LA MORT D’UN BUCHERON
Canada – 1973
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Gilles Carle
Acteurs : Carole Laure, Willie Lamothe, Daniel Pilon, Pauline Julien, Marcel Sabourin, Denise Filiatrault
Musique : Willie Lamothe
Image : 1.85 16/9
Son : Quebecquois et Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titre : Français
Durée : 115 minutes
Distributeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 décembre 2022
LE PITCH
Marie Chapdelaine, jeune provinciale de Chibougamou, quitte sa mère pour se rendre à Montréal, à la recherche de Tancréde, son père, qu’elle n’a jamais connu. Là-bas, elle rencontre Armand Saint-Amour-un ex-bûcheron reconverti en patron de bar country, qui connaissait son père-, François Paradis et Charlotte Juillet, respectivement journaliste et écrivaine, mais aussi Blanche Bellefeuille, qui fut la maîtresse de son père.
Gilles Carle, cinéaste d’une révolution
Considéré comme le premier film québécois à bien s’exporter, La Mort d’un bûcheron de Gilles Carle ressort dans nos contrées dans une sublime copie HD, cinquante ans après sa sortie en 1973. Comédie ironique et poétique, ce classique du cinéma québécois marque également la première collaboration entre le réalisateur et l’incroyable Carole Laure, alors débutante.
A l’instar de la plupart des pays occidentaux, le Québec, et plus généralement le Canada, connurent eux aussi les soubresauts des années 1968, une période nommée « révolution tranquille » (ou silencieuse) de l’autre côté de l’Atlantique. « Le Québec libre » comme l‘appelait de ses vœux le Général de Gaulle, se détacha ainsi peu à peu de l’emprise de la religion, d’un état parfois autoritaire, de l’influence anglo-saxonne…
Considéré par son actrice fétiche Carole Laure (ils tournèrent sept films ensemble) comme le « Fellini québecois », le cinéaste représenta à merveille la libération sociale, religieuse et sexuelle via son regard acerbe et osé sur sa société. Consacré comme un des plus grands réalisateurs québécois, il eut droit à des funérailles nationales lors de son décès en 2009, Gilles Carle avait d’abord fait parler de lui en réalisant à l’insu de sa maison de production, l’institutionnelle ONF spécialisée dans les courts-métrages documentaires à visée pédagogique, son premier long-métrage de fiction La Vie de Léopold Z. en 1965, avant de fonder sa maison de production avec le producteur Pierre Lamy.
Ainsi libéré du diktat des producteurs, Carle put mettre à l’œuvre son cinéma d’auteur populaire avec notamment La Mort d’un bûcheron qui marque sa première collaboration avec la débutante Carole Laure, qu’il filme amoureusement tout en l’érigeant en symbole de la « révolution » en cours. Présentée comme « soumise, obéissante, résignée », à l’image de la société québécoise, elle prendra sa revanche sur une société d’hommes cherchant avant tout à exploiter un corps qu’elle s’appropriera finalement totalement.
De l’exploitation
Tour à tour comédie sentimentale, puis ironique, film d’enquête et drame, le film nous fait suivre le parcours de la jeune Marie Chapdelaine, venue de sa campagne pour retrouver son père à Montréal. S’inspirant du propre parcours de son actrice, Carle s’amuse aussi à détricoter l’un des romans les plus célèbres au Québec, Maria Chapdelaine de Louis Hémon (dont il fera une adaptation en 1983), qui vantait le retour à la terre, alors qu’ici la campagne est au mieux vue comme conservatrice alors qu’à la Ville les mœurs évoluent. Comme un pied de nez, Marie fuit ses racines et choisira d’ailleurs de rester à Montréal, où elle vivra comme une femme libre : « Je ne sais pas ce que je vais faire. Apprendre à vivre toute seule. Toute seule. Sans François. Sans personne. Étudier, peut-être. Oui, étudier.( ) (à ses parents) Je ne veux plus de votre humiliation, ni de votre héroïsme, non ! »
Volontiers anticapitaliste, notamment lors de superbes scènes de photos publicitaires mettant à nu son actrice, Carle pose son regard sur les marginaux et les exploités du système. Les femmes bien sûr, avec par exemple les excellents Willie Lamothe (célèbre chanteur country au Québec) et Daniel Pilon qui ne s’avéreront n’être que de minables souteneurs et profiteurs d’une gent féminine capable toutefois d’indépendance à l’image de la voisine écrivaine de Marie (Pauline Julien), « qui fait un enfant toute seule » et écrit des pamphlets contre l’État.
Les ouvriers, par le biais de la recherche du fameux bûcheron, sont également au centre du film avec un incroyable Marcel Sabourin devenu fou après avoir assisté au massacre de collègues ayant pris en otage leur patron pour revendiquer leurs droits…
Enfin disponible en vidéo, le film est un véritable régal, malgré une seconde partie moins impressionnante, aussi bien sur le fond que sur la forme, où le réalisateur impose sa caméra nerveuse, ses ambiances oniriques et son regard cru et réaliste. Nous ne pouvons donc que saluer l’initiative des éditions Le Chat qui fume de ressortir des classiques du cinéma québécois avec ces premiers titres que sont La Mort d’un bûcheron et La Tête de Normande Sainte-Onge de Gilles Carle, ainsi que Gina de Denys Arcand.
Image
Restaurée en 2013, puis révisée en 2018, par Éléphant-Québecor, la copie HD proposée par Le Chat qui fume conserve un grain agréable et s’avère de toute beauté. La définition est impeccable, l’image ne présente guère de défauts et les couleurs sont chatoyantes, le tout rendant un bel hommage aux ambiances très travaillées du cinéaste.
Son
Même topo que pour l’image, le Master DTS-HD est particulièrement clair, les dialogues et chansons sont admirablement restituées. Même si la version anglaise est également de qualité, nous vous conseillons fortement la version originale. A noter la présence de sous-titres français proposés sur les deux versions.
Interactivité
Pour clore cette belle édition, c’est le local de l’étape, Simon Laperrière, qui propose son analyse. Auteur de livres sur le Snuff movie ou encore sur Bob Dylan et le cinéma, le canadien ne tarit pas d’éloges sur Carole Laure dont il loue « le jeu naturel et diversifié », ainsi que « le mystère qui se dégage d’elle. », et sur Gilles Carle dont il retrace le parcours. Il livre également des éléments de contexte intéressants et l’importance du roman Maria Chapdelaine dans la culture québécoise.
A noter aussi un avertissement sur l’accent québécois, « beau et triste » et les moqueries qu’il peut susciter. Simon Laperrière rappelle qu’il existe des sous-titres et que « cette langue a fait à la fois notre malheur et notre dignité. ».
Liste des bonus
Le film par Simon Laperrière (19′), accents québécois (1′), Film-annonce (2′).