LA SORCIÈRE SANGLANTE

I Lunghi capelli della morte – Italie – 1964
Support : Bluray & DVD
Genre : Épouvante
Réalisateur : Antonio Margheriti
Acteurs : Barbara Steele, George Ardisson, Halina Zalewska, Umberto Raho, Laura Nucci…
Musique : Carlo Rustichelli
Image : 1.85 16/9
Son : LPCM 2.0 mono Italien et Français
Sous-titres : Français
Durée : 96 minutes
Editeur : Artus Films
Date de sortie : 3 juin 2025
LE PITCH
Au XVIème siècle, Adèle Karnstein est condamnée au bûcher, accusée d’avoir tué le comte Franz à l’aide de ses pouvoirs maléfiques. Sa fille aînée, Helen, tente de la sauver en accordant ses faveurs au comte Humboldt. Mais hélas, il est déjà trop tard. Avant de mourir devant les yeux de sa plus jeune fille, Elizabeth, Adèle lance une terrible malédiction. Peu après, Helen est tuée par le comte Humboldt, qui craint les représailles de l’église pour le crime d’adultère. La malédiction s’opère, et une épidémie de peste s’abat sur la région. C’est dans cette ambiance lugubre que surgit Mary, d’outre-tombe, pour séduire Kurt, le fils du comte…
La mort qui rôde
Dernier opus de la « trilogie gothique » d’Antonio Margheriti composée avec La Vierge de Nuremberg et le fabuleux Danse Macabre, La Sorcière sanglante permet au cinéaste de retrouver la fascinante Barbara Steele mais aussi de creuser à nouveau le sillon d’un voyage magnétique aux lisières du royaume des morts. Tout le décorum du genre est là, célébrée par un artisan particulièrement inspiré.
Alors que justement le cinéma gothique, initié par la Hammer mais généreusement repris par l’école italienne, est au pic de sa popularité en Europe, Anthonio Margheriti aura dû comme ses collègues, se plier aux exigences du marché. Un habile technicien qui à l’instar de beaucoup de metteurs en scène transalpins passera toute sa carrière à jongler entre les genres et les modes, faisant ses premières armes sur la SF kitch (La Planète des hommes perdus), puis embrayant sur le Péplum (Les Derniers jours d’un empire), l’espionnage pop (Opération Goldman), le western (Et le vent apporta la violence), le giallo (Contronatura) ou l’horreur pure (Pulsions cannibales). Une carrière particulièrement prolifique, à laquelle il faut aussi ajouter ses menus travaux du côté des effets spéciaux (sur un certains 2001 entre autres), mais qui effectivement n’aura que rarement semblé aussi évidente que sur ces quelques mois où il va plus ou moins enchainer ses trois plus belles œuvres : La Vierge de Nuremberg, Danse Macabre et le présent La Sorcière sanglante. Les liens entre les films, dans leurs thématiques et leurs esthétiques sont évidents, mais ils ne font jamais totalement dans la redite ou la simple variation.
Celle qui s’échappe du sépulcre
Imaginé par l’excellent duo formé par Ernesto Gastaldi (La Crypte du vampire, La Queue du Scorpion…) et Tonino Valerii (Le Dernier jour de la colère, Mon Nom n’est personne…) La Sorcière sanglante rejoue donc effectivement en grande partie l’habituelle trame de la vengeance d’outre-tombe, avec ici un superbe rôle double pour la sublime Barbara Steele (Le Corps et le fouet, L’Effroyable secret du Docteur Hichcock…), jeune femme assassinée après la condamnation au buché de sa mère, et qui revient en milieu de film, toute séductrice, mais sous une autre identité. Est-ce la même femme, un double ou un véritable fantôme venant réclamer son dû à la famille Hummel ? Le film joue pour une fois la carte d’un certain doute, usant de langueurs volontaires, de regards appuyés, de cadres larges finement construits et énigmatiques, d’un riche décor de château qui semble se dédoubler entre le jour et la nuit, pour brouiller les perceptions entre fantastique et chute progressive du cruel et égoïste Baron Hummel (George Ardisson, très convainquant) dans la folie de la culpabilité. Et le métrage n’en reste pas là, croisant allègrement de larges tragédies familiales, drame du couple entre devoir conjugal et soumission de l’épouse, et emprunte le chemin remarquable d’une peinture éclatante d’un Moyen Age entre racines païennes et obscurantisme religieux. Là est la sorcellerie du film, dans cette renaissance de vieilles croyances alors que la peste frappe égalitairement et aussi injustement toute la population du royaume. Malédiction ou hasard de l’Histoire, cet arrière-plan eschatologique habille La Sorcière sanglante d’une atmosphère plus morbide encore, rendant la mort omniprésente, étouffante et glaçante alors que les passions de la chair, essentiellement subies ici, semblent aussi fugaces que cruelles.
