige, manifestement. Il aurait suffi de quelques lignes de dialogues, de trente petites secondes d’interactions à l’écran, pour que le personnage principal n’ait pas à porter la croix d’être considéré par tous comme un misérable lâche.
Un héros très discret
Le scénario de Steve Fisher et D.D. Beauchamp repose ainsi sur une série d’incohérences majeures. Si l’idée de voir un héros accusé à tort d’être un lâche et un déserteur apporte une dynamique inédite au thème de l’injustice (comment s’impose la notion même d’héroïsme face à la calomnie ?), encore faut-il que la situation soit crédible, que ses bases soient solides et que le protagoniste que le public espère voir triompher soit attachant, sympathique et que l’on puisse s’y identifier. Le déserteur de Fort Alamo ne coche aucune de ces cases. Le sacrifice de Fort Alamo nous est expliqué très tôt dans le film par la nécessité de ralentir la progression de Santa Anna pour mettre sur pied une contre-offensive et évacuer les civils de la ligne de front. De plus, un dialogue entre Travis et l’envoyé de Houston insiste sur le fait que la présence d’un homme de plus ou de moins au fort ne changera rien à l’issue de la bataille. Avec toutes ces informations à l’esprit, le silence de John Stroud sur sa mission n’en est que plus incompréhensible, voire totalement illogique. Une mission qui se révèle être un échec puisque la famille de Stroud finit bel et bien massacrée. Non pas par l’armée mexicaine mais par des traîtres texans sympathisants de Santa Anna et profitant du chaos ambiant. Une belle idée, là aussi, mais un peu gâchée par le bad guy sans la moindre envergure ni personnalité campé par un Victor Jory qui n’a pas grand chose à jouer si ce n’est serrer les dents et prendre un air sadique. Et entre la marque du déshonneur, la solitude et la quête de vengeance, que fait John Stroud ? Rien, ou si peu. Il ne se justifie jamais, ne tente jamais de raisonner. Il encaisse et aggrave systématiquement son cas, comme lorsqu’il accepte de rejoindre ses ennemis pour espérer se rapprocher et abattre le meurtrier de sa famille … alors qu’il serait arrivé au même résultat en rejoignant le convoi de civils en fuite. L’envie de lui coller une baffe prend vite le dessus sur l’empathie attendu.
Dans la peau de ce pauvre John Stroud, Glenn Ford a tout d’une erreur de casting. L’acteur de Gilda et de La Peine du talion a simplement l’air de passer un mauvais moment et affiche un air constipé du début à la fin. Certes, il s’illustre joliment lors du climax en multipliant les cascades périlleuses mais c’est à peu près tout ce que l’on peut retenir d’une prestation sans saveur, éteinte. Rock Hudson, Gary Cooper ou même Tony Curtis auraient été des choix plus avisés pour ce rôle compliqué.
Pour se consoler et passer le temps, il ne reste donc que le joli minois et la fraîcheur de la fabuleuse Julie Adams ainsi que le savoir-faire épatant et la concision de Budd Boetticher, maître du cadre et du découpage.
Image
Le passage à la haute-définition ne se fait pas sans heurt pour un master visiblement fatigué et issu de différentes sources. Certains plans affichent un piqué tout à fait satisfaisant mais d’autres, beaucoup d’autres, souffrent de contours flous, d’instabilité et d’une chroma au bout du rouleau. Un petit coup de jeune n’aurait pas été du luxe, histoire de profiter comme il se doit du Technicolor d’époque.
Son
Un mono propre, efficace, qui fait le job. La version française est un cran au-dessus du mixage original avec une musique davantage mise en valeur, parfois au détriment des ambiances ou des dialogues.
Interactivité
Piliers de la collection Western de Sidonis Calysta, Patrick Brion, Jean-François Giré et le regretté Bertrand Tavernier reviennent chacun leur tour sur le film de Budd Boetticher, chacun insistant à sa façon sur le souvenir parfois déroutant que le cinéaste entretenait de son propre film, sur sa peinture parfois fantaisiste ou elliptique du siège de Fort Alamo et sur un personnage principal à l’attitude très inhabituelle. Ce trio d’analyses est complété par un portrait très subjectif du cinéaste par Bertrand Tavernier, ce dernier évoquant un entretien transcontinental avec Boetticher, alors emprisonné au Mexique en raison de ses dettes.
Liste des bonus
Présentation de Jean-François Giré / Présentation de Bertrand Tavernier / Présentation de Patrick Brion / Portrait de Budd Boetticher par Bertrand Tavernier / Bande-annonce.