LE DERNIER EMPEREUR
The Last Emperor – Italie, Royaume Uni, France, République populaire de Chine – 1987
Support : UHD 4K et Bluray
Genre : Drame historique biographique
Réalisateur : Bernardo Bertolucci
Acteurs : John Lone, Joan Chen, Peter O’Toole, Ruocheng Ying, Cary-Hiroyuki Tagawa, Victor Wong, Dennis Dun…
Musique : Cong Su, Ryuichi Sakamoto, David Byrne
Durée : 163 minutes
Image : Vittorio Storaro
Son : DTS HD Master Audio 5.1 Anglais et Français
Sous-titres : Français
Éditeur : Metropolitan
Date de sortie : 3 octobre 2023
LE PITCH
Pékin, 1908, Puyi, un enfant de trois ans devient Empereur de Chine et vit dès lors dans la Cité interdite. Obligé d’abdiquer pendant la révolution de 1911, il reste cependant dans la Cité où tous continuent à le traiter en dieu vivant. En 1950, il est chassé de Pékin, puis jeté en prison. En 1959, il est libéré et retourne vivre dans la Cité.
La tragédie d’un déraciné
Avec Le Dernier Empereur, Bertolucci livre une très belle et magnifique fresque historique sur la destinée de Puyi. Et effectivement, quel destin que celui de Puyi, dernier empereur de Chine.
Ce film est une œuvre magistrale qui recoupe incroyablement bien le destin d’un homme et celui d’un pays. À la croisée de ces deux chemins, un état qui bascule en même temps que celui de son (dernier) empereur : on passe d’un empire à une dictature communiste. Entre temps, il y a la seconde guerre mondiale (qui a commencé plus tôt et finit plus tard pour les Japonais et les Chinois, ne l’oublions pas) et l’annexion de la Chine par le Japon. La petite histoire et la grande histoire ne font donc qu’un dans cette fresque grandiose. Mais, le film traite bien de Puyi sur toute sa vie : de son sacre alors qu’il n’a que trois ans jusqu’à ses derniers jours. Et l’on voit un destin hors du commun : empereur à trois ans donc, complètement vénéré et respecté à un point incroyable. Empereur délaissé et oublié ensuite, enfermé dans la fameuse Cité interdite. Puis l’empereur est un monarque fantoche aux mains des Japonais. Puyi n’y aura de cesse de reconquérir son titre et son rang.
En vain. Et même pire, une véritable descente aux enfers va suivre après sa troisième et dernière abdication. Accusé de traîtrise, de collusion avec l’ennemi japonais, l’empereur est arrêté, jugé, détenu dans un camp soviétique puis chinois de rééducation avant de ne devenir qu’un simple mortel parmi la population chinoise. Cet homme aura tout vu, tout vécu.
L’homme et la civilisation
La grandeur et la misère, la décadence, l’espoir et le désespoir, la joie et la tristesse… à sa mort en 1967, c’est une lignée de plusieurs milliers d’années qui s’éteint dans l’indifférence générale alors que la Chine connaît ses pires moments de dictature. Et le spectateur en ressort totalement bouleversé. Bernardo Bertolucci retrace ce fait historique et très bien documenté de façon très émouvante. Son œuvre démontre parfaitement bien cette existence pénible pour le petit empereur, manipulé par les dignitaires de la Cité interdite. En alternance, Bertolucci relate les évènements extérieurs, les tractations entre la Chine et le Japon dominateur. Par cette réalisation, on perçoit fort bien le décalage de plus en plus grand entre un empereur « prisonnier » et l’évolution de plus en plus rapide du monde extérieur. La dernière partie nous montre un Puyi pitoyable, désemparé et abusé, regrettant sa vie, les dégâts qu’il aura causés autour de lui, notamment à son épouse l’impératrice, par ignorance. À la fin de sa vie, le vieillard revient anonymement visiter la Cité interdite et s’assoira une dernière fois sur le trône. Peu de temps après, il disparaîtra pour toujours. Cette scène est splendide et émouvante, et pourtant, le cinéaste nous l’offre avec beaucoup de retenue et de pudeur.