Certainement l’une des grandes réussites du cinéma gothique italien, La Sorcière sanglante marque par son ambiance savamment structurée autant que par quelques saillies horrifiques percutantes que ce soit une épouse mise au caveau vivante dans une longue séquence sous tension digne de Poe ou une vengeance finale éclatante qui n’est pas sans rappeler un certain The Wicker Man… Il y a aussi cette admirable ouverture, mêlant déjà intelligemment et sadiquement la mort et le sexe dans un montage alterné terriblement évocateur, preuve s’il en fallait des talents de cinéaste de Margheriti se hissant ici aux hauteurs d’un Mario Bava.
Image
Voilà un master HD qui ne sera pas aux goûts de tous le monde. Le film a en effet été manifestement restaurée uniquement par des outils numériques et avec une lourdeur assez manifeste. Quelques plans sont encore abimés par des restes de griffures et autres détériorations de la pellicule mais l’ensemble reste très propre et étonnement stable, mais ce nettoyage entraine aussi une disparition totale du grain et des aspérités naturelles et un gommage de la profondeur. Bien dommage, mais heureusement le film étant en noir et blanc cela reste beaucoup moins gênant que sur un film en couleurs, les contrastes tenant assez bien la route.
Son
Les deux pistes sonores sont disposées dans des mono non compressés sur deux canaux. Pas de grande dynamique à attendre mais la version italienne (postsynchronisée) est très agréable avec un rendu assez naturel même si le niveau sonore peut paraitre un peu bas parfois sur les voix. Le doublage français, de très bonne qualité est plus présent et sans doute mieux équilibré entre les deux éléments, mais est marqué par un petit grésillement tout du long.
Interactivité
20 ans (vache 20 ans !) après sa première édition, Artus Films offre un nouveau regard sur La Sorcière sanglante avec un nouveau digipack / fourreau cartonné comprenant le DVD et le Bluray du film. Sur ce dernier on retrouve bien évidemment tous les suppléments qui avaient été produits alors avec une longue et complète présentation signée Alain Petit, les petits souvenirs du fils d’Antonio Margheriti et ceux plus nostalgique encore de Luigi Cozzi, interviewé dans la fameuse boutique Profondo Rosso et un sujet très intéressant sur les sources de la Sorcellerie et le paganisme.
Bien entendu c’est aussi l’occasion pour l’éditeur de développer (considérablement) sa proposition en ajoutant une rencontre inédite avec l’important scénariste Ernesto Gastaldi qui certes se perd un peu parfois dans les anecdotes et les dates, mais délivre un regard très sympathique sur cet âge d’or du cinéma de genre italien, sur les méthodes de production, de tournage mais aussi les petites promenades de titres et concepts passant d’un film à l’autre. Le spécialiste du cinéma gothique Nicolas Stanzick vient aussi apporter sa pierre à l’édifice via une longue présentation du film qui embrasse autant la grande période du cinéma gothique italien que la carrière générale de Margheriti et ses thématiques récurrentes, tout en délivrant quelques regards sur les liens avec Danse Macabre et La Vierge de Nuremberg, le style et l’approche très particulière de la sorcellerie dans le film, sans oublier sa distribution et son impact général. Ne reste plus qu’à ajouter les traditionnelles galeries de photos et affiches, les bandes annonces et une version en anglais du générique d’ouverture, conçue par la production italienne pour gommer ses origines latines.
Liste des bonus
« Un gothique flamboyant » : Présentation du film par Nicolas Stanzick (39’), « Les Longs Cheveux de la mort » : Entretien avec Ernesto Gastaldi (27’), Entretien avec Edoardo Margheriti (11’), « Mon ami Nini », par Luigi Cozzi (15’), « Autour de la sorcière sanglante », par Alain Petit (42’), « La Sorcellerie : Culte des ancêtres et des forces de la nature », par Anne Ferlat (18’), Générique anglais (2’), Diaporama d’affiches et photos (2’), Bandes-annonces.