L’ANNONCE FAITE À MARIE
France, Canada – 1991
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Alain Cuny
Acteurs : Ulrika Jonsson, Christelle Challab, Alain Cuny, Roberto Benavente, Jean Des Ligneries…
Musique : François-Bernard Mâche
Durée : 91 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Aucun
Éditeur : Potemkine Films
Date de sortie : 4 octobre 2022
LE PITCH
Au XVème siècle, Violaine, promise à Jacques, met son mariage en péril en embrassant par compassion Pierre, bâtisseur de cathédrales l’ayant autrefois aimé et désormais lépreux. Mara, sa sœur jalouse, les voit et convainc Jacques qu’il a été trompé, tandis que Violaine, infectée par la maladie, est conduite à une léproserie. Plusieurs années plus tard, Mara qui a épousé Jacques vient voir sa sœur avec son nourrisson mort-né et supplie Violaine de le ressusciter…
Un poème visuel
Inédit en vidéo jusqu’alors, l’unique film réalisé par Alain Cuny, L’annonce faite à Marie, sort enfin dans une sublime édition concoctée par Potemkine. La version restaurée 4K permet d’admirer un long-métrage singulier, un véritable poème visuel qui parvient à réussir la gageure de rendre accessible l’œuvre originelle de Paul Claudel.
Au soir de sa vie, à l’âge de 82 ans, Alain Cuny, qui a tourné sous la direction des plus grands (Fellini, Godard, Rosi, Carné, Antonioni…), signait enfin son premier, et dernier, film. Hommage à l’œuvre de Paul Claudel, cette unique réalisation de ce grand acteur de théâtre qui avait joué et rencontré le dramaturge, frère de Camille Claudel, se révèle être passionnante. Et pourtant, au premier abord on aurait pu craindre que ce mystère médiéval à l’écriture complexe et à la portée religieuse affirmée soit au mieux difficile d’accès, au pire imbuvable tant les versets de l’ancien ambassadeur s’apparentent à « un labyrinthe verbal singulier » selon les dires de l’essayiste François Angelier.
La prouesse de L’annonce faite à Marie est justement de simplifier le fond par une interprétation sans artifices (hormis Cuny, les acteurs sont tous non-professionnels) tout en illustrant le propos par des images et des cadres organiques, naturalistes, faisant songer à une succession de tableaux où chaque détail compte. Ainsi notre rétine ne pourra que retenir les véritables moments de grâce qui défilent : Ulrika Jonsson et son visage angélique au pied d’un pommier sous la lumière de l’automne, les champs de blés balayés par le vent, un splendide travelling où Violaine voit son père partir aux croisades, la faune (insectes, chevaux, chiens, vache…) filmée comme rarement…
Testament
Cette impression de tableau filmographique se voit soulignée par les costumes d’une simplicité extraordinaire, quasi hors-temps…et concoctés par des peintres ! En effet, Cuny s’est inspiré des dessins de son ami Pierre Tal Coat, décédé en 1985, pour la création des habits finalement dédiée à Anne Le Moal, elle-même peintre et fille de Jean Le Moal, qui comme Tal Coat faisait partie des représentants de la peinture non figurative.
L’annonce faite à Marie fait également figure d’œuvre testamentaire pour son cinéaste qui tentait de réaliser ce film depuis les années 1950 ! Considéré comme un disciple de Paul Claudel par l’auteur lui-même, il interpréta ses pièces à plusieurs reprises au théâtre, dont la pièce dont le film est tiré, et jouera également le rôle du père de Claudel dans Camille Claudel de Bruno Nuytten en 1988.
Coproduit avec le Canada, le film fut également tourné dans ces contrées lointaines lors de la partie centrale qui voit la neige et les étendues de vide succéder aux paysages bucoliques de Civry-la-forêt, commune des Yvelines où fut principalement tourné le film, plus précisément dans la propriété de Cuny lui-même. Une preuve de plus de l’attachement de l’acteur à ce projet d’une vie.
A partir d’une œuvre impénétrable et ô combien religieuse, le film déroule au contraire un sujet où les thèmes universels de l’amour impossible, de la perte d’un être cher, de la trahison s’imposent. L’élégance simple des acteurs, le cadre insolite du tournage et l’incommensurable beauté des tableaux qui jalonnent le film font de ce chant du cygne d’Alain Cuny un OFNI très recommandable.
Image
Réalisée par Caroline Champetier, directrice de la photo du film, la restauration en haute-résolution 4K s’avère magnifique. Réalisée à partir du négatif et d’une copie d’origine, la version proposée est parfaitement définie, et donne un caractère organique aux magnifiques cadres composés par le réalisateur. Les couleurs sont chatoyantes et le niveau de détail impressionne. Selon l’aveu de Caroline Champetier : « On voit des choses qu’on ne voyait pas à l’époque. »
Son
Rien à redire sur le Master Mono présenté. La musique particulière de François-Bernard Mâche, alliant chants liturgiques et des thèmes proches du thriller, est parfaitement rendue, ainsi que les dialogues, réalisés en post-synchronisation, clairs et aérés.
Interactivité
Outre un livret avec illustrations, l’édition de qualité de Potemkine nous propose près de deux heures de bonus passionnants et éclairants. L’intervention de François Angelier nous permet d’en savoir plus sur le réalisateur, enfant adultérin délaissé par sa famille qui trouva dans l’art et la culture sa bouée de sauvetage. Ainsi que sur Paul Claudel et ses différentes vies : ambassadeur, dramaturge, exégète de la Bible…
Les entretiens avec les différents intervenants sur le film (producteur, costumier, directrice de la photo, monteuse…) font office de véritable Making-Of du film. On y apprend que l’intervention du ministre de la culture d’alors, Jack Lang, fut décisive alors que la coproduction canadienne voulait déserter le projet.
La personnalité lunatique de Cuny est également au centre des propos. Tantôt enthousiaste et exalté puis dépressif et colérique, le “jeune” réalisateur, peu connaisseur des différentes techniques cinématographiques, ne fut pas un colorateur des plus faciles…
Enfin, le reportage dans la propriété d’Alain Cuny a une valeur historique certaine, permettant de voir une dernière fois ce monstre sacré qui s’éteindra peu après le film en 1994.
Liste des bonus
Un livret de 20 pages. Entretiens avec Hugues Desmichelle, producteur (24’), avec Anne Le Moal, costumière (12’), avec Françoise Berger-Garnault, monteuse (8’), avec Caroline Champetier, directrice de la photographie (20’), avec François Angelier, écrivain et producteur radio (30’). Retour sur le lieu du tournage avec Alain Cuny (INA, 1992, 7’).