LA SCANDALEUSE DE BERLIN
A Foreign Affair – Etats-Unis – 1948
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Billy Wilder
Acteurs : Marlene Dietrich, Jean Arthur, John Lund, Millard Mitchell, Peter von Zerneck, Stanley Prager…
Musique : Friedrich Hollaender
Image : 1.33 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 116 minutes
Editeur : Rimini Éditions
Date de sortie : 25 septembre 2024
LE PITCH
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une commission parlementaire américaine arrive à Berlin pour enquêter sur les mœurs et les conditions de vie des GI en Allemagne. Phoebe Frost, membre de la commission, puritaine et intransigeante, découvre les dessous de la réalité berlinoise, le marché noir et la prostitution. Elle apprend notamment qu’une chanteuse de cabaret et ancienne membre du parti nazi, Erika von Schluetow, bénéficie de la protection d’un officier américain, le capitaine John Pringle. Celui-ci feint de tomber amoureux de la rigide Phoebe afin de l’amadouer.
Affaires étrangères
Trois ans après la fin de la guerre, Billy Wilder retrouve l’Allemagne pour une bien curieuse comédie, entre romantisme hollywoodien, récit d’espionnage et satyre politique acerbe, où affleure sa vision entre espoir et désillusion du pays d’où il vient, qu’il a combattu… tout comme l’icône Marlene Dietrich rejouant, forcément, une nouvelle variation de sa Lola de L’Ange Bleu.
L’actrice ne fut d’ailleurs pas facile à convaincre, elle qui justement avait fui le nazisme et partait chanter pour les troupes alliées, peu encline justement à prendre le rôle de cette Erika, chanteuse de cabaret et ancienne égérie du Reich qui, on le découvrira, eu même les honneurs de serrer la main du Führer. Collaboratrice par intérêt ou par instinct de survie, Wilder ne tranchera jamais totalement, cernant un personnage cynique, calculateur, opportuniste, mais aussi lucide, individualiste qui a réussi à échapper à la chasse aux sorcières grâce à ses charmes et des talents de séductrice. Quelques plans, un regard langoureux, une pose sensuelle en diable, une remarque aussi cruelle qu’irrésistible, et Dietrich redonne tout son chien à son personnage, même si celui-ci habite désormais un appartement délabré dans un Berlin en ruine. Un paysage de fin du monde (avec quelques plans réellement tournés sur place) au milieu duquel le cinéaste ne cache jamais le délabrement du pays aux bâtiments dévastés, aux populations au bord de la famine, nation occupée mais où résiste, par petites notes parfois aussi drôle que grinçante, le fantôme du nazisme. Comme lorsque ce petit garçon ne peut s’empêcher de faire des croix gammées partout, ou que son père manque de faire un au-revoir avec son bras tendu.
Un, deux, trois
Rien n’est simple dans La Scandaleuse de Berlin, le blanc et le noir de la guerre a laissé place à un gris plus fumeux, les rêves d’empire à une déchéance évidente, mais le film n’en glorifie pas pour autant les fiers conquérants américains venant pacifier le peuple vaincu. Wilder s’amuse, non sans férocité, de l’impérialisme idéologique du haut commandement militaire et de cette commission parlementaire personnifiée par cette Phoebe Frost (« glacée ») républicaine rigide, moralisatrice et idéaliste. La blonde Jean Arthur et sa voix haut perchée comme antithèse à la suave Marlene Dietrich, et comme contre-point de ce triangle amoureux, avec John Lund (un Clark Gable un peu pauvre) qui ne sera jamais dramatique, du moins en surface. Car même si en arrière-plan se joue une véritable réflexion sur la place de l’Amérique dans la vieille Europe et sur l’avenir de l’Allemagne, La Scandaleuse de Berlin est une authentique comédie romantique, avec tout ce que cela implique de dialogues piquants, de doubles jeux, de quiproquos et de révélations sensuelles. De petit bout de femme frigide à grande romantique éperdue, Jean Arthur en volerait presque la vedette à Dietrich dans les dernières bobines, abandonnant finalement ses préjugés, ses œillères et se libérant à ses sentiments profonds autant qu’à l’acceptation de la réalité qui l’entoure. Elle en sera même quitte pour son propre tour de chant, fortement alcoolisé et terriblement maladroit, mais qui finit de faire glisser le film vers une tonalité plus enchantée où les ruines des premières minutes en deviendraient presque un décors stylisé romantique à souhait.
Avec ironie, esprit et talent, Billy Wilder laisse là vibrer une jolie lueur d’espoir, naïve et sincère, et démontre que malgré tout (son) Berlin n’est jamais totalement éteint et peu renaitre d’une simple étincelle. Il considérait d’ailleurs La Scandaleuse de Berlin comme « l’un de ses films les plus réussis ». On voit aisément pourquoi.
Image
Le Master HD de La Scandaleuse de Berlin n’a manifestement pas pu être conçu à partir d’un scan de négatifs, mais plutôt semble-t-il à partir d’une source intermédiaire, plus abimée et moins constante. Quelques débris sont encore visibles, deux-trois plans sont marqués par des restes de griffures latérales, mais le travail de nettoyage et d’homogénéisation a bel et bien été fait, avec au passage une bonne stabilité des cadres. D’ailleurs la copie se montre la plupart du temps très agréable sur le traitement des contrastes et le maintien d’un piqué naturel. Pas de bruit numérique à l’horizon, mais un grain pellicule organique bien présent, des noirs fermement maintenus, les seuls soucis viennent de fluctuations régulière de la définition, de segments plus fatigués qui viennent un peu gâcher le noir et blanc élégant.
Son
Si on peut entendre quelques petites faiblesses dans les dynamiques, le mono de la version originale s’avère plutôt clair et assez solide, avec un DTS HD Master Audio 2.0 qui fait la part belle aux voix, aux dialogues et aux prestations chantées. Un peu plus grésillant et avec le très habituel effet de distance, le doublage français plutôt sympa est plus marqué par les années, mais reste assez agréable.
Interactivité
La Scandaleuse de Berlin rejoint la collection Billy Wilder par Rimini avec son fourreau cartonné, son petit livret dotés d’archives et de textes de présentation, et un boitier scanavo double avec DVD et Bluray. Sur les disques on retrouve à nouveau une conversation à bâton rompu entre les journalistes Frédéric Mercier et Mathieu Macheret, qui viennent replacer l’œuvre dans la filmographie du cinéaste et ses liens avec ses autres films « allemands », explorer ses motifs, son traitement d’un sujet sérieux par le biais de la comédie, son utilisation des décors et sa transformation en comédie romantique. Très complet et très intéressant.
Le programme propose aussi le documentaire Le Crépuscule d’un ange, consacré aux dernières années parisiennes de la star Marlene Dietrich. De nombreux témoignes de plus ou moins proches décrivent une femme esseulée, perdue dans l’alcool et la détresse, très loin de sa stature d’autrefois. Un portrait bien triste jamais loin malheureusement du voyeurisme, en particulier lors de la lecture de lettres intimes ou d’enregistrements de conversations téléphoniques qui n’avait pas vocations à être entendues.
Liste des bonus
Un livret (24 pages), Conversation entre Frédéric Mercier (Positif) et Mathieu Macheret (Le Monde) (26’), Le crépuscule d’un ange (51’).