LAS VEGAS PARANO

Fear and Loathing in Las Vegas – Etats-Unis – 1998
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Terry Gilliam
Acteurs : Johnny Depp, Benicio Del Toro, Christina Ricci, Ellen Barkin, Gary Busey, Mark Harmon, Cameron Diaz, Tobey Maguire, Harry Dean Stanton…
Musique : Ray Cooper
Image : 2.39 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 Anglais et Français
Sous-titres : Français
Durée : 118 minutes
Editeur : L’Atelier d’images
Date de sortie : 20 mai 2025
LE PITCH
Dans les années 70, Raoul Duke, journaliste, et son avocat de Dr Gonzo, partent pour Las Vegas, le coffre de leur voiture bourré de drogues interdites. Mais rapidement, leur voyage se transforme en un enchaînement de délires hallucinatoires…
The Hangover
Parc d’attraction géant de l’Amérique moderne, Las Vegas n’a que rarement été aussi bien décortiquée que dans Las Vegas Parano, pamphlet psychédélique et totalement fou signé par l’auteur de L’Armée des 12 singes. Une chronique ahurissante d’une société en chute libre narrée par un duo d’acteurs (Johnny Depp et Bennicio Del Toro) totalement hystériques, et pourtant visionnaires.
Quota étrange de la bande des Monty Python (les autres ne comprenaient jamais ses expérimentations animées) puis réalisateur apocalyptique autant dans la démesure de ses projets (Brazil) que dans ses explosions de budgets et de délais de tournage, Terry Gilliam est un cinéaste excessif sur tous les points. Pas étonnant que sa trajectoire croise à plusieurs occasions des œuvres aussi branques que lui, mais jugées totalement casse-gueule et inadaptables à l’image du developpement hell de sa version des Watchmen où le désormais mythique et inachevé Don Quichote transformé en documentaire terminal : Lost in La Mancha. Bizarrement, au milieu de tout cela, il aura réussi à boucler une relecture hautement inadaptable des textes d’Hunter Thompson, créateur exubérant du journalisme Gonzo qui transformait chacun de ses reportages en bataille autant stylistique que morale. Découvert, en grande part, dans les pages de Rolling Stone, son travail justement entre le papier de pigiste et l’œuvre littéraire auto-dévorante, donne pourtant naissance ici à un long métrage, mais dont la forme est forcément déroutante, bordélique, puisque embrassant totalement la quête de vérité du journaliste / personnage dans son entier. La théorie est simple : dans un monde délirant au la société de consommation et la dégradation des valeurs est devenue la norme, celui qui veut y survivre et la combattre doit repousser les limites et les faire voler en éclat.
Mushroom Power
Idéal en reporter déconnecté, totalement frappé et arpentant les contrées viciées de Las Vegas, Johnny Depp arbore un regard fou, un phrasé syncopé et une ironie dévastatrice face à ses contemporains (l’Amérique des 70’s mais pas que). Mais il paraît toujours plus sain que ces derniers, tournant en ridicule une convention sur les narcotiques, se moquant outrageusement du luxe des lieux qu’il visite et occupe comme un squatteur de l’extrême, soulignant la vulgarité d’une exploitation moderne de Gomorrhe. Accompagné d’un avocat (mais l’est-il vraiment ?) encore plus hautement paranoïaque et carrément dangereux interprété par un adipeux et puissant Benicio Del Toro, il casse tout ce qu’il touche, mais uniquement en révélant la vacuité et l’inconvenance de la chose. Toujours fasciné par les personnages borderline qui combattent la bête seuls contre tous (voir The Fisher King, Jabberwocky, Brazil…), Terry Gilliam filme la fresque comme un cartoon géant où le ton explosif d’un Tex Avery serait porté par une colère noire, aussi farouche que drôle, d’autant plus sidérante qu’elle filtre à travers les effets des narcotiques. Drogués jusqu’à la moelle, perdus entre les différents effets des différentes substances (acides et compagnies), leur réalité ne cesse de se distordre occasionnant autant des visions colorées et hilarantes (le cirque, les transformations en lézard libidineux…), des séquences parfaitement flippantes et brulantes, qu’une perte définitive de repères temporels et spatiaux. Une fuite de la réalité comme un trip hallucinogène, mais qui souligne justement l’incapacité d’y échapper, rappelée par les images d’archives de la guerre du Vietnam où la tonalité constamment désespérée de l’entreprise.
