LA ROSE DES MERS
France – 1946
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Jacques de Baroncelli
Acteurs : Denise Bosc, Fernand Ledoux, Roger Pigaut, Lily Baron, Noël Roquevert, Palau…
Musique : Louiguy
Image : 1.37 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français sourds et malentendants
Durée : 85 minutes
Éditeur : Pathé
Date de sortie : 26 juin 2024
LE PITCH
Jérôme possède un bateau, La Rose de la Mer, avec son truand d’oncle. Ils naviguent avec une bande de forbans engagés par l’oncle pour saborder le navire et toucher la prime d’assurance. Mais Jérôme n’est pas de cet avis et s’oppose au reste de l’équipage.
Sortir la tête de l’eau
Cinéaste précurseur et prolifique, mais aujourd’hui négligé, Jacques de Baroncelli signait aux lendemains de la guerre un huis clos maritime entre mélodrame, film noir et allégorie d’un pays hanté par ses heures les plus sombres. Une jolie redécouverte.
Ancien critique, aspirant romancier, passionné de théâtre et surtout réalisateur extrêmement productif ayant entamé ses classes dans le cinéma des 1915 (quasiment tous ses films muets sont déclarés disparus), Jacques de Baroncelli aura fait partie des fondateurs d’un cinéma hexagonal inventif et naturaliste, avec de grandes réussites comme Nêne, La Légende de sœur Beatrix, et Pêcheur d’Islande tournés aux débuts des années vingt. 20 ans plus tard, le cinéaste est au crépuscule de sa carrière et les succès se font de plus en plus rares même si le monsieur ne faiblit pas vraiment dans sa production durant les années de guerre avec des propositions comme La Duchesse de Langeais ou Les Mystères de Paris. Des années compliquées, comme pour tout le monde, où ce dernier refuse tout de même toute associations avec la Continental Films de Goebels. Adaptation du roman éponyme de Paul Vialar publié en 1939, La Rose de la mer et sa structure en huis clos essentiellement contenue sur un bateau cargo en route pour Casablanca, devient dès lors par quelques réécritures et surtout son actualité, une évidente métaphore d’une nation pliant sous le poids de la honte.
Lifeboat
Une simple tentative d’arnaque à l’assurance, mais avec un gros magot pour tous les marins à la clef, et chacun doit alors faire face à sa propre morale, son avidité, sa docilité face à l’autorité du terrible Capitaine Jardehu (Fernand Ledoux, le regard noir digne d’un film de pirates) et réfléchir face à la proposition plus humaniste et lucide du jeune associé Jérome (Roger Pigaut). La vieille garde autoritaire et malhonnête face à une nouvelle génération porteuse d’espoir… Surtout que l’on découvre à bord une passagère clandestin, enceinte, qui forcément remet tout en question. Face au drame de la naissance et la symbolique de ce renouveau, même les têtes les plus dures comme La Galoche (Noël Roquevert toujours parfait en fripouille) finissent par retrouver le bon chemin et se rebeller contre le plan initial. Un joli film qui aurait pu aisément glisser vers le mélodrame trop sentimental et vers le discours lourd, s’il n’était justement pas constamment contrebalancé par cette forme rigoureuse et étouffée où le navire (mélange de décors et de véritables prises en mer) semble hors de tout, contenu, enclavé par l’océan et la coque en métal. Cultivant les ombres, les forts contrastes, le directeur de la photographie Jean Isnard (Les Malheurs de Sophie, Gueule d’Ange mais aussi le serial Flash Gordon) donne toutes les armes à Jacques de Baroncelli pour cultiver une très belle esthétique de film noir où la luminosité marocaine de la dernière bobine à Casablanca en ressort plus chaleureuse encore.
Pathé ne s’y est pas trompé en investissant dans sa luxueuse restauration 4K, cette Rose et la mer vaut effectivement le détour.
Image
A nouveau une superbe copie pour la collection des grandes restaurations Pathé avec un travail extrêmement poussé effectué à partir d’un nouveau scan 4K des négatifs originaux et l’utilisation d’un marron intermédiaire pour les parties les plus abimées. Les photogrammes ont été admirablement nettoyés et ne dénotent plus de la moindre imperfection, et ce sans jamais faire perdre au film sa rugosité initiale. Pas de gommage numérique à l’horizon, les cadres préservent leur grain organique, leurs argentiques et assurent un piqué toujours extrêmement rigoureux qui souligne admirablement les contrastes noir et blanc. Splendide.
Son
La piste mono s’assure aussi un sacré confort avec une restitution DTS HD Master Audio 2.0 qui révèle là encore une restauration de très haute tenue. Celle-ci a profite d’une stabilisation et d’un rééquilibrage plus que convaincant ne laissant plus passer aucune perdition sonore (crissements, saturations…) tout en préservant l’aspect légèrement ronflant des captations de l’époque.
Interactivité
Le film est accompagné de deux suppléments écrits et narrés par Cécile Dubost. Le premier permet de refaire brièvement le portrait du cinéaste Jacques de Baroncelli, de retracer sa découverte du cinématographe et son investissement dans cet art dès le muet, ses recherches formelles et son intérêt constant pour les sources littéraires. Le second s’attarde lui sur La Rose de la mer, et utilise un comparatif avec certains points du roman original, pour montrer comment le travail d’adaptation du récit par le réalisateur révèle autant sa personnalité que les changements liés à la France de l’après-guerre. Très intéressant dans les deux cas.
Liste des bonus
« Jacques de Baroncelli, un nom oublié » de Cécile Dubost (7’), « La Rose de la mer : Entre roman et adaptation, de la nuance » de Cécile Dubost (22’).