LE CID
El Cid – Etats-Unis, Espagne – 1961
Support : Bluray & DVD
Genre : Aventure
Réalisateur : Anthony Mann
Acteurs : Charlton Heston, Sophia Loren, Raf Vallone, Geneviève Page, John Fraser…
Musique : Miklos Rozsa
Durée : 182 minutes
Image : 2.35 16/2
Son : Anglais DTS HD Master Audio 5.1 et Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 16 février 2022
LE PITCH
XIè siècle, en Espagne. Le pays, ruiné et déchiré par des guerres fratricides entre les différentes provinces, est menacé par le redoutable émir Youssouf. Rodrigue Diaz, qui deviendra célèbre sous le nom du Cid, va appeler tous les espagnols à s’unir pour repousser l’envahisseur.
Les Seigneurs
Gigantesque fresque luxueuse et démonstrative comme, très bientôt, Hollywood n’en fera jamais plus, Le Cid est à la fois la plus belle démonstration de force de son producteur Samuel Bronston et la plus imposante quête héroïque signée par le très grand Anthony Mann. Entre Corneille et Ben-Hur, un spectacle toujours aussi fascinant.
En pleine ascension après le premier succès de sa super production biblique Le Roi des rois, Samuel Bronston poursuit sur sa lancé en s’intéressant désormais à un authentique héros espagnol : Rodrigue Diaz, alias Le Cid. Une figure symbolique, héroïque, mythique même, que Franco verrait bien comme une extension cinématographique de sa « grandeur » et un véhicule idéologique pour vendre son régime dans le reste du monde. Toute la branche propagande du dictateur va dès lors être entièrement dévoué à ce projet de film, donnant accès aux équipes de Bronson à une masse astronomique de figurants, de chevaux et autres accessoires indispensables à ce genre de spectacle, ainsi qu’aux superbes sites médiévaux de Peniscola et Belmonte. Bien entendu, il ne s’agit là que d’un cheval de Troie, Bronston dont une partie de la famille a péri dans les camps de concentration, ne gouttant que très peu aux valeurs fascistes du généralissime. Et le scénariste Philip Yordan (Johnny Guitare, L’Homme de la plaine… ) et le cinéaste Anthony Mann vont s’empresser de faire pencher cette figure assez ambivalente (la réalité lui donnerait plutôt des airs de mercenaire opportuniste), vers une figure iconique, à la morale immuable, au sens de l’honneur en acier, à l’honnêteté profonde et mue par un sens du sacrifice que le ferait presque pencher vers la figure Christique. Sa première apparition, amorcée par une épée sanglante puis un prolongement vertical avec un Christ au pied duquel pleure un moine dans un village réduit en cendre, inaugure le chemin de croix du personnage.
L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur et un devoir.
Face aux trahisons de la cours, à la guerre fratricide entre les deux descendants du roi, à l’humiliation de son père, son exil même, il restera immuablement fidèle au royaume d’Espagne et à ses compagnons d’arme quitte à sacrifier son histoire d’amour avec la belle Chimène. Qui de mieux pour incarner ce héros « bigger than life » que Charlton Heston, dont la prestance shakespearienne et le physique statufié crédibilise d’emblée ce personnage qui remportera sa plus belle victoire en traversant son dernier champ de bataille, mort et attaché à son cheval, tel une légende déjà immortelle. Il est l’homme auprès duquel les hommes se révèlent, retrouvent la bonne voie, et se montrent même capable de dépasser leurs différences, son ouverture d’esprit lui permettant de se prendre d’amitié pour d’ancien ennemis Maure et, au final, réussir à les allier avec le roi chrétien Alphonse. S’inspirant autant des véritables faits historiques, de la geste composée au XIIe siècle par Tomas Antonio Sanchez que, bien entendu, de la pièce de notre Pierre Corneille national, Le Cid aboutit à une vaste fresque cinématographique combinant de superbes séquences de batailles incroyablement épiques chorégraphiées par Yakima Canutt (célèbre pour la séquence de char de Ben-Hur puis de celle de La Chute de l’Empire Romain), un duel au sabre intensément dramatique dont Ridley Scott se souviendra pour le récent Le Dernier Duel, et une sublime romance aux accents tragiques, déchirants, incarnée par une sublime Sophia Loren, noble jusqu’au bout.
