LE CAVALIER DE LA MORT
Man In The Saddle – États-Unis – 1951
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : André De Toth
Acteurs : Randolph Scott, Joan Leslie, Ellen Drew, Alexander Knox, Richard Rober, John Russell, …
Musique : George Dunning
Durée : 86 minutes
Image : 1.33:1, 16/9ème
Son : Français & Anglais 2.0 Mono DTS-HD
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 7 avril 2023
LE PITCH
Riche propriétaire terrien, Will Isham épouse par intérêt Laurie Bidwell, laquelle fut un temps fiancée à Owen Merritt, un fermier discret mais apprécié de tous. Jaloux et possessif, Isham engage une équipe de brigands afin de malmener l’exploitation de Merritt et le pousser à une confrontation armée …
La vie, l’amour, les vaches
On se souvient surtout du réalisateur André De Toth pour L’Homme au masque de cire, mémorable film d’épouvante de 1953 avec un Vincent Price en très grande forme. Mais ce serait oublier ses nombreuses incursions dans le western, genre où il enchaîne les séries B d’une efficacité redoutable, notamment avec Randolph Scott en haut de l’affiche. Audaces formelles distillées avec parcimonie, soin maniaque accordée à la dynamique des relations entre les personnages, Le Cavalier de la mort compte parmi les plus belles réussites de cet artisan doué.
Quelles scènes, quels moments retenir du Cavalier de la mort qui puissent témoigner de l’empreinte laissée par André De Toth sur le western hollywoodien ? Présente sur bon nombre d’affiches d’époque et souvent citée par les cinéphiles les plus pointus, l’empoignade musclée et en pleine nature entre Randolph Scott et John Russell justifie en effet à elle seule le prix du billet. Tout en travaillant le cadre et le montage pour embrasser à la fois la beauté des extérieurs (montagne, neige, cascade et rivière) et la violence du mano à mano, De Toth pimente la scène d’un pur moment de suspense hitchcockien avec un fusil qu’il s’agit de dégager à temps des débris du toit d’une cabane venant de s’effondrer. Surprenant mariage entre le réalisme cru de l’action, la lisibilité et l’élégance de la mise en scène et la richesse de la narration où se dénouent plusieurs points de l’intrigue en simultané.
Du spectacle et des enjeux, il y en a aussi à revendre lors de l’attaque nocturne du convoi de bétail appartenant au personnage de Randolph Scott. Lequel doit sauter de sa monture sur un chariot en feu pour stopper la course effrénée d’une centaine de vaches en panique et sans perdre de vue ses assaillants qui viennent d’assassiner un de ses amis.
Impossible à oublier, enfin, la fusillade dans un saloon plongé dans l’obscurité. Alors que chaque coup de feu intensifie le chaos tout en procurant à l’écran la seule source de lumière, le cinéaste glisse à l’improviste un plan où Randolph Scott se tourne face à la caméra et tire …. en direction du public ! Un effet provocateur, insolent même, et pas loin de briser le quatrième mur dans un réflexe diablement immersif.
Le partage des richesses
Adapté d’une nouvelle d’Ernest Haycox, le scénario de Kenneth Gamet est sans doute un peu trop riche pour son propre bien avec une ouverture saturée d’informations et une fin abrupte qui coupe l’herbe sous le pied à l’émotion. Mais en tant que fable sur la cupidité et la violence qui s’exerce dans son sillage, Le Cavalier de la mort n’a pas pris une ride. De Toth réussit à conserver la clarté et la force de son propos en n’ayant de cesse de recentrer une intrigue plutôt touffue autour de ses deux antagonistes.
Alexander Knox apporte toute l’ambiguïté requise au personnage de Will Isham. Son immense fortune est à la fois la source de son pouvoir et de son insécurité. Refusant le partage sous quelque forme que ce soit, Isham est en fin de compte son pire ennemi. Il désigne comme rivaux des voisins pacifiques aux ambitions modestes, il engage des assassins et laisse s’installer les vendettas qui le mèneront à sa perte. Il fait voler en éclats la paix et la prospérité auxquelles il avait consacré toute son énergie. Pire encore, en réduisant son mariage à un simple contrat, il se prive de l’amour et de la confiance de son épouse, désireuse de s’élever dans la société mais raisonnable et fiable.
Raide comme la justice mais charismatique juste ce qu’il faut, Randolph Scott campe son exact opposé. Pilier d’une communauté de fermiers, Owen Merritt est un homme d’honneur. Même s’il colle un bourre-pif à un indélicat lui ayant manqué de respect, il insiste sur son refus de recourir aux armes et de céder trop promptement à ses passions. Pour éviter un conflit, Merritt est même prêt à renoncer à l’amour de sa vie et à ravaler sa fierté. Et s’il s’agit de contre-attaquer et de protéger sa vie et celle de ses amis, il sait aussi faire bon usage de ses talents de pistoleros et de tacticien pour ne pas provoquer de dommages collatéraux.
Suffisamment intelligent pour ne pas faire évoluer son combat de mâles alpha en discours binaire et bêtement manichéen, André De Toth se sert des personnages secondaires pour y apporter au contraire des nuances de gris, égratignant discrètement le monolithisme de Randolph Scott et créant de l’empathie pour Alexander Knox, méchant pathétique dont les méfaits proviennent davantage d’un aveuglement que d’un penchant quelconque pour la cruauté. Une authentique leçon d’équilibre et de virtuosité dramatique.
Image
Une copie restaurée, souvent admirable par la maîtrise des contrastes et de la définition en basse lumière. De bonne facture, le DVD de 2005 peut sans regrets laisser sa place à cette nouvelle édition Blu-ray. Les amateurs peuvent donc repasser à la caisse. De discrètes fluctuations des couleurs demeurent toutefois et n’ont pu être corrigées.
Son
Des pistes mono nettoyées et restituées sans le moindre accroc. Belle dynamique musicale du générique d’ouverture en version originale.
Interactivité
Entre recyclage de suppléments déjà vu ailleurs et création de contenu inédit, le cœur de l’éditeur balance. D’où une interactivité étrangement scindée en deux. Le spécialiste britannique du western Edward Buscombe se fend d’un portrait plutôt complet de l’acteur Randolph Scott et ses propos recoupent ceux de Patrick Brion et de Bertrand Tavernier qui interviennent dans un court segment. Ça, c’est pour le déjà vu, même si le contenu de ces deux entretiens demeure précieux. Réalisées spécialement pour cette ressortie, les présentations de Patrick Brion et de Jean-François Giré se complètent admirablement. Factuel et érudit, Brion insiste sur le contexte tandis que Giré laisse davantage parler la passion et dégage un début d’analyse du « style » André De Toth, plaidant pour que l’on réévalue d’urgence l’œuvre du cinéaste d’origine hongroise. On ne peut qu’être d’accord avec ce dernier.
Liste des bonus
Présentation de Patrick Brion et de Jean-François Giré, Randolph Scott par Edward Buscombe, Randolph Scott par Bertrand Tavernier et Patrick Brion, Bande annonce.