L’AGENCE TOUS RISQUES : L’INTÉGRALE
The A-Team – Etats-Unis – 1983/1987
Support : Bluray
Genre : Actions
Réalisateurs : Divers
Acteurs : George Pepppard, Mr T, Dirk Benedict, Dwight Schultz, Melinda Culea, Lance LeGault, Robert Vaughn, Eddie Velez…
Musique : Mike Post, Pete Carpenter, Garry Schyman
Durée : 4686 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD 2.0 Mono
Sous-Titres : Français
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 28 septembre 2021
LE PITCH
Recherchés par la justice et l’armée, quatre vétérans du Vietnam forment une unité de mercenaires venant en aide aux opprimés et à tous ceux qui en éprouveraient le besoin. Leur nom : l’Agence tous risques, …
Les Hommes qui tombent à pic
Figurant en bonne place parmi les madeleines de Proust ayant bercé les après-midi télé de la génération 80’s, L’Agence tous risques s’offre ce qui ressemble à un ultime tour de piste avec cette superbe intégrale en haute-définition cuisinée avec soin par l’éditeur Éléphant Films, déjà responsable de luxueux coffrets consacrés à K2000, Deux Flics à Miami ou encore L’incroyable Hulk. Séquence nostalgie.
Au sein de l’équipe de scénaristes travaillant sur la très populaire série Magnum avec Tom Selleck, un nom se distingue, celui de Frank Lupo. Déjà en poste sur Battlestar Galactica (et sa suite Galactica 1980), ce new-yorkais pur jus possède deux qualités qui s’avèreront essentielles dans la création de L’Agence tous risques. D’une part, il sait comment injecter de l’humour et de la légèreté dans un sujet à priori difficile, à savoir le quotidien des anciens de la guerre du Vietnam puisque, ne l’oublions pas, le détective à chemise hawaïenne le plus célèbre de l’histoire de la télévision porte en lui les traumatismes du conflit qui s’est achevé sur une défaite américaine en 1975. D’autre part, il a déjà écrit pour l’acteur Dirk Benedict, l’interprète du mémorable Starbuck (aucuns liens avec la célèbre enseigne de cafés à la mode), et c’est précisément pour ce dernier qu’il imagine le personnage du lieutenant Templeton « Faceman » Peck, charmeur et arnaqueur compulsif plus connu dans nos contrées sous le sobriquet de « Futé ». Les bases sont donc déjà plus ou moins là et lorsque le scénariste et producteur Stephen J. Cannell vient lui proposer de créer une nouvelle série à la demande des pontes de la NBC, Lupo n’a plus qu’à sortir de son chapeau trois personnages de plus, tous griffonnés sur un bout de table au cours d’un repas, et un concept à la simplicité remarquable : un quatuor de mercenaires excentriques défendant chaque semaine la veuve et l’orphelin en bricolant des stratégies invraisemblables avec des bouts de ficelle, cascades, déguisements et bonne humeur à l’appui. Charge à Cannell d’apporter son savoir-faire et l’appui de sa société de production pour mettre le show sur pieds. Diffusé dans la foulée du Super Bowl au soir du 30 janvier 1983, le premier épisode rassemble plus de 26 millions de téléspectateurs. Du jamais vu. La machine est lancée.
Un plan sans accrocs
Réalisé par Rod Holcomb, un vétéran de la petite lucarne, « Rio Blanco », le double épisode pilote apparaît avec le recul comme l’un des plus faibles de toute la série. Avec ses méchants peu charismatiques et son intrigue péniblement étirée sur plus de 90 minutes, il souffre d’un rythme en dent de scie et propose un spectacle très inégal. L’autre souci vient de l’interprétation bien peu crédible de Tim Dunigan, éphémère Fûté imposé par NBC suite à un problème de contrat avec Dirk Benedict. Et pourtant, en dépit de ces réserves, L’Agence tous risques séduit. Dès le second épisode, « Les enfants de Jamestown », le show est déjà une affaire qui roule, une mécanique parfaitement huilée. Face au leader d’une secte armée jusqu’aux dents incarné par un John Saxon au cabotinage délicieux, les quatre compères mènent la charge dans leur emblématique van GMC Vandura noir comme si la série existait déjà depuis une dizaine d’années.