Un véritable souffle, une Grande Histoire où le cinéaste Anthony Mann continue de creuser sa figure du héros solitaire, prisonnier de son destin, souvent seul face au monde tout autant que d’exploiter son sens imparable de l’espace, du cadre et de la profondeur. Les tableaux travaillés sur plusieurs plans, sur plusieurs échelles et angles de caméra retrouvent autant la richesse picturale des grandes toiles médiévales que la pertinence d’un maître du 7ème art.
Image
Comme pour Les 55 Jours de Pékin et La Chute de l’Empire romain, Rimini reprend les seules copies HD existantes à ce jour et déjà exploitées en Bluray chez Opening puis Filmedia, mais dans sa version intégrale (avec ouverture, entracte et fermeture musicale). De la source originale 70mm, il ne reste qu’un transfert sans doute hérité d’un 35mm beaucoup moins généreux en information, et de toute façon assez affaibli par les années. Les spots et autres restes de griffures sont encore bien visibles, et le grain / bruit certainement trop envahissant est constamment tempéré par une utilisation assez lourde de logiciel qui abîme la définition générale. Les noirs ont tendance à faire apparaître quelques paquets disgracieux, les bords de l’image ne sont pas toujours stables… Forcément décevant au vu de la puissance du film et de ce que pourrait donner une restauration à la source, mais que l’on imagine en effet très coûteuse. En l’état reste donc un master tout à fait regardable, agréable même parfois, très généreux sur les couleurs, délivrant quelques plans parfaitement sculptés mais toujours en dessous des attentes.
Son
Bien dans son jus, sobre et direct, le doublage français d’origine offre toujours une certaine prestance appliquée, mais avec forcément une petite sensation écrasée et quelques sons carrément escamotés (voix de figurants, bruitages…) comme cela se faisait parfois. Plus ouvert, naturel et dynamique, le DTS HD Master Audio 5.1 de la version originale ne s’embarque pas dans des effets de spatialisation outrés, mais propose plutôt une légère rondeur assez efficace.
Interactivité
Prenant la suite des très beau Mediabook des 55 jours de Pékin et La Chute de l’Empire romain, Le Cid se pâme donc lui aussi dans un très bel objet avec le visuel sans doute le plus classieux des trois. A l’intérieur on retrouve le livret piqué dans la reliure, explorant une nouvelle fois toute la genèse du film, agrémenté de nombreuses anecdotes et de rares photos de tournage, ainsi que de jolis portraits d’acteurs aux rôles secondaires, mais mémorables, comme Frank Thring (grand habitué des méchants dans les péplums) et même une interview inédite de Gary Raymond, le Prince Sancho, apprécié aussi pour sa participation à Jason et les argonautes.
Disposés sur un DVD séparé, les bonus vidéo laissent la place à nouveau à Jean-François Rauger qui restitue parfaitement la stature du film, en souligne les innombrables qualités et s’efforce surtout de redonner au film sa place au sein de la carrière d’Anthony Mann. Des propos souvent en opposition avec ceux de Samuel Blumenfeld dans son propre segment (et c’est ça qui est intéressant) qui y voit beaucoup plus le résultat d’une production collective et surtout une résultante miraculeuse de différentes aspirations politiques. Belle surprise aussi de retrouver à nouveau le très joli court métrage en stop motion d’Emmanuel Gorgiard dans lequel des insectes se lancent dans une interprétation toute personnelle de l’œuvre de Corneille.
Liste des bonus
Livret de 100 pages, Le Cid figure Christique : Interview de Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque française (26′), Le Cid ou la figure de Franco : Interview de Samuel Blumenfeld (13′), Interview de Jacques Demange, critique à la revue Positif, Le Cid d’Emmanuel Gorgiard (25′).