Enfant révolté de la révolution culturelle portée par les hippies et leur élévation libertaire, Las Vegas Parano en constate l’échec tonitruant et préfère se perdre généreusement dans les délires de son antihéros, pourfendeur de dragons chimériques, vomissant son dégoût à la face de l’Amérique. Logique alors que le film ait tendance lui aussi à se perdre dans ses propres excès, sans début ni fin, sans queue ni tête, peuplé de redondance autant que de fulgurance sauvages.
Image
Après deux Bluray techniquement peu concluants édités tour à tour par TF1 Vidéo et Universal, Las Vegas Parano s’offre enfin une édition à sa hauteur avec ce combot UHD / Bluray. Il faut dire que ce dernier profite d’une restauration éprouvée produite l’année dernière par Criterion avec un scan 4K des négatifs originaux comme source. La suite s’est avérée être un nettoyage en règle des photogrammes, une stabilisation générale bienvenue et un nouvel étalonnage, Dolby Vision, effectué sous la surveillance du cinéaste. Le résultat final est donc imparable avec une netteté inédite, révélant à nouveaux toutes les textures, le grain et la profondeur des cadres, et se parant de teintes riches et puissantes, plus à même encore d’accompagner les visions de deux baroudeurs psychédéliques.
Son
Seul petit impair de l’édition, comme les précédentes, celle-ci ne permet pas de retrouver la stéréo d’origine, beaucoup plus ferme, équilibrée et mettant mieux en avant les monologues de Johnny Depp. Le DTS HD Master Audio 5.1, anglais ou français, insiste mieux sur les ambiances délirantes et les invasions de visions ou de mouvements de caméra, mais reste marqué par quelques échos artificiels pas idéaux.
Interactivité
Il y a 10 ans, Universal avait fait fort en proposant le film sans le moindre bonus. Rien. Même pour la ressortie en steelbook. L’édition proposée ici par L’Atelier d’images a des petits airs de revanche puisque même si elle ne reprend malheureusement pas le contenu de la sortie Criterion, elle reste plutôt généreuse et intéressante. On y retrouve un élément pioché du coté des archives de la sortie avec le making of d’époque, assez court et très promotionnel, mais qui permet de profiter de petites interventions de toute l’équipe du film et de découvrir quelques images de tournage. La rencontre avec l’acteur Benicio Del Toro, qui revient sur son implication totale dans le projet, son amour pour le livre et le carnage de la sortie salle et de sa présentation à Cannes provient pour le coup des collègues d’Arrow. L’interview de Terry Gilliam, ravi de revenir sur le film et d’évoquer de nombreux souvenirs de tournage, la mise en place de certaines séquences clefs et ses relations houleuse avec les producteurs et les distributeurs, fut enregistrée pour la collection de TF1 Vidéo en 2009.
A tout cela, L’Atelier d’images apporte une nouvelle fois sa petite pierre en confiant une présentation du film à Caroline Vié (20 minutes) qui résume très efficacement les nombreuses tentatives d’adaptations précédentes, l’arrivée de Johnny Depp et de Terry Gilliam, l’atmosphère du film et sa pérennité.
Liste des bonus
« Las Vegas Parano : Un film complètement psychédélique » : Présentation du film par Caroline Vié (20’), « Une expérience cinématographique racontée par Terry Gilliam » : Interview de Terry Gilliam (25’), Interview de Benicio Del Toro (12’), Featurette « Spotlight on Location: Spotlight on Fear and Loathing in Las Vegas » (1998, 10’), Scènes coupées (12’), Bande-annonce originale (2’).