LE CŒUR FOU
France – 1970
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Jean-Gabriel Albicocco
Acteurs : Michel Auclair, Ewa Swann, Madeleine Robinson, Brigitte Auber, Jean-Claude Michel, Maurice Garrel…
Musique : Jean-Pierre Bourtayre
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français et anglais.
Durée : 101 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 juin 2024
LE PITCH
Journaliste de profession, Serge travaille dans la presse à sensation. Rendant visite à Cécile, son ex-femme, actrice, en cure de repos dans un hôpital psychiatrique, dans le but d’obtenir d’elle une interview„ il fait la rencontre de Clo, une jeune et jolie pyromane. Tombé fou amoureux d’elle, Serge l’aide à s’enfuir. Mais peu à peu, le journaliste perd lui aussi la raison, tandis que les incendies se multiplient au long de leur cavale.
La folle échappée
Film ovni ou plutôt étoile filante qui ne passa que brièvement avant de disparaitre dans les flammes de la critique française, Le Cœur fou resta longtemps un objet de fantasme pour connaisseurs, fascinés par une sublime affiche, mais rarissime, un vieux 45 tours mal chanté par son interprète féminine et au début des années 2000 une brève diffusion sur Canal + encore et toujours due à notre cher Mr Dionnet. La résurrection du film en Bluray était alors aussi inattendue qu’inespérée.
Un curieux objet signé par Jean-Gabriel Albicocco, un réalisateur aujourd’hui oublié et qui pourtant connu de vrais succès dans les années 60 avec La Fille aux yeux d’or avec Marie La Forêt (qu’il épousera), Le Rat d’Amérique avec Charles Aznavour et Le Grand Meaulnes avec Brigitte Fossey. Trois adaptations de classiques de la littérature française (Balzac, Lanzmann et Fournier) où déjà pointait graduellement une propension assumée au maniérisme, à la poésie furieusement romantique et aux envolées oniriques. Une approche peu appréciée par une critique hexagonale qui ne jure alors que par cette Nouvelle vague française à laquelle Albicocco n’a jamais vraiment pu se conformer. Et le torchon va littéralement s’enflammer avec celle-ci lorsqu’en 1970 le jeune cinéaste (il n’a alors que 30 ans) propose sa première œuvre entièrement personnelle Le Cœur fou, récit de la fuite éperdue d’un couple improbable dans une France finalement bien normative malgré les remous de mai 68.
La vie brulée par les deux bouts
Lui est un paparazzi longtemps marié avec son sujet préféré (une actrice volage et vieillissante), elle une jeune pyromane rencontrée dans l’hôpital psychiatrique où la comédienne tentait de se remettre de sa dernière rupture. Serge vient de se rendre compte à quel point sa vie rangée (ex-femme et enfants l’attendent quelque part) et son métier sordide le révulse, alors qu’elle, petit oiseau fragile et perdu, explose constamment de joie, de passion, de rire, de pleur… d’une vie incandescente. Un incendie de plus et tous deux s’échappent sur les routes, provoquant le chaos et les flammes partout où ils passent, ne trouvant finalement un bonheur éphémère que sur une île cachée au milieu des bois où tels deux enfants amoureux ils rejouent les Robinson. Une grande et belle histoire de folie dans laquelle la gracile Ewa Swann (Bye bye, Barbara) transforme tout et tout le monde sur son passage, rendant son enthousiasme et sa jeunesse à un Michel Auclair (Symphonie pour un massacre, Chacal, 3 hommes à abattre…) emballé, et surtout donnant l’impulsion au réalisateur pour s’emporter totalement dans ses expérimentations visuelles. Flou artistique presque constant, objectif grand angle, plans séquences fiévreux et excessivement romantiques, contemplations lyriques… Ce monde ne vaut finalement que parce qu’il est vu à travers ses yeux à elle, cette folie destructrice aussi chaleureuse que touchante, cet éternel enchantement de petite fille, cet amour délicieusement naïf (et maladivement possessif), auquel Le Cœur fou donne parfois des emportements dignes d’un film de Zulawski et des tournoiements en avance sur les années psychédéliques à venir.
Film fragile mais intense et poétique, bouleversant de sincérité et nourri d’une saine démence libertaire, Le Cœur fou sera malheureusement un échec commercial total, anéantissant les espoirs de son auteur qui fera don de ses films à la Cinémathèque de Nice avant de s’envoler pour le Brésil où il s’éteindra bien des années plus tard, en 2001, dans l’indifférence générale. L’édition Bluray proposée désormais par le Chat qui fume et le culte que vouent certains à ce Cœur fou, résonnent comme une petite revanche bien méritée.
Image
Nouvelle trouvaille de Le Chat qui fume et nouvelle restauration maison appliquée et sérieuse pour cet éditeur toujours curieux. Scan des négatifs, nettoyage en règle et stabilisation de surcroit, les artisans de la restauration redonnent aux métrages de belles couleurs, particulièrement chaudes, parfois tirant vers le vert émeraude ou le rosé, et délivrent un piqué bien creusé et solide… Du moins autant que la photographie extrêmement diffuse parfois et les nombreux filtres vaporeux ou déformants le permettent. Le rendu du grain est ainsi forcément fluctuant, mais toujours assez épais, et rares sont les images s’approchant d’une véritable netteté totale, cela bien entendu en accord avec les volontés initiales.
Son
L’éditeur nous restitue ici un petit mono plutôt sobre, assez propre et plutôt clair. Quelques déséquilibres dans la captation initiale, une dynamique très frontale et de légers ronronnements peuvent parfois se faire entendre en arrière-plan mais rien de bien gênant.
Interactivité
Proposée avec boitier scanavo rehaussé d’un fourreau cartonné et d’un petit livret compilant des photos d’exploitation, l’édition du Cœur fou ne comporte en suppléments vidéos que les deux chansons mélancoliques d’Ewa Swann inspirées par le film et qui sortirent il y a bien longtemps en 45 tours. Une présentation, au moins, manque à l’appel.
Liste des bonus
Ewa Swann: Le Coeur fou, Ewa Swann : Pour quelques secondes, Bandes-annonces.