LA POLICE ÉTAIT AU RENDEZ-VOUS
Six Bridges to Cross – États-Unis – 1955
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Film Noir
Réalisateur : Joseph Pevney
Acteurs : Tony Curtis, George Nader, Julie Adams, Jay C. Flippen, Sal Mineo…
Musique : Frank Skinner, Herman Stein
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 96 minutes
Éditeur : Elephant Films
Date de sortie : 12 septembre 2023
LE PITCH
Des années 30 à 50, l’ascension d’un gangster de Boston qui a fort à faire face à un fonctionnaire de police besogneux. Une étrange amitié nait entre les deux hommes, mélange d’admiration et de crainte…
Sympathy for the Devil
Grand continent (en termes d’univers et de masse de production) le Film Noir cache souvent derrière le mur des grands classiques de nombreuses petites perles ou tentatives méritantes à redécouvrir. Porté par une prestation extrêmement fine et concerné de Tony Curtis, La Police était au rendez-vous est effectivement un essai plus que méritant.
D’ailleurs la première qualité de Six Bridges to Cross (titre anglais beaucoup plus mélancolique) est justement de ne pas se contenter de rejouer l’affrontement classique entre le policier farouche et le truand charismatique. S’inspirant d’un authentique braquage, aussi célèbre que spectaculaire, le scénario très librement concocté par Sydney Boehm (Les Inconnus dans la ville), se construit volontairement très lentement, sur pas moins de deux décennies. Car les deux figures opposées sont intimement liées depuis que gamin Jerry Florea s’est fait tirer dessus pas le policier en patrouille Edward Gallagher. Le jeune homme en sortira privé de la capacité de procréer, mais n’en tiendra jamais rigueur au flics qui le prend ensuite sous son aile, entamant une forme d’étrange relation filiale. Étrange car Jerry reste un délinquant et va peu à peu devenir un authentique, mais sympathique, gangster, tandis que Gallagher va grimper dans la hiérarchie avec l’aide, entre autres, des infos délivrées par son ami. Un duo ambigu, toujours au bord de la rupture et de l’affrontement direct, dont les évolutions sont comme chapitrées par les séjours en prison du premier. Et plutôt que de compter l’ascension parallèle de deux « frères ennemis » et d’y apposer l’habituel regard moral de l’époque, Six Bridges to Cross préfère explorer la manière dont le carcan sociétal, le déterminisme systémique de l’état américain, produit ses propres criminels.
Tendre voyou
Jerry est donc fils d’immigré à qui on va refuser durant de longues années la naturalisation qui lui est due, et qui ne cessera d’être jugé, accusé et regardé de biais même par ses charmants protecteurs. Incarné dans les séquences de jeunesse par un déjà très convaincant Sal Mineo (le gamin de La Fureur de vivre), Jerry devient l’aimant du métrage dès lors qu’apparait Tony Curtis, décontracté, séducteur, filou et parfois même inquiétant, mais qui fait constamment affleurer par ses regards et ses sourires ironiques, une humanité douloureuse et une complexité admirable. D’autant plus troublant que malgré ses élans rédempteurs, le personnage use et abuse ouvertement de son entourage pour mettre en place des plans criminels de plus en plus complexes et insaisissables. On ne peut donc que se désoler un peu qu’un projet aussi prometteur n’ait été confié au petit artisan Joseph Pevnev (Reportage fatal, L’Homme au mille visages…). Un réalisateur de studio sans grande personnalité filmant son mélodrame policier avec une distance un peu dommageable et surtout peinant à véritablement inscrire le film dans une montée en tension progressive et une esthétique du film noir. La photo est bien sobre, les cadres souvent figés, factuels (en dehors d’un excellent travelling façon Il était une fois en Amérique dans la séquence d’ouverture) et les grandes prouesses attendues du film (les fameux braquages si malin et sophistiqués) se réduisent à quelques plans aguicheurs par le look imparables des truands, mais passent rapidement à l’elliptique.
Un habillage trop en retenue pour un récit qui exigeait de la passion, de l’atmosphère voir de la rage, mais l’intérêt de La Police était au rendez-vous persiste heureusement grâce à ses qualités d’écriture, et une fois encore la performance impressionnante du beau Tony Curtis.
Image
Sans forcément en passer par une restauration couteuse à la source, La Police était au rendez-vous s’en sort plutôt bien au format HD. Les cadres sont plutôt propres et ne laisse passer quelques petites taches et griffures persistantes, et affirme une jolie définition qui redessine les personnages et les arrière-plans. Certains plans semblent encore parfois trop doux et les contrastes manquent légèrement d’intensité, mais le noir et blanc reste harmonieux.
Son
Pas de doublage français ici, seule la version originale persiste. Proposé dans un DTS HD Master Audio 2.0 elle met naturellement en avant les dialogues, toujours clairs, sans que les petits soucis des années ne viennent gâcher la prestation. Sobre mais efficace.
Interactivité
Sympa de retrouver sur l’édition une interview enregistrée par Tony Curtis à l’époque de la promo du film. Il répond dans son bureau à des questions scriptées, laissant les blancs pour que les journalistes TV puissent y placer leurs voix respectives. Exercice amusant mais pas toujours naturel ou l’acteur joue autant sur la présentation de son nouveau film que sur les petits clins d’œil people.
A cela s’ajoute une présentation beaucoup plus récente de Samir Ardjoum (Microciné) manifestement enthousiasmé par le film. Il tente ainsi en s’appuyant de quelques analyses de scènes de faire passer Joseph Pevnev pour un grand metteur en scène, un auteur. Pas convaincu, mais l’effort est louable.
Liste des bonus
Le Film par Samir Ardjoum (10’), Entretien avec Tony Curtis (5’), Bandes-annonces.