L’ART DE LA GUERRE
Art Of War – États-Unis, Canada – 2000
Support : Blu-ray
Genre : Action
Réalisateur : Christian Duguay
Acteurs : Wesley Snipes, Anne Archer, Michael Biehn, Donald Sutherland, Maury Chaykin, Marie Matiko, …
Musique : Normand Corbeil
Durée : 117 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français & Anglais DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : ESC Distribution
Date de sortie : 5 juillet 2023
LE PITCH
Agent secret pour le compte des Nations Unies, Neil Shaw est accusé à tort du meurtre d’un ambassadeur chinois en pleine négociation d’un traité historique de libre-échange. Recherché par les Triades et le FBI, il ne peut désormais compter sur personne, …
Le traité des cinq roues
Malheureusement très discret depuis sa sortie de prison en 2013 (condamné pour une rocambolesque histoire de fraude fiscale, il a passé 28 mois sous les barreaux), Wesley Snipes fut, tout du long des années 90, la plus grande star afro-américaine du cinéma d’action et le digne héritier de Jim Kelly et Richard Roundtree. Artiste martial complet, acteur charismatique et talentueux, danseur émérite, Snipes est révélé au grand public en 1987 par le clip que Martin Scorsese réalise pour la chanson « Bad » de Michael Jackson.
Antagoniste parfait du King of Pop, Wesley Snipes bouffe littéralement l’écran et s’offre un début de carrière mémorable devant la caméra du réalisateur de Raging Bull. Mo’Better Blues, Jungle Fever (tous deux réalisés par Spike Lee), The King of New York (Abel Ferrara), New Jack City (Mario Van Peebles) et Les Blancs ne savent pas sauter (Ron Shelton) suffisent à l’imposer définitivement au grand public en un peu moins de trois ans.
Sur cette base solide, Wesley Snipes va dès lors se construire une image de dur à cuire cool, capable de tenir des blockbusters sur ses seules épaules (Passager 57, Drop Zone, Meurtre à la Maison-Blanche) ou de partager l’affiche avec de grands noms sans s’en laisser compter (Soleil Levant avec Sean Connery, Demolition Man avec Sylvester Stallone, The Fan avec Robert de Niro ou encore U.S. Marshals avec Tommy Lee Jones). Détail amusant mais rarement relevé par la critique ou la presse people, il est sans doute le premier acteur noir à imposer à l’écran l’image du couple interracial sans que cela ne donne lieu au moindre débat comme ce fut le cas dans les années 60 lors de la sortie de Devine qui vient dîner ce soir ? de Stanley Kramer avec Sidney Poitier. Une belle marque de progressisme.
La fin des années 90 lui apporte la consécration. Entre une prestation remarquée dans le très sérieux One Night Stand de Mike Figgis, la création de sa propre société de production (Amen Ra Films) et le succès planétaire de Blade d’après un comics Marvel, Wesley Snipes semble désormais intouchable et incontournable. Produit par ses propres soins dans la foulée des aventures du chasseur de vampires, L’Art de la guerre marque pourtant et étrangement le début de la fin pour la carrière du comédien qui, malgré le sursaut de Blade 2, va peu à peu s’enfoncer dans le DTV bas de gamme. Bide au box-office américain, la série B de Christian Duguay, en dépit de quelques belles qualités, nous laisse surtout avec le sentiment que la formule bien rodée de la « Snipesloitation » vient subitement de passer de mode pour s’enfoncer dans la routine sans âme.