On peut reprocher à L’Agence tous risques d’être un show superficiel, critiquer son manque de cohérence et de réalisme et sa violence très édulcorée mais les éclatantes qualités qui font tout son charme dépassent et de loin ces remarques de peine-à-jouir. Premier Strike de Frank Lupo et Stephen J. Cannell, un casting en or massif. Sur le déclin en raison de son alcoolisme et de son caractère difficile, George Peppard s’empare du rôle du colonel John « Hannibal » Smith avec un plaisir communicatif, faisant de ses cigares cubains et de ses postiches improbables une authentique marque de fabrique qui l’imposent comme un attachant tacticien et une figure paternelle. Et il n’est pas interdit de voir dans son interprétation un hommage direct aux showrunners de la série. Auréolé du succès de sa prestation dans Rocky III, Mr. T ne joue pas, il EST Barracuda, mécanicien irascible et bling-bling au cœur tendre, gros nounours terrifié par les voyages en avion et reconnaissable entre mille par sa coupe mohawk et son insulte-signature : « Fool » ! Dans le registre de la séduction, Dirk Benedict est le Don Juan de la bande, souvent démasqué mais toujours soucieux de son apparence. Enfin, Dwight Schultz apporte son sens de la fantaisie et ses talents d’imitateurs (il est urgent de redécouvrir la série en version originale, qu’on se le dise !) à H.M. « Looping » Murdock, personnage à la fois sensible et complètement azimuté.
Derrière la caméra, Craig R. Baxley, cascadeur devenu coordinateur et réalisateur de seconde équipe (avant de réaliser lui-même des films pour le cinéma dont le plus célèbre demeure Action Jackson avec Carl « Apollo Creed » Weathers), est l’un des piliers de L’Agence tous risques. Jouant des ralentis et d’angles de prises de vue, il orchestre et met en valeur des carambolages spectaculaires et aériens où véhicules et cascadeurs prennent leur envol au milieu des explosions et des coups de feu. Un style à ce point unique qu’il marquera même l’une des scènes de Predator (l’attaque du camp de guérilleros par le commando) dont John McTiernan lui aura confié la réalisation.
Et ce tour d’horizon ne serait pas complet si l’on oubliait de mentionner la musique de Mike Post dont le thème principal, déployé jusqu’à plus soif, marquera les esprits de plusieurs générations de sérivores. Le compositeur, génie du générique qui claque, peut ici s’enorgueillir d’une de ses plus belles créations, aux côtés de Magnum, Hill Street Blues et Law & Order.
« Truth, justice and the American Way »
On a coutume de dire que rien ne ressemble plus à un épisode de L’Agence tous risques qu’un autre épisode de L’Agence tous risques et il est vrai que le show ne cherche que très rarement à bousculer une formule très confortable et au succès jamais démenti. Un salopard oppresse des innocents, lesquels font appel à notre équipe de spécialistes qui les mettent en fuite tout en évitant de se faire arrêter par les forces de l’ordre. Une routine à peine chamboulée par de menus changements de casting. Presque un cinquième membre de l’équipe au lancement, la journaliste Amy Allen incarnée par la mimi Melinda Culea finira par céder sa place (sous la pression de George Peppard qui ne l’aimait guère et insistait pour que la série reste un club réservé aux hommes) à Marla Heasley, copie pas très conforme qui disparaîtra en fin de seconde saison. Quant aux poursuivants de L’Agence tous risques, ils prendront tour à tour les visages de William Lucking (Lynch), Lance LeGault (Decker), Charles Napier (Briggs) puis Jack Ging (Fullbright). Et si les seconds rôles changent chaque semaine, certains n’hésiteront pas à revenir pour un deuxième round au milieu de guest stars inattendus (Rick James, Isaac Hayes, Hulk Hogan et Boy George dans leurs propres rôles !) : Dennis Franz, Dana Elcar, Brion James ou encore Paul Gleason feront ainsi plusieurs apparitions.
Mélange revendiqué et assumé de westerns et de séries d’espionnages telles que Mission : Impossible et Des Agents très spéciaux, L’Agence tous risques est un show qui ratisse large sans pour autant renoncer à une morale profondément républicaine et conservatrice, mais dans le meilleur sens du terme. Défense de la libre entreprise contre les grosses sociétés, défense de l’éleveur et de l’agriculteur indépendant face aux promoteurs immobiliers, interventions contre les dictateurs (communistes de préférence) de tous poils, lutte contre la délinquance, l’alcoolisme et la drogue, etc, etc. La série rejoue en permanence la lutte du pot de terre contre le pot de fer telle qu’elle se pratiquait dans l’Ouest du siècle précédent et Barracuda, Hannibal, Fûté et Looping font clairement office de pistoleros agissant selon un code d’honneur chevaleresque et se tenant aux côtés de l’américain moyen, honnête et travailleur, dans sa lutte contre un capitalisme immoral. Que la série ait disparu au terme de la présidence Reagan n’est pas un hasard tant elle se coulait dans le moule d’une Amérique triomphante et clinquante et où le retour aux vieilles valeurs (illusoires) des cowboys servait de boussole dans un monde en pleine mutation technologique, géopolitique et économique. Douce ironie, l’Agence ira pourtant jusqu’à aider de pauvres cultivateurs à monter un syndicat dans un épisode de la seconde saison. Une belle pirouette narrative et la preuve que la gauche ne détient plus le monopole du syndicalisme ouvrier !
