LA PETITE SŒUR DU DIABLE
Suor Omicidi – Italie – 1979
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Giulio Berruti
Acteurs : Anika Ekberg, Alida Valli, Massimo Serato, Joe Dallesandro…
Musique : Alessandro Alessandroni
Durée : 88 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français et italien DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 15 février 2022
LE PITCH
Dans la région de Lugano, Sœur Gertrude travaille au sein d’un hôpital prenant en charge des personnes âgées. Après une récente opération d’une tumeur au cerveau, la religieuse a développé une addiction à la morphine, ainsi qu’au sexe, la plongeant peu à peu dans la paranoïa. Et, pour couronner le tout, des patients sont bientôt assassinés dans l’établissement. Très vite, une partie du personnel suspecte Sœur Gertrude d’être la criminelle.
L’opium du peuple
Doté d’un casting étonnamment solide pour le genre Nunsploitation, avec en tête d’affiche la grande Anika Ekberg (oui celle de La Dolce Vita), Suor Omicidi ou Killer Nun comme l’affichent fièrement les distributeurs américains, est un étrange objet entre thriller psychédélique et critique acerbe de la soutane vaguement inspiré d’un authentique fait divers. Étonnant mais pas forcément mémorable.
Après avoir fait ses armes dans les coulisses du cinéma italien pendant quelques années, comme assistant réalisateur (Mes ennemis, je m’en garde !), puis monteur (Baba Yaga) et même scénariste (Croc Blanc et le chasseur solitaire), Giulio Berruti passe finalement à la réalisation avec le méconnu Noi siam come le lucciole (récit d’une vengeance fomentée par une prostituée) puis le Suor Omicidi en présence. Malheureusement, et malgré la mode générale à nunsploitation, son film va s’attirer les foudres de la censure et des autorités du Vatican qui vont en limiter la sortie sur les écrans et obliger le studio à opérer de nombreuses coupes drastiques, quitte à dégoûter le jeune cinéaste qui du coup délaissera la fiction par la suite. Il faut reconnaître que la défiance de celui-ci à l’encontre de l’église et des représentants religieux est parfaitement perceptible dans le métrage faisant de sa protagoniste principale, Sœur Gertrude interprétée par une Anika Ekberg fatiguée, une nonne tombée dans la morphine, s’efforçant de dissimuler ses erreurs et ses faiblesses par une présence cruellement autoritaire sur les patients de l’hôpital dont elle a la charge. Pire, madame profite de ses sorties à l’extérieur pour se faire prendre entre deux ruelles, confond manifestement la sainte hostie avec une belle piqûre de morphine lorsqu’elle ne fantasme pas en plein trip sur le corps d’un cadavre masculin.
L’habit de fait pas la nonne
Pas très catholique tout cela et elle devient naturellement la suspecte numéro 1 lorsque certains médecins ou pensionnaires sont retrouvés assassinés. Entre la petite nonne lesbienne, incarnée par la toujours peu pudique et jolie Paola Morra (Intérieur d’un couvent), la terrible Alida Valli en Mère Supérieure féroce et un gentil prêtre qui se bouche les oreilles en plein confessionnal, les représentants de l’Église ne sont pas forcément des plus sympathiques, décrits comme hypocrites et défenseurs d’une moralité caduque. Pathétiques tout au mieux. Une vision désabusée qui habite le film et donne justement à ce mélange de nunsploitation soft (peu d’érotisme et d’images purement sacrilèges) et de giallo (pour le whodunnit) une atmosphère délétère particulière. Cela ne l’empêche malheureusement pas de se montrer aussi assez prévisible dans ses atours « policier » et surtout relativement ronronnant dans son rythme, alternant quelques scènes de meurtres peu nombreuses mais efficaces et troubles dans leur réalisation, et d’autres passages beaucoup plus proches du drame trop bavard. La réalisation inégale, la musique aléatoirement inspirée et une sensation d’un objet constamment déséquilibré par un manque de pures effusions d’exploitation (où sont le sang et les outrances sexuelles ?) donnent à La Petite sœur du diable des airs de production méritante mais finalement assez timide.
Image
Restauré à partir d’un scan 2K du négatif, la nouvelle copie HD de La Petite sœur du diable en met plein les yeux, assurant une lumière éclatante et des couleurs pastelles, délicates, mais admirablement contrastées. L’image profite aussi d’une admirablement gestion du grain, très présent mais harmonieux, et de superbes reflets argentiques qui viennent souligner une définition aux petits oignions. Seuls défauts visibles : quelques restes de griffures latérales persistes tout comme un ou deux plans légèrement tremblotants.
Son
Très sobres et à l’ancienne, les pistes originales mono italienne et française sont proposées ici dans un DTS HD Master Audio 2.0 forcément accompagné d’un petit nettoyage de printemps. C’est particulièrement notable sur la version originale qui se montre parfaitement claire et équilibrée, là où le doublage hexagonal bataille un peu pour s’imposer avec une source écrasée et quelques saturations.
Interactivité
Disposé dans le sacro-saint digipack avec fourreau cartonné, le Bluray La Petite Sœur du diable ne contient qu’un seul véritable supplément dans sa section bonus. Une longue interview du réalisateur Giulio Berruti dans laquelle il explore ses rapports tendus avec son éducation religieuse, son anticléricalisme étalé dans le film et les pressions du Vatican pour limiter la sortie du film. Ecriture du scénario, choix des acteurs, photographie et musique sont évoqués tout autant qu’une carrière finalement assez courte et plutôt tournée vers le montage puis le documentaire.
On profite aussi pleinement de la présence de l’intégralité de la bande originale signée Alessandro Alessandroni (13 titres pour une quarantaine de minutes) qui certes n’est pas forcément un chef d’œuvre absolu mais avec tout de même quelques jolis morceaux, tendus et atmosphériques, qui rappellent ses nombreuses collaborations avec Ennio Morricone.
Liste des bonus
CD de la bande originale, La Drogue de dieu avec le réalisateur et scénariste Giulio Berruti (46’), Film annonce.