LA PLANÈTE SAUVAGE
France – 1973
Support : Bluray
Genre : Science-Fiction, Animation
Réalisateur : René Laloux
Acteurs : Jean Topart, Jean Valmont, Yves Barsacq, Hubert de Lapparent, Gérard Hernandez…
Musique : Alain Goraguer
Durée : 71 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Éditeur : Potemkine Films
Date de sortie : 05 décembre 2023
LE PITCH
Sur la planète Ygam, vivent les Draags, humanoïdes de douze mètres de haut. Ayant atteint les plus hauts sommets de la connaissance, ils mènent une existence de loisirs et de méditation. Ils possèdent de minuscules animaux familiers, les Oms. Tout commence lorsque Tiwa, fille du Grand Edile, adopte un bébé Om qu’elle baptise Terr…
Des hommes et des dieux
Pour qui ne connaît pas le cinéma de René Laloux, découvrir son œuvre a de fortes chances de vous laisser perplexe si vous le regardez de nos jours. Pourtant, se laisser pénétrer par son cinéma peut avoir quelque chose d’hypnotique. La Planète Sauvage, son premier long-métrage en constitue une excellente entrée en matière.
Son parcours à tout ce qui a d’atypique. Animateur sans travail, il dégote un poste d’assistant dans un hôpital psychiatrique au sein duquel il ouvre un atelier de dessin pour les malades. Chemin faisant, il prend à cœur sa mission jusqu’à créer des dessins animés de papiers découpés avec ses patients, transformant sa mission de deux mois en année. Contre toute attente, leur projet Les dents du singe trouve la route de la diffusion télé et connaît un beau succès d’estime. L’envie de renouveler l’expérience sur d’autres courts-métrages suivront. Sa rencontre avec le dessinateur multitâches Roland Topor (celui qui a traumatisé des milliers d’enfants avec Téléchat) est le grand tournant de sa carrière. La collaboration s’étendra sur de nombreuses années jusqu’à la création du projet de La Planète sauvage inspiré très librement du roman Oms en série de Stefan Wul. Topor se charge des dessins tandis que Laloux s’occupe de la réalisation. Le film s’étalera sur une période de trois ans avant de sortir en 1973. Jusqu’alors, le cinéma d’animation français se limitait à La Bergère et le ramoneur vingt ans plus tôt… depuis plus rien.
Vents et marées
Véritable homme de gauche, Laloux ancre le film dans son époque post-soixante-huitarde où l’artistique se mêle à la politique. Le film se considère comme une fable aux tendances écolos et humanistes sur l’oppression des peuples. Les personnages, sortes de géants-bleus pré-Avatar, se livrent à la méditation spirituelle qui leur permet d’acquérir une connaissance suprême leur conférant le pouvoir de brimer les peuples soumis. Le film fait penser à Pierre Boulle et sa Planète des singes où l’homme se révolte pour obtenir sa liberté. Le film, enfin sorti, reçoit un accueil positif jusqu’à être sélectionné au très select Festival de Cannes. C’est la première fois qu’un film d’animation est en compétition officielle au même niveau que les films live (il faudra attendre Persépolis pour réitérer l’exploit). Véritable OVNI, personne n’aurait pu imaginer qu’un film fait en papiers découpés et en « côte-out » livrerait un classique de la science-fiction à la française. Hypnotique, il bénéficie grandement de la musique d’Alain Goraguer qui approfondit magnifiquement la richesse du film. Déstabilisant, le film accouche dans la douleur. Tourné en Tchécoslovaquie, pays cherchant à s’ouvrir vers l’ouest, il est un cauchemar pour le metteur en scène ; Laloux est le seul de l’équipe à parler français et les producteurs ne lui laisse aucune liberté. Il est le petit capitaliste à dompter. Heureusement que l’entente avec l’équipe technique est au beau fixe, car son compagnon de dessin, Roland Topor, a quitté le navire sur conseil de sa maman. Comble de malchance, le Printemps de Prague passe par là et provoque immanquablement une pause non prévue dans le budget de tournage, une catastrophe en tout point pour le jeune metteur en scène qui se retrouve seul à diriger un premier long métrage.
Coup de cœur de Roger Corman, La Planète sauvage est achetée par sa compagnie pour la distribution américaine. Le pape de la série B avait à cette époque un certain James Cameron dans son équipe technique. Des géants bleus, une planète extraterrestre, une révolte, oui pas de doute l’héritage de la Planète Sauvage se répercute encore aujourd’hui.
Image
Cette seconde édition HD (la précédente était celle d’Arte) reprend la même source qu’en 2016 et est donc tiré d’un scan 2K du négatif original et de l’interpositif pour certaines séquences. L’ensemble est toujours aussi beau, admirablement nettoyé et stabilité, mais profite pour le coup d’un tout nouvel étalonnage qui fait disparaître les étranges fluctuations jaunâtres d’autrefois. La colorimétrie retrouve enfin toute la richesse d’autrefois avec des contrastes marqués et pointus. Un résultat probant pour une technique peu exploitée au cinéma.
Son
Le laboratoire Diapason s’est chargé de la nouvelle maquette sonore pour le pousser au format DTS. Celui-ci permet à la partition d’Alain Goraguer de prendre une nouvelle dimension toujours aussi envoûtante.
Interactivité
Voilà un coffret qui aime approfondir son sujet. Après un avant-goût en forme de documentaire dédié à René Laloux, celui-ci s’exprime sans langue de bois sur son parcours et sur sa relation contrariée avec son mentor Roland Topor. Il s’exprime également avec une grande lucidité sur la tournure qu’a pris sa carrière loin des sentiers battus. La suite est consacrée à Fabrice Blin. Spécialiste du metteur en scène, il nous emporte dans sa passion pour l’univers de Laloux où aucun secret ne lui semble caché. Il analyse par tous les bords le parcours iconoclaste de l’auteur avec moults détails. Le module le plus intéressant reste le travail accompli par Laloux avant sa reconnaissance critique.
Potemkine ajoute à la galette trois courts métrages indispensables pour voir son évolution technique et cinématographique. Les Dents du singe est ce fameux projet porté avec les patients de la clinique psychiatrique tandis que Les Temps morts montre les prémices de sa collaboration avec Topor dans ce court sur la violence mêlant prises de vue réelles à des séquences animées. Enfin Les Escargots est une approche onirique sur la prise de pouvoir d’escargot géant. Trois courts métrages pour trois approches différentes d’un même homme. De quoi explorer en toute sérénité l’œuvre de l’artiste disparus en 2004 laissant derrière lui que trois longs-métrages.
A noter qu’une édition limitée à 500 exemplaires existe avec une affiche du film mais surtout avec le livre L’Odyssée La Planète sauvage de Fabrice Blin et Xavier Kawa-Topor, édité par Capricci pour les 50 ans du film.
Liste des bonus
« Laloux sauvage » : documentaire sur René Laloux (27’), Entretien avec Fabrice Blin, spécialiste de René Laloux (40’), « La Planète sauvage – De l’autre côté » : émission La Zone (15’), 3 courts métrages de René Laloux : « Les Dents du singe » 1960, (13’), « Les Temps morts » 1964, (10’), « Les Escargots » 1965, (10’).