Le bug de l’an 2000
Nanti d’un budget de 40 millions de dollars, L’Art de la guerre semble en avoir coûté dix fois moins. La faute, en premier lieu, à une direction artistique assez pauvre et même carrément cheap qui donne l’impression que tous les décors se ressemblent, constat encore aggravé par un recours abusif aux fonds verts avec des incrustations déjà limites pour l’époque. Le sur découpage constant est un autre écueil qui nous ne laisse guère l’opportunité de profiter des pirouettes martiales de Wesley Snipes – pourtant un argument commercial majeur ! – et qui finit par jouer contre le rythme de la narration, épuisant ainsi le spectateur au bout d’une heure de projection. Mais le plus gros souci de L’Art de la guerre est encore son scénario qui bande très très mou et aux enjeux loin d’être palpitants (sauver un accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine, ouais …) et aux personnages au mieux schématiques. Que sait t-on du héros ? Son nom, sa maîtrise des techniques de combat et … et … c’est tout. Et que sait t-on des motivations des conspirateurs ? Les chinois, euh, ce ne sont rien que des méchants et la droite américaine, ce ne sont rien que des gros fachos. C’est à se demander comment le projet a pu se monter sur si peu.
Dans les faits, Christian Duguay a bel et bien fait retravailler le script dans un délai très court pour le rendre à peu près fonctionnel et réorienter le projet vers le thriller paranoïaque et le film d’espionnage davantage que l’action pure. L’équilibre n’est sans doute pas atteint mais le cinéaste québécois est un peu plus libre d’afficher ses nobles influences, des Trois jours du Condor de Sidney Pollack au Blow Out de Brian De Palma en passant par le Klute d’Alan J. Pakula, présence de Donald Sutherland au casting oblige. La sophistication de la mise en scène et son travail permanent sur les surfaces, les transparences et les reflets des innombrables miroirs et baies vitrées a au moins le mérite de coller au sujet et d’imposer une atmosphère trouble et labyrinthique. Le réalisateur de Planète Hurlante a également un don pour bien s’entourer au niveau du casting. Tandis que Marie Matiko et Liliana Komorowska valident l’argument glamour avec efficacité, les gueules patibulaires et iconiques de Michael Biehn, James Hong, Maury Chaykin (dans un rôle à la Dennis Franz) et Cary-Hiroyuki-Tagawa hantent le cadre avec une présence toujours aussi savoureuse.
Inégal et s’élevant laborieusement au-dessus du tout venant grâce au savoir faire et à la vision de son réalisateur, L’Art de la guerre n’en reste pas moins un DTV au luxe tout à fait relatif emmené par une star qui se repose déjà tristement sur ses acquis. Pas cool.
Image
Il s’agit de toute évidence du master d’époque, vaguement remis au goût du jour (la qualité de la définition varie d’une scène à l’autre) via un upscaling qui peut parfois faire illusion, notamment lors de quelques panoramas new-yorkais ou du climax dans les couloirs de l’O.N.U. Le rendu est donc vintage et majoritairement convaincant grâce à une source très propre. Mais on était en droit en 2023 d’attendre bien mieux qu’un très beau DVD déguisé en Bluray.
Son
La stéréo de la version française n’est pas loin de proposer une dynamique plus agréable que l’ébullition permanente d’un 5.1 aux basses envahissantes et aux effets multidirectionnels très artificiels qui viennent empiéter sur les dialogues.
Interactivité
Les deux bonus inédits produits pour l’occasion se révèlent en fin de compte plus réussi que le film dont il parle ! L’interview passionnante de Christian Duguay revient avec humour et sans langue de bois sur un projet que le cinéaste a accepté pour s’amuser avec les jouets hollywoodiens et pour distiller son amour du thriller politique et parano des 70’s. Conscient de la pauvreté du matériau de base et de l’ego imposant de sa star, Duguay ne se cache pas d’avoir joué les mercenaires sans se faire d’illusions. Le critique Samuel Blumenfeld revient pour sa part sur l’évolution du héros afro-américain dans le cinéma hollywoodien dans un segment d’une trentaine de minutes plus informatif qu’il n’en a l’air.
Liste des bonus
Conversation avec Christian Duguay (30 minutes), « Les Noirs dans le cinéma hollywoodien » : entretien avec Samuel Blumenfled, critique au Monde (36 minutes).