LE CAPITAINE VOLKONOGOV S’EST ÉCHAPPÉ
Капитан Волконогов бежал – Estonie, Russie, France – 2021
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Natasha Merkulova, Aleksey Chupov
Acteurs : Yuiy Borisov, Timofey Tribuntsev, Aleksandre Yatsenko, Nikita Kukushkin
Musique : Elena Stroganova
Image : 1.66 16/9
Son : Russe et français DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 126 minutes
Éditeur : Kinovista
Date de sortie : 22 juillet 2023
LE PITCH
URSS, 1938. Au pic de la Grande Terreur, Staline purge ses propres rangs. Les hommes qui mettent en œuvre la répression sont eux-mêmes arrêtés et exécutés. Se sachant à son tour condamné, le capitaine Volkonogov s’échappe. Dans sa fuite, il est frappé d’une vision : pour sauver son âme, il devra se confronter aux familles de ses victimes et obtenir leur pardon.
Proklinat
Toujours inédit en Russie, repoussé aux calanques grecques pour cause « officielle » de Guerre en Ukraine, mais largement partagé en streaming illégal (comme quoi ça peut être pour la bonne cause), Le Capitaine Volkonogov s’est échappé réveille les fantômes de l’URSS pour mieux dialoguer avec une nation toujours autant tenue en joug par des tortionnaires.
Membre actif du NKVD, police politique au service du PCUS (future KGB), Volonogov a comme ses collègues torturé, poussé aux aveux et exécuté de nombreux innocents au nom d’une justice préemptive, d’une élimination systématique de toutes personnes pouvant montrer des signes d’indépendance, de révolte ou de liberté d’esprit. Un homme au service du système, mais qui pourtant s’en échappe lui même lorsque les purges commencent au sein même de son organisation. Menacé d’être exécuté à son tour, il parcourt la ville à la recherche des familles de ses victimes pour obtenir un pardon impossible. Presque une fable au cœur des ténèbres, quête d’une rédemption de l’âme qui doit justement s’extraire de la simple peur liée à un renouveau de foi, pour glisser vers une véritable conscience affleurante du mal qu’il a participé à diffuser autour de lui. Le pays n’est plus ici qu’une succession de décors froids, métalliques, rouillés et vides, où semblent se terrer les habitants, recroquevillés dans la peur et le besoin de survie, la honte et la colère, écrasés sous la botte du totalitarisme et du nationalisme.
La démocratie en fuite
La mise en scène toujours à distance, le regard hagard (mais retrouvant peu à peu son humanité) du formidable Yuriy Borisov, la fuite constamment jalonnée de retours en arrière abruptes ou de visions cauchemardesque, permettent cependant au film de s’échapper de l’illustration purement historique. Si un gigantesque ballon d’hélium rouge frappé d’un gigantesque 1939 vient obstruer le ciel, Le Capitaine Volkonogov construit un espace à part, sorte de dystopie rétro, mélange de futurisme crasseux et d’extrapolations stylisés qui tirent le récit vers l’allégorie universelle…. Ou qui en tout cas tire un lien évident entre la Russie d’alors et celle d’aujourd’hui. D’ailleurs les agents du NKVD n’ont jamais porté cette étonnant bomber noir sur un jogging rouge vif, et leurs crânes rasés font surtout échos aux skinheads qui pullulent sous le poutinisme. Pas étonnant que le film ne soit effectivement toujours pas visible officiellement dans son propre pays (même s’il a été coproduit avec l’Estonie et la France via Kinovista), il dénonce sans détour l’aliénation constante de l’âme russe, sa confiance aveugle en état inhumain et corrompu, et la mort qu’il ne cesse de provoquer autour de lui. Cette dernière est d’ailleurs omniprésente dans le film, poursuivant inlassablement Vokonogov, rongeant les murs et les corps, envahissant des esprits qui ne lui échappent, temporairement parfois, qu’à coups de vodka.
Jalonné parfois de quelques notes d’un humour noir et d’échappées absurdes nécessaires, l’œuvre est la tragédie d’un peuple qui suffoque (littéralement), se transmettant le mal de la dictature d’une génération à l’autre. Glaçant.
Image
Le film profite assez facilement d’une très belle copie HD. Les cadres sont bien entendu d’une netteté et d’une propreté extrêmement solides avec une profondeur toujours creusée. Le transfert est tout aussi solide sur le rendu des couleurs, extrêmement contrastées entre le gris ternes, le noir profond et les rouges pleins, et séduit par sa restitution des sensations minérales, et parfois laiteuses de la photographie.
Son
Version française et originale sont proposées aussi bien en DTS HD Master Audio 2.0 (pour les petites installations) qu’en 5.1. Ce sont bien entendu ces derniers qui accompagnent le mieux le métrage avec une dynamique très présente, volontairement jamais spectaculaire ou envahissante, mais qui imprègne l’espace d’échos métalliques et de vides inquiétants.
Interactivité
Pas de making of ou de regard direct sur les coulisses du tournage, seuls les témoignages des deux réalisateurs, Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov, permettent d’en découvrir quelques contours dans l’intéressant commentaire audio qui revient autant sur quelques questions techniques que sur les contours politiques. L’intervention de Joël Chapron permet pour le coup au spectateur français de préciser un peu le contexte historique décrit, mais aussi les particularités du métrage au sein du cinéma russe contemporain.
Liste des bonus
Commentaire audio de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov (VOST), Présentation du film par Joël Chapron, spécialiste des cinématographies d’Europe de l’Est (20’40”), Bande-annonce.