LA FEMME FLIC
France – 1980
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Yves Boisset
Acteurs : Miou-Miou, Jean-Marc Thibault, Leny Escudero, Jean-Pierre Kalfon, François Simon, Alex Lacast, Niels Arestrup, Jean Martin
Musique : Philippe Sarde
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Durée : 109 minutes
Éditeur : Tamasa Diffusion
Date de sortie : 19 septembre 2023
LE PITCH
Parce que son sens du devoir dérange, l’inspecteur Corinne Levasseur se voit reléguée aux travaux administratifs dans une petite ville du Nord. Mais elle est bientôt chargée d’enquêter sur une affaire de prostitution enfantine… Son action met sa vie en danger…
Le devoir dans la peau
Après deux œuvres plus mélodramatiques, mais toujours en lien avec la question sociale (Un Taxi mauve, La Clé sur la porte), Yves Boisset revenait au récit policier qui a fait sa force depuis son premier vrai film (Un Condé). Toujours une personnalité à l’intransigeance morale, seule contre tous et surtout contre le système. Mais attention cette fois-ci c’était une femme. Une femme flic.
Une figure nouvelle dans ce passage de relais entre deux décennies, véritable écho d’un changement en amorce de la police française, mais qui passionnait déjà le cinéma hexagonal, non sans souvent verser quelque peu dans la caricature de « celle qui en a » comme dans le sympathique La Guerre des polices de Robin Davis. Cependant dès les premiers plans du film, Yves Boisset plonge sans introduction le spectateur dans le travail journalier de Corinne Levasseur, jeune femme aux allures fragiles et mignonnes (Miou-Miou était idéale pour le rôle) qui semble à la fois trop douce et à l’écoute, mais aussi étrangement détachée et déjà blasée par le métier, confrontée à un cas terrible de maltraitance d’enfant. Un poste de tout façon discuté et moqué par tous ses collègues et supérieurs, exclusivement masculins, autant que son entêtement qui va entrainer sa mutation en province. Classique. S’inspirant comme toujours de divers témoignages directs et de réels affaires judiciaires encore dans les mémoires à l’époque, Yves Boisset aborde son sujet avec une frontalité et une sobriété admirable ne donnant jamais à son film des airs de manifeste féministe revendicateur, mais plutôt de témoignage d’une réalité, d’une époque et d’une certaine mentalité bien française entre machisme primaire, paternalisme et, pour doubler le tout, un certains mépris du reste de la population pour les forces de police.
Les femmes et les enfants d’abord
D’où cette importance dans la première partie du film à s’attacher aux détails du quotidien du personnage (installation dans la pension vieillotte, confrontation avec les nouveaux collègues, repas avec une troupe de théâtre qui coupe court, réaction des personnes qu’elle interroge…), afin d’instaurer une forme de déposition, où vont venir s’insérer très naturellement les ingrédients plus classiques du polar. Une enquête solide et minutieusement construite autour du corps d’une petite fille retrouvé sur une colline rocheuse qui sert de terrain de jeu aux enfants d’une petite bourgade du nord de la France (le tournage a eu lieu partiellement à Hénin-Beaumont…) qui va mener l’inspectrice sur les traces d’un réseau de pédopornographie et de détournement de mineurs particulièrement glauque. Comme toujours chez Boisset (mais aussi dans ce type d’affaires), l’affaire est révélatrice d’une fracture sociétale, d’une opposition constante entre la haute société (ici bourgeoise, militaire et souvent dotée d’un passé douteux) et une population populaire, instrumentalisée, exploitée ici jusque dans sa progéniture. Film dénonciateur et revendicateur largement porté à gauche (la flic sera aidée par un syndicaliste viré pour ses prises de positions, et un jeune prêtre rock ’n roll) il n’est malheureusement pas plus caricaturale que ce que ce type d’affaires peuvent révéler, jusque bien entendu chez une hiérarchie et une justice qui préfèreront baisser les yeux plutôt que d’impliquer quelques industriels ou grandes familles proches du pouvoir.
Comme sa protagoniste qui vit sa mission chevillée au corps et qui ne peut accepter la moindre compromission quitte à subir un rejet total, Yves Boisset mène son film jusqu’au-bout sans ménager ses ennemis, ni édulcorer son regard sur cette France qui a cette odeur de rance qui lui colle à la peau.
Image
Tamasa aime Yves Boisset mais s’extirpe enfin du support DVD pour lui offrir un Bluray plus pointu. Belle occasion certainement que cette superbe restauration du film, effectuée à partir d’un scan 4K des négatifs et où tout a été fait pour préserver au mieux l’esthétique rugueuse du métrage. Tout a été nettoyé de fond en comble mais sans jamais amoindrir ni le grain ni le piqué de l’image, avec au passage un regain évident du coté des couleurs (que l’on connaissait plus délavée) et une plus grande finesse dans la restitution de la profondeur et des détails. Bon et bien maintenant il suffit de passer à l’UHD…
Son
Forcément très sobre et proche du rendu d’origine, la piste DTS HD Master Audio 2.0 reste inévitable frontale et concentrée sur les avants. Cela ne l’empêche pas d’affirmer un bel équilibre dans les dialogues et une restitution délicate des musiques de Sarde sans aucune perdition audible.
Interactivité
La jaquette est simple et seul un supplément vient compléter le visionnage du film. Celui-ci est cependant particulièrement intéressant et bien conçu. Un petit documentaire qui réunit les interventions du réalisateur, toujours franc du collier, Bernard Payen, programmateur de la Cinémathèque française, et Richard Marler, Commissaire divisionnaire honoraire. Étonnement c’est ce dernier qui prend le plus de place ici et qui s’avère aussi le plus pertinent décortiquant la représentation très réaliste des policiers dans le film, et en particulier la femme policière, en la liant avec les autres films de l’époque et les évolutions du métier. Il y tisse aussi les références à d’authentiques affaires de l’époque. Boisset lui évoque quelques souvenirs d’un tournage heureux et son premier choix porté sur Isabelle Huppert finalement coincée sur le tournage chaotique de La Porte du paradis de Cimino, alors que Payen résume plutôt bien les forces et les faiblesses du cinéma du bonhomme. Assez complet, même si une petite participation de Miou-Miou aurait été bienvenue.
Liste des bonus
« Antigone chez les flics » : documentaire de Roland-Jean Charna avec Bernard Payen, Richard Marlet et Yves Boisset (48’).