Fin de contrat
Fort bien troussée, encore plus drôle que les précédentes et s’autorisant quelques sorties de route stylistiques discrètes mais habilement négociées (l’ouverture en noir et blanc de l’épisode « Harry a des ennuis » avec une ellipse en forme de raccord musical directement inspiré du Christine de John Carpenter), la quatrième saison subit malheureusement une érosion continue de l’audimat qui pose question. Baisser le rideau ou bien changer de formule ? Très fier d’un dernier épisode au sérieux inhabituel et où les nombreux flashbacks sur la guerre de Vietnam, Stephen J. Cannell songe alors sérieusement à ne pas rempiler pour une cinquième saison. En coulisses, les tensions de plus en plus fortes entre George Peppard (encore lui !) et Mister T perturbent l’alchimie jadis magique du quatuor et menace le bon déroulement des tournages. Tous les signaux ont beau être au rouge, NBC parvient néanmoins à convaincre l’équipe d’un nouveau format. En échange de leur immunité, les membres de l’Agence sont désormais aux ordres du général Stockwell (Robert Vaughn) et remplissent des missions comme de bons petits soldats avec l’aide de Frankie Santana (Eddie Velez), nouvelle caution jeunesse d’une série vieillissante. Mais ce concept qui ose montrer d’éternels francs-tireurs ainsi tenus en laisse par le système précipite la chute de L’Agence tous risques au bout de treize épisodes.
Malgré des rumeurs de retours et de reboot, la franchise ne sortira la tête de l’eau qu’en 2010 pour une adaptation sur grand écran réalisée par Joe Carnahan et réunissant Liam Neeson, Bradley Cooper, Sharlto Copley et Quinton « Rampage » Jackson. S’il souffre d’un montage tellement frénétique que le film finit un peu par ressembler à une longue bande-annonce de deux heures, cet hommage friqué en forme de remise au goût du jour (adieu le Vietnam, bonjour l’Irak) respecte le matériau et les fans et fait souvent mouche. Faute de George Peppard (décédé en 1994) et de Mr. T, Dirk Benedict et Dwight Schultz seront les seuls à venir jouer le jeu du caméo lors du générique de fin. Un succès modéré donc, et sans suite. Stephen J. Cannell, lui, nous quittera deux mois après la sortie de ce long-métrage. Clap de fin ? L’avenir nous le dira mais les quatre mousquetaires semblent avoir loupé le train de la nostalgie 80’s de ces cinq dernières années.
Image
Eléphant Films fait bon usage des beaux masters confiés par Universal. Soit une définition de premier plan, un grain particulièrement authentique mais discret et une propreté presque exemplaire de l’image, à l’exception de quelques plans en retraits. La compression est remarquable et le confort de visionnage est total.
Son
Avantage à la version originale avec une ampleur bien supérieure à une version française certes culte mais un peu étriquée. Dans les deux cas, point de souffle et un équilibre appréciable entre musique, dialogues et coups de feu. Sans espérer un remix atomique en 5.1, des basses un peu plus présentes eurent été les bienvenues.
Interactivité
Dans un coffret dont l’esthétique s’avère raccord avec ceux des autres séries éditées en blu-ray par Eléphant Films (les maniaques des belles étagères bien rangées seront aux anges !), les 17 disques de cet intégrale précieuse nous sont présentés par l’intermédiaire d’un superbe livret de plus de 90 pages où une description détaillée de tous les épisodes est accompagnée de nombreuses photos et d’une longue et passionnante analyse signée Thierry Le Peut. Un bel objet sur papier glacé à l’attention des collectionneurs et des néophytes. Concentrée sur le dernier disque de la première saison, l’interactivé mélange suppléments maisons et réutilisation de modules vidéo déjà présents sur les galettes imports. Le spécialiste Alain Carrazé revient en deux temps sur la série et son créateur, multipliant les anecdotes avec un sens de la mise en scène maladroit mais touchant. On retrouve aussi une interview de Stephen J. Cannell datant du début des années 2000 et dans laquelle le producteur et scénariste revient avec précision sur la série et ses méthodes de travail. Une featurette d’une vingtaine de minutes fait jouer la nostalgie en proposant un survol plaisant mais incomplet des séries cultes du début des années 80. Dommage que les acteurs et les membres de l’équipe encore en vie brillent par leur absence ou qu’aucune vidéo des coulisses ne soient à ce jour disponible. En l’état, on ne trouvera pas mieux.
Liste des bonus
La série par Alain Carrazé : « Stephen J. Cannell, le créateur multi risques », « Une agence sans accrocs », Entretien avec Stephen J. Cannell, Petit écran et grand flashback : Les années 80, Bandes-annonces.