LA TIGRESSE

Too Late for Tears – États-Unis – 1949
Support : Bluray & DVD
Genre : Film Noir, Policier
Réalisateur : Byron Haskin
Acteurs : Lizabeth Scott, Don DeFore, Dan Duryea, Arthur Kennedy, Kristine Miller, Barry Kelley…
Musique : R. Dale Butts
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 100 minutes
Éditeur : Éléphant Films
Date de sortie : 25 mars 2025
LE PITCH
Une nuit sur une route sombre et déserte, un inconnu jette un sac plein d’argent, destiné à quelqu’un d’autre, dans le coffre de Jane et Alan Palmer. Alan veut le rendre à la police, mais Jane, elle, voit une occasion en or. Très vite, les Palmer sont traqués par Danny Fuller, un type louche qui affirme que l’argent lui appartient. Pour garder le butin, Jane est prête à tout, n’hésitant pas à franchir toutes les limites pour y parvenir.
Cupide ma jolie
Sorti en 1949, La Tigresse (Too Late for Tears en version originale) est un film noir qui, fidèle aux codes du genre, explore les dérives humaines causées par l’argent et le pouvoir. Dans un Los Angeles où les rêves se transforment en pièges mortels, il met en lumière la corruption du cœur humain à travers la performance magnétique de Lizabeth Scott.
Adapté d’une série littéraire de Roy Huggins, l’histoire de La Tigresse suit Jane Palmer, une femme ordinaire dont la vie bascule après la découverte d’une somme d’argent colossale, littéralement tombée du ciel. Ce coup du sort agit comme un catalyseur, libérant en elle une ambition noire qui transformera Jane, jusque-là femme au foyer tranquille mais un peu envieuse, en une manipulatrice impitoyable. La corruption par l’argent, inextricablement liée à la noirceur morale du genre, est ici magistralement dépeinte, rendant Jane à la fois séduisante et monstrueuse. Lizabeth Scott, souvent comparée à une version plus discrète de Lauren Bacall, livre l’une de ses meilleures performances, apportant une profondeur insoupçonnée à son personnage. Jane ne se contente pas de séduire ; elle devient une prédatrice impitoyable, imposant sa volonté à son mari, Alan, et au maître-chanteur Danny Fuller (Dan Duryea), dans sa quête acharnée de richesse. Ce portrait de femme fatale se permet quelques entorses aux clichés préétablis pour offrir une figure plus effrayante que séduisante, prête à tout pour conserver son bien.
Bien que La Tigresse n’atteigne pas la notoriété des classiques du cinéma noir, la mise en scène de Byron Haskin (réalisateur du mythique La Guerre des Mondes de 1953) capte l’intensité de la spirale destructrice dans laquelle s’engouffre Jane. L’éclairage, alternant sobriété et élans expressionnistes, accentue cette claustrophobie, chaque scène devenant une épreuve de plus dans cette trajectoire tragique.
L.A. Noire
Le cadre de Los Angeles, déjà incontournable dans les films noirs, joue un rôle central bien que discret. La ville, lieu de réussite comme de désillusions, devient le miroir des désirs et des ambitions de ses personnages. L.A., terre de fantasmes, s’avère être un terrain propice à la décadence morale, où l’ambition dévorante des uns se heurte à la faiblesse des autres, transformant peu à peu la ville en un véritable piège. Le film met en exergue l’illusion de l’eldorado, un rêve de richesse et de pouvoir qui obsède ses personnages. À travers Jane, il dépeint l’attrait irrésistible de l’argent, cette « tentation céleste » qui, loin de libérer, enferme dans un cercle vicieux. L’univers de La Tigresse se construit sur ce faux rêve, un terrain où tout semble possible, mais où chaque décision corrompt davantage l’âme du personnage.
Sorti dans une année marquée par une concurrence féroce dans le genre, La Tigresse n’a pas rencontré le succès commercial escompté. Pourtant, en rétrospective, le film s’impose comme un incontournable pour les amateurs de film noir, grâce à la pertinence de son récit moral. En dehors de la prestation mémorable de Lizabeth Scott, qui incarne une femme fatale brutale et déterminée, le film se distingue par sa réflexion sur les ravages de la cupidité et les dangers de l’avidité humaine.
La Tigresse incarne parfaitement les codes du film noir, mais derrière son classicisme apparent se cache un thriller nerveux, ponctué de confrontations tendues et de rebondissements incessants. Rarement une femme fatale aura été aussi glaçante : Jane Palmer ne cherche ni la rédemption ni l’excuse, seulement la victoire. Un joyau sombre et implacable du genre, à redécouvrir sans hésiter.
Image
Longtemps resté dans l’ombre, La Tigresse bénéficie enfin d’une édition Blu-ray en France grâce à Éléphant Films, offrant ainsi l’opportunité de redécouvrir ce film noir rare dans des conditions bien plus satisfaisantes que celles du précédent DVD, sorti en 2010. La restauration a été réalisée par l’UCLA Film and Television Archive à partir d’une copie originale retrouvée en 2011, en France. Ce processus, qui a duré cinq ans, a impliqué l’intégration de segments issus d’une autre copie pour reconstituer le film dans son intégralité. Financé par la Film Noir Foundation, ce travail ambitieux a permis de sauver cette œuvre précieuse.
La diversité des éléments sources influence bien sûr la stabilité de l’image et la finesse du grain, mais globalement, le rendu visuel est convaincant. Bien que des variations soient perceptibles d’une séquence à l’autre, l’ensemble reste cohérent. Quelques imperfections, comme des rayures ou des traces de poussière, subsistent, mais elles demeurent discrètes et n’entravent en rien la qualité du visionnage. Même si la restauration n’atteint pas les niveaux les plus perfectionnés, elle permet néanmoins de découvrir La Tigresse dans une version considérablement améliorée, fidèle à son ambiance unique et à son esthétique.
Son
L’édition Bluray propose une piste audio en DTS-HD Master Audio 2.0 Mono, en version originale anglaise uniquement, accompagnée de sous-titres français (disponibles en jaune ou en blanc, au choix). Dans l’ensemble, la restitution sonore est satisfaisante. Les dialogues restent bien audibles, sans altération majeure, même si l’ensemble manque un peu de profondeur. Aucun défaut rédhibitoire cependant, l’écoute reste tout à fait confortable. Par rapport à l’image, la bande-son se révèle plus homogène, sans fluctuations notables d’une scène à l’autre. Cette piste assure une expérience fidèle à l’enregistrement d’origine et permet de profiter du film dans de bonnes conditions.
Interactivité
Eléphant Films propose, pour son édition, une présentation du film par Stephen Sarrazin, enseignant, critique de cinéma et essayiste. Durant près de 20 minutes, il explore l’intrigue du film et analyse le parcours du personnage principal. Il présente également Byron Haskin et Lizabeth Scott, offrant ainsi un éclairage précieux sur le contexte et les figures centrales de La Tigresse. Cette présentation est indéniablement érudite et intéressante, bien qu’un peu rigide dans la forme. Il est important de noter qu’il est préférable de visionner cet entretien après avoir vu le film, afin de ne pas nuire à l’expérience de découverte.
L’interactivité se termine sur les bandes-annonces de la collection Film Noir de l’éditeur, permettant de découvrir d’autres titres du genre.
Liste des bonus
Le film par Stephen Sarrazin (2025, Eléphant Films, 19’13”), Bandes-annonces de la collection.