LE COUP DE L’ESCALIER
Odds Against Tomorrow – États-Unis – 1959
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Robert Wise
Acteurs : Harry Belafonte, Robert Ryan, Shelley Winters, Gloria Grahame, Ed Begley
Musique : John Lewis
Durée : 96 minutes
Image : 1:37 16/9
Son : Français et Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Rimini Éditions
Date de sortie : 20 septembre 2022
LE PITCH
Ancien flic condamné pour corruption, Dave Burke prépare le cambriolage d’une banque. En quête de complices, il fait appel à deux hommes de main, Slater, vétéran de la seconde guerre mondiale, blanc et raciste et Ingram, chanteur noir criblé de dettes. Le casse, pourtant bien planifié, tourne très vite au cauchemar, envenimé par la haine que Slater ressent pour son équipier.
Crime Stories
Chef d’œuvre du film noir, Le Coup de l’Escalier ressort enfin en haute définition dans une superbe édition. L’occasion rêvé de le redécouvrir ou (encore mieux) le découvrir et de constater que pour le meilleur et pour le pire que le film vise toujours très juste de nos jours quant aux rapports humains.
Adapté d’un roman éponyme de William P. McGivern, Le Coup de L’escalier sort en 1959 à une époque où le film noir a déjà connu son heure gloire et son apothéose, dix ans plus tôt, avec L’enfer est à Lui de Raoul Walsh, qui concluait un cycle de portraits de bandits romantiques et névrosés dans un final apocalyptique. Le roman d’origine se situe complètement dans cette lignée avec un duo de personnages qui se détestent (un blanc raciste et un noir), devant faire équipe pour monter un casse. La fin voyait les deux hommes passer outre leur haine initiale pour réussir leur coup et finalement devenir amis. Une histoire qui aurait pu donner un polar classique mais son producteur (et acteur) Harry Bellafonte et son réalisateur Robert Wise vont l’amener vers d’autres rives.
Effectivement la première version du scénario restait plutôt fidèle à la trame globale du roman mais le réalisateur propose une fin beaucoup plus nihiliste qui, au lieu de voir une réconciliation des deux hommes, dessine une fracture irrémédiable qui va mener à une tragédie. Une vision à laquelle Harry Belafonte, très impliqué dans les questions sociétales de l’époque, adhère pleinement et qui permettra au film de ne pas ressembler à La Chaîne, sortit l’année précédente avec Tony Curtis et Sydney Poitier. Une fois ce parti-pris posé, l’écriture du film va se modifier puisque plutôt que de tendre vers une transformation des personnages, le récit va se concentrer sur leurs névroses et sur une réflexion sur le temps qui passe. Ce qui fait du Coup de l’Escalier une passerelle entre deux œuvres célèbres de Robert Wise, Nous Avons Gagné ce Soir pour sa gestion du temps et West Side Story pour son traitement du racisme.
Noir c’est noir
Deux éléments qui sont retranscrits dès le générique d’ouverture avec le très beau thème de John Lewis dont les notes de piano font ressortir toute la mélancolie des personnages et les premiers plans qui nous montrent des rues complètement vides. Cette introduction est aussi une formidable façon de caractériser les deux antagonistes de l’histoire puisqu’elle nous les montre face aux mêmes personnages et situations. Slater derrière son sourire cache difficilement son agressivité (sa manière de parler à la petite fille noire) et son mépris (face au groom) alors que Ingram beaucoup plus amical montre déjà son caractère de flambeur, avec sa voiture de sport et l’argent qu’il donne aux enfants pour qu’ils la surveillent.
Tout le reste du film sera une exploration de ces deux personnalités que tout oppose et souvent dans des situations miroirs : leurs rapports avec les femmes de leurs vies, l’ex d’Ingram et mère de sa fille qu’il n’a pas su garder et qu’il aime encore, la compagne de Slater qui subvient à ses besoins et qui est la seule personne à qui il témoigne de l’amour et deux scènes de bar montreront leur côté autodestructeur et violent. Différents aspects qui se synthétiseront dans la longue séquence silencieuse et contemplative où les trois braqueurs passent le temps avant le rendez-vous fatidique et qui porte tout le drame à venir. Un drame (dont on gardera la surprise) d’une ironie cruelle mais à la symbolique implacable et qui hante les souvenirs bien après la vision du long-métrage.
Même après la sortit de son film, Robert Wise doutait de la pertinence d’avoir changé la fin du roman pour adopter une vision beaucoup plus nihiliste, sa ressortie de nos jours lui donne pourtant raison. Une fin optimiste aurait peut-être permis de finir le film sur un sourire de contentement mais il n’aurait sûrement pas traversé les époques comme il a fait, et gagner sa place parmi les chefs-d’œuvre du genre.
Image
Un transfert 2k de toute beauté qui ne souffre d’aucun défaut. La magnifique photographie est parfaitement retranscrite avec ses blancs et noirs tranchés qui s’opposent sans cesse et la définition très précise, qui donne un relief inédit à la ville et à ses structures, offre une seconde jeunesse au film.
Son
Là-aussi un excellent travail puisque les deux pistes, VO et VF, bénéficient d’un master audio HD DTS. Mise à part un son légèrement plus étouffé en VF, les deux pistes sont un régal pour les oreilles, les dialogues sont clairs, le mixage bien équilibré et la BO jazzy de John Lewis se fond parfaitement dans l’ensemble.
Interactivité
Jacques Demange, de la revue Positif, aborde le rapport au temps qu’entretient le film de Robert Wise et notamment dans la séquence contemplative qui précède le braquage final. Olivier Père, directeur de l’unité cinéma d’Arte France, revient, lui, sur la conception du film au travers d’un portrait (rapide) de Harry Belafonte, qui a porté le projet, et revient ensuite sur la filmographie de Robert Wise et l’influence qu’elle a pu avoir sur d’autres cinéastes (notamment Jean-Pierre Melville) et raconte la réception négative du film, à l’époque, dû à la fin extrêmement nihiliste du film.
Liste des bonus
La griffe Robert Wise (30’), Le temps selon Robert Wise (10’), livret de 28 pages.