LA RUE CHAUDE
Walk On The Wild Side – Etats-Unis – 1962
Support : Bluray & DV
Genre : Drame
Réalisateur : Edward Dmytryk
Acteurs : Laurence Harvey, Capucine, Jane Fonda, Barbara Stanwyck, Ann Baxter, Joanna Moore, …
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 114 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Wild Side Video
Date de sortie : 17 novembre 2021
LE PITCH
Le début des années 1930. Au décés de son père agriculteur, Dove Linkhorn prend la route pour quitter le Texas et s’en aller retrouver la femme qu’il aime à la Nouvelle-Orléans. Mais il ignore que cette dernière réside désormais dans une maison close …
Chat alors !
Avec près de vingt ans d’existence au compteur et un catalogue vidéo à vous coller des vertiges, Wild Side consacre enfin une édition digne de ce nom au film auquel la société doit à la fois son nom et son célèbre logo au poil hérissé. Film noir produit par la Columbia et adapté d’un roman plus ou moins sulfureux de Nelson Algren, La rue chaude déçoit par sa romance tragique insipide mais se rattrape à la marge par d’indiscutables éclairs de génie.
Amant de la philosophe féministe française Simone de Beauvoir, romancier à succès, Nelson Algren éveille l’appétit de l’ogre hollywoodien avec le best-seller The Man With The Golden Arm et qui se retrouve porté à l’écran en 1955 par Otto Preminger avec Frank Sinatra dans le rôle principal. Les droits du roman suivant d’Algren, A Walk On the Wild Side, se négocient alors à la hausse et c’est la Columbia, orpheline de son légendaire patron Harry Cohn, qui remporte la mise. Divisé en trois chapitres, l’histoire est celle de Dove Linkhorn, jeune texan à la dérive, de sa relation avec des prostituées et de la perte de son innocence et de son idéalisme au temps de la Grande Dépression. Sexuellement chargé et inadaptable en l’état – sauf au risque de déclencher les foudres de la censure – le manuscrit passe entre les mains de trois scénaristes (dont un autre romancier, John Fante) qui arrondissent les angles et transforment les errances du personnage principal en une noble quête romantique se heurtant aux dures réalités de la prostitution à la Nouvelle-Orléans. C’est une trahison pure et simple, le sordide se retrouvant enfoui sous une épaisse couche de glamour maladroit.
Réhabilité après avoir été blacklisté lors de la chasse aux communistes du sénateur McCarthy, Edward Dmytryk vient d’enchaîner plusieurs films très réussis avec la Fox mais il accepte de changer de crémerie pour Walk On The Wild Side (qui, de la page à l’écran, perd l’article indéfini « A » de son titre). Il s’en mordra les doigts. N’ayant pas son mot à dire sur le casting, Dmytryk doit composer avec un couple vedette (Laurence Harvey et Capucine) choisis par les producteurs et des tensions aux allures d’incessants crépages de chignon, pousseront le cinéaste à démissionner à quelques jours de la fin du tournage.
Elle(s)
Le manque d’alchimie entre Laurence Harvey et Capucine est un sérieux obstacle à l’adhésion du spectateur à une histoire qui, sur la page, a déjà du mal à tenir debout. On ne sait jamais vraiment si l’obsession de Dove pour Hallie tient du caprice, de la folie ou d’un amour pur et on a du mal à croire que la sophistication et la froideur de cette dernière aient pu la pousser à entrer au bordel de Madame Jo. Quant au personnage de Kitty campé par une Jane Fonda incendiaire, il semble carrément appartenir à un autre film. Véritable électron libre dont le charisme et la séduction brute électrisent le cadre, la fille d’Henry Fonda se la joue Brigitte Bardot, incarnant davantage la révolte et la sensualité pop des 60’s que le desespoit d’une jeune fugueuse du début des années 30. Une révélation, certes, mais sa simple présence perturbe encore un peu plus un métrage en sérieux manque de cohésion. Il se murmure même que Blake Edwards fut engagé dans le plus grand secret pour terminer les prises de vue, ajoutant si besoin était au chaos d’une production tourmentée qui échouera à satisfaire le public et la critique.
Pour autant, Walk On The Wild Side n’est pas un échec total et ses vraies qualités se développent en arrière-plan, avec des personnages secondaires parfaitement fascinants. Les fabuleuses Barbara Stanwyck et Ann Baxter apportent toute la fragilité nécessaire à des portraits de femmes mûres blessées par la cruauté et la vanité des hommes et la maison close propose un véritable décor de film noir peuplé d’âmes brisées et de monstres terrifiants (l’homme de main sadique et le cul de jatte violent incarnés respectivement par Richard Rust et Don « Red » Barry). Le film peut en outre s’enorgueillir d’une superbe partition d’Elmer Bernstein et d’une des plus belles créations de Saul Bass avec un générique d’ouverture iconique où un chat noir déambule avec nonchalance avant d’attaquer avec frénésie un autre matou, blanc cette fois-ci.
Œuvre composite minée par un conflit d’égos et la frilosité de son écriture, Walk On The Wild Side aurait pu sombrer dans l’oubli sans le talent et l’implication de certains de ses artisans, les seuls à rendre justice au potentiel du roman de Nelson Algren.
Image
Une copie noir et blanc en tous points remarquable de précision, de définition, de propreté et de stabilité. Réalisée en nuit américaine, la scène d’ouverture affiche des teintes sépias surprenants. Un plan flou lors de l’altercation entre Laurence Harvey et un prédicateur de rue dénote, la faute à un abus d’edge enhancement. Mais là, vraiment, on chipote.
Son
Etouffée, faiblarde, avec des dialogues parfois à peine audibles, la piste française ne mérite pas que l’on s’y attarde. Surtout si on la compare avec la superbe dynamique de la version originales dont les basses feutrées soulignent l’élégance jazzy du score d’Elmer Bernstein.
Interactivité
Nous sommes bien loin des pavés consacrés à La Nuit du Chasseur ou à L’Homme qui voulut être roi mais le médiabook au visuel décalé (comprendre « à l’horizontal », ou en mode paysage pour les informaticiens et les photographes) est agréable au regard et le livret intégré est suffisamment complet pour ne pas laisser place à la frustration. On n’aurait pas craché sur un entretien avec Jane Fonda, seule membre de l’équipe du film encore en vie aujourd’hui, mais il faudra se contenter d’un entretien riche en spoilers et en analyses pertinentes du spécialiste François Guérif, lequel aborde les forces et les faiblesses de l’œuvre sans détour.
Liste des bonus
Impasse à Perdido Street : entretien avec François Guérif (33 minutes).