Au cœur de la cité interdite
En décrivant avec précision et lyrisme le climat et les rites parfois intrigants qui rythmaient la vie de la Cité interdite, Bernardo Bertolucci nous offre un chef-d’œuvre qui n’est pas seulement une épopée à grande mise en scène, il nous livre un véritable morceau d’histoire et de civilisation ainsi que son plus grand succès commercial, mais également l’une des plus belles réussites du Septième Art, lui permettant aussi de s’épanouir dans toute sa grandeur visuelle. Puis, il faut saluer le fait si rare pour une superproduction de s’intéresser à l’histoire de la Chine au XXe siècle, et ce qui plus est sur près de soixante ans. L’occasion d’une fresque souvent impressionnante et ne manquant pas de puissance, que ce soit par la richesse d’un scénario manifestement très documenté (j’insiste sur ce fait) qu’un style formel plein de maîtrise, voire d’une certaine grandeur, à l’image de la superbe et somptueuse photographie signée Vittorio Storaro. Les jeux de lumières sont superbes.
Beaucoup de lyrisme dans la mise en scène, Bernardo Bertolucci n’a vraiment rien à envier à David Lean. Il réussit, avec un travail titanesque, le plus grand projet de tous les temps à l’époque (plus de 10 000 figurants à gérer). À la fois fastueuse et sobre, la réalisation est diablement efficace et donne un incroyable souffle épique à ce chef-d’œuvre. La direction d’acteur est parfaite avec des interprétations irréprochables de chaque acteur habité ou investi comme jamais dans son rôle, un rythme lent mais qui permet de comprendre les enjeux de pouvoir colossaux du film et de saisir tous les personnages extrêmement bien écrits, tout comme les dialogues qui sont plutôt justes et restent dans la veine d’une certaine époque, les costumes comme le montage et les maquillages sont juste excellents… et que dire des paysages, des lieux mythiques ou de la musique qui est vraiment exceptionnelle, sans aucun doute l’une des meilleures B.O. de tous les temps.
Bertolucci qui avait mis en place ce projet hors-norme durant les années 80, nous offre un chef-d’œuvre incomparable et grandiose.
Image
La version cinéma a bénéficié d’une magnifique restauration en 4K, les couleurs n’ont jamais été aussi belles et chatoyantes, le master est propre et nickel, les nombreuses saletés présentes sur la précédente édition bluray ont bien toutes disparues, autant dire que c’est un véritable travail d’orfèvre qui nous est proposé ici. La palette de couleurs très chaude n’a jamais été aussi belle, c’est un véritable bonheur visuel. Le sublime travail à la photographie de Vittorio Storaro est enfin récompensé. Cette somptueuse restauration tient de la redécouverte, et nous propose donc une superbe expérience cinématographique.
Son
Les pistes audio dégagent une véritable ampleur immersive, que ce soit sur la B.O. ou lors des scènes de rites. Avec quand même un léger plus pour la VF, un poil plus puissante.
Interactivité
Sur la première galette Bluray, nous avons droit à une présentation du film par Nicolas Rioult, très ludique. Un long documentaire datant de 1986 d’une heure où le journaliste Pierre Edelman, avec sa caméra, nous offre des images du tournage. Ensuite, une émission radiophonique de 50mn, Microfilms, avec une interview de Pierre Edelman par Serge Daney. Et bien sûr, la bande-annonce du film restaurée en 4K.
Sur la seconde galette, c’est la cerise sur le gâteau puisque l’éditeur nous propose la version longue TV qui était restée inédite jusqu’à ce jour remasterisée en 2K qui dure environ une heure de plus. Si cette version ne bouleverse en rien l’ordre chronologique de l’histoire, elle nous montre un Pu Yi plus lucide en ce qui concerne les complots qui l’entourent. La copie ne tient malheureusement pas la comparaison avec celle de la version cinéma. Les couleurs sont plus fades, mais sinon, l’ensemble reste assez propre.
Mais ce n’est pas tout, puisque nous avons aussi droit à un livret assez exhaustif de 63 pages rédigé par Nicolas Rioult.
Liste des bonus
Présentation du film par Nicolas Rioult, Documentaire (62mn), Émission radiophonique (1987, 50mn), Bande-annonce restaurée 4K, Version longue TV (218mn), Livret rédigé par Nicolas Rioult (63 pages).