LE DÉPORTÉ

Deported – États-Unis – 1950
Support : Bluray & DVD
Genre : Film Noir, Policier
Réalisateur : Robert Siodmak
Acteurs : Jeff Chandler, Märta Torén, Claude Dauphin, Marina Berti, Richard Rober, Silvio Minciotti…
Musique : Walter Scharf
Image : 1.37 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 mono Anglais
Sous-titres : Français, Anglais
Durée : 89 minutes
Éditeur : Éléphant Films
Date de sortie : 25 mars 2025
LE PITCH
Après cinq ans passés derrière les barreaux à New York, Vic Smith, gangster d’origine italienne, est expulsé vers son pays natal. Accueilli sans chaleur en Toscane, il s’installe dans son village près de Sienne, sous l’œil méfiant de l’ambassade américaine, de la police locale et de ses anciens complices. Il jure avoir tourné la page. Mais dans l’ombre, tous murmurent qu’il n’est là que pour une chose : remettre la main sur les 100 000 dollars qu’il aurait cachés avant son arrestation.
Noir sous le soleil d’Italie
Quand un maître du film noir hollywoodien s’aventure dans les rues ensoleillées de Naples, le résultat est aussi déconcertant que captivant. En 1950, Robert Siodmak, pilier du noir américain, délaisse les studios californiens pour tourner Le Déporté en Italie. Un film étrange, hybride, où les ombres de la trahison et de la cupidité se découpent sur les murs lézardés d’un pays exsangue.
Robert Siodmak s’est imposé dans les années 1940 comme l’un des grands architectes du film noir. À Hollywood, il forge une esthétique immédiatement reconnaissable : clair-obscur hérité de l’expressionnisme, silhouettes découpées par la lumière, hommes traqués, femmes fatales et fatalité omniprésente. Des Tueurs à Pour toi j’ai tué, en passant par Les Mains qui tuent, il donne forme à un monde où les héros sont piégés par leur propre morale et leur passé. Avec Le Déporté, tourné presque entièrement en extérieurs en Italie, Siodmak déjoue ces repères. L’action se déroule dans une Naples d’après-guerre, entre ruelles en ruines, pauvreté endémique et marché noir. L’atmosphère du film noir subsiste — trahisons, duplicité morale, violence latente — mais elle se mêle ici à une veine presque documentaire. La caméra capte les visages marqués, les enfants errants, les trafiquants de bas étage… Ce réalisme méditerranéen donne un relief inédit aux enjeux du film.
On ne chasse pas les ombres
Le récit bascule lorsqu’une comtesse italienne (Märta Torén) réveille en Vic, gangster mutique et endurci, une part d’humanité. Autour d’eux gravite une galerie de personnages ambivalents, tous prêts à trahir pour une poignée de lires. La séquence finale, tendue et brillante, déploie dans un entrepôt labyrinthique l’un des grands morceaux de mise en scène de Siodmak. Quant à Jeff Chandler, il incarne avec justesse un héros figé, à la fois coupable et fissuré, tandis que Marina Berti campe une Gina tout droit sortie du manuel de la femme fatale. Mention spéciale à Claude Dauphin, étonnant en policier philosophe, intuitif et presque burlesque, comme égaré dans ce monde désenchanté.
Il est tentant de réduire Le Déporté à une production opportuniste — une manière pour le producteur de rapatrier de l’argent bloqué en Italie, et pour Siodmak d’occuper une commande mineure. Mais le film, bancal sur le papier, trouve paradoxalement sa singularité dans cette marge. Il annonce une transition pour son auteur, bientôt de retour en Europe. Loin d’un simple écart, Le Déporté s’impose comme un jalon révélateur : modeste, hybride, mais profondément cohérent avec la vision de Siodmak — celle d’un monde où les âmes sont toujours prisonnières, qu’elles soient filmées en studio ou en plein jour.
Avec Le Déporté, Siodmak mêle film noir et néoréalisme dans une œuvre hybride surprenante. En quittant les studios pour les rues italiennes, il déplace ses obsessions vers un décor plus brut, mais tout aussi chargé de tensions. Moins une rupture qu’un glissement, ce film de transition révèle un cinéaste capable d’adapter ses codes à un monde en reconstruction.
Image
La copie proposée sur ce bluray s’en sort avec les honneurs. Le noir et blanc est joliment restitué, avec des contrastes solides et un grain respecté, sans excès. L’image tient bien la route, malgré la présence régulière de petits défauts d’époque : points blancs, griffures et autres artefacts liés à l’usure du temps. Rien d’anormal pour une série B de ce calibre, et surtout rien qui ne vienne entacher sérieusement le confort de visionnage. L’ensemble reste stable, lisible, et fidèle à l’ambiance d’origine du film.
Son
Pas de version française ici, uniquement la version originale en anglais, présentée en DTS-HD Master Audio 2.0 mono. Le rendu est clair et stable, sans souffle excessif ni saturation. Les dialogues restent parfaitement audibles tout au long du film, avec une piste sonore modeste mais efficace, fidèle aux standards techniques de l’époque. Une restauration sobre mais suffisante pour garantir le confort d’écoute.
Interactivité
Le disque édité par Éléphant Films ne se distingue pas par la quantité des suppléments, mais il mise sur la qualité avec une précieuse présentation signée Jean-Pierre Dionnet. Dans une posture qui rappelle immédiatement les introductions de Cinéma de quartier — debout, droit comme un “I”, face caméra, devant un fond uni — l’infatigable passeur de cinéma déroule son érudition avec enthousiasme. Il y mêle contexte historique, anecdotes de production et digressions passionnées, comme à son habitude. Une vingtaine de minutes éclairantes, parfaites pour (re)découvrir Le Déporté sous un angle aussi personnel que documenté.
Liste des bonus
Le film par Jean-Pierre Dionnet (2025, Elephant Films, 19’31”), Bandes-annonces de la collection.