LA POSSÉDÉE DU LAC
La Donna del lago – Italie – 1965
Support : Bluray & DVD
Genre : Fantastique
Réalisateur : Luigi Bazzoni, Franco Rossellini
Acteurs : Virna Lisi, Peter Baldwin, Salvo Randone, Valentina Cortese, Pia Lindström
Musique : Renzo Rossellini
Durée : 85 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Italien LPCM 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Artus Films
Date de sortie : 31 août 2022
LE PITCH
Écrivain en manque d’inspiration, Bernard va passer un séjour dans un hôtel de montagne du nord de l’Italie. Il espère aussi y retrouver Tilde, la femme de chambre dont il est tombé amoureux lors de son précédent séjour. Une fois sur place, il apprend que celle-ci s’est suicidée, et repose dans le cimetière près du lac. Mais les allusions des villageois et surtout la discussion avec un photographe va le porter à croire qu’elle aurait été assassinée.
La Belle disparue
Inédit en France ou tout comme, La Possédée du lac est la première réalisation de Luigi Bazzoni, cinéaste discret mais souvent remarquable, dont on connaît essentiellement le gialo esthétisant Journée noire pour le bélier et le très étrange, voir délirant, Le Orme. Dans un superbe noir et blanc, ce premier essai croisait déjà ces deux aspirations.
Largement mis en avant, Luigi Bazzoni n’est pas le seul nom attaché à la naissance du film. On y trouve en effet en coréalisateur Franco Rosselini (frère de Roberto) futur producteur de Django, Caligula ou Le Decameron mais aussi au scénario le Giulio Questi qui signera par la suite la direction de Tire encore si tu peux et du très atypique La Mort a pondu un œuf. Deux habitués des atmosphères étranges donc, aux projets hors des sentiers battus mêlant pure exploitation et ambitions d’auteur, qui ont forcément trouvé une voix idéale avec l’approche de Bazzoni annonçant par son whodunit opaque, ses atmosphères décalées, inquiétantes et glauques et quelques insert fétichistes (on aperçoit même une lame de rasoir), les futures rives maniéristes et obsédantes du giallo. Ainsi lorsque Bernard (l’américain Peter Baldwin) retourne sur les traces d’un ancien amour, il découvre que celle-ci est censée s’être suicidé dans des circonstances étranges. Un petit village plein de secrets, de regards fuyants et de personnages peu chaleureux, une silhouette qui déambule au bord de l’eau tel un fantôme, des rêves qui se mêlent constamment aux souvenirs et à des échanges de plus en plus glissants, La Possédée du lac est un film qui perd volontairement pied, faisant constamment douter le spectateur sur la réalité qui lui est présenté, sur la santé du héros ou sur le véritable visage de cette créature de rêve (la très sensuelle Virna Lisi), femme fatale inaccessible ou femme publique selon les dires et les témoignages.
Fausses vérités
Un voyage onirique dans un petit village du nord de l’Italie égratignant déjà la petite bourgeoisie locale, grattant le vernis d’une société trop proprette, où Bazzoni délite avec talent et inventivité les bords classiques du récit policier, multipliant les flous, les flashbacks surexposés, les séquences cycliques et surtout empêchant le spectateur de chercher le moindre indice et la moindre vérité dans une image toujours trompeuse. Pas étonnant qu’une séquence centrale du film, repose ainsi sur une photographie que l’on pensait anodine, projetée en négatif sur un écran et qui contient depuis le début la clef de l’affaire. La preuve qui était sous nos yeux depuis le début, comme dans Blow Out, est l’un des ingrédients préférés des giallos de seconde génération comme l’installera L’Oiseau au plumage de cristal. Un film précurseur, mais qui garde aussi un pied dans le gothique alors à la mode dans le cinéma italien, avec son superbe noir et blanc contrasté signé Leonida Barboni (Divorce à l’italienne, La traviata), achevant de transporter l’œuvre dans un espace hors du temps, vaporeux, lointain. De ce côté-là, le film n’échappe pas à quelques petites longueurs, à quelques répétitions et relâchements, mais La Possédée du lac reste une très jolie redécouverte, un beau film de l’entre-deux.
Image
La copie présentée ici est à priori tiré d’une restauration récente en 2K. Le film étant en noir et blanc il permet de faire passer quelques petits défauts encore présents consistant en quelques restes de griffures, petites taches et un grain un peu fluctuant. La définition est plutôt solide, mais c’est surtout la gestion des contrastes et donc la restitution du noir et blanc proprement dit qui séduit le plus.
Son
La piste italienne en mono est présentée avec un petit rafraîchissement d’usage. Mais les dialogues et les effets d’ambiances sont toujours clairs et équilibrés, on note quelques petits moments de saturations lors de certains échanges.
Interactivité
Disposé dans un digipack avec fourreau cartonné au design rétro parfaitement réussi, La Possédée du lac profite encore des bons traitements éditoriaux d’Artus avec une première présentation du film signé par Emmanuel Le Gagne. On y retrace les filmographies des noms connus, on y souligne les modernités esthétiques et les originalités du film, tout comme dans le petit documentaire venant le compléter : « Au fond du lac ». Là, la parole est offerte à l’historien italien Fabio Melelli mais aussi au scénariste Giulio Questi et au maquilleur Gianneto de Rossi qui viennent livrer quelques souvenirs de leurs collègues, des anecdotes de tournage et plus généralement leur engouement pour le projet. Suivent les classiques galerie de photos et bandes-annonces, mais l’édition se clos plus étonnement sur un court métrage français : « En surface ». Un petit film ultra référentiel (Spielberg, Dante…) autour du mythe de la sirène plutôt plaisant à défaut d’être vraiment convainquant.
Liste des bonus
Présentation du film par Emmanuel Le Gagne (2022, 30’47”),
« Au fond du lac » : présentation du film par Fabio Melelli (historien du cinéma), Giulio Questi (scénariste), Giannetto de Rossi (maquilleur) (2022, 35’17”, VOST), Diaporama d’affiches et photos (1’18”), Bande-annonce originale (2’03”, VO), Court métrage : « En surface » de Léo Colomina et Gabriel Cocus (26